Une bonne préparation

C'est tout le paradoxe, en 2016, Nintendo ne s'est pas si mal porté. Et pas mal comporté non plus. Certes, cela n'inclut pas les ventes de jeux ou de consoles, avec une Wii U à l'agonie aux alentours de 13 millions d'unités dans le monde. Si l'on fait exception des inévitables Pokémon Soleil et Lune sur 3DS, qui ont attiré les fans autant qu'ils ont profité de l'appel d'air provoqué par le phénomène Pokémon GO de Niantic sur supports iOS et Android, cela n'a pas spécialement été un festin. Mais Big N a su être présent médiatiquement comme il fallait et où il fallait.

En arrivant sur smartphones et tablettes, avec Miitomo, Pokémon GO (assimilé Nintendo) et un Super Mario Run présenté en grandes pompes par Shigeru Miyamoto lors d'une conférence Apple et qui a tout explosé sur l'Appstore à son arrivée, la société s'est rappelée au bon souvenir d'un public large, pas uniquement composé de sa base de fidèles historique et acharnée.

L'E3 2016 a aussi été un temps fort. Un seul jeu présenté, oui, mais sur un stand époustouflant : The Legend of Zelda : Breath of the Wild, prévu sur Wii U et Switch. N'oublions pas que cette présentation solitaire a surtout été motivée par le report de la Nintendo Switch qui, selon nos informations, devait bien sortir en novembre 2016... Reste que les joueurs ont adoré cette présentation, au point d'élire ce nouveau Zelda "jeu le plus attendu de 2017". C'est dire !

De quoi laisser une marque dans les esprits et entretenir la flamme à l'égard d'un titre qui sera l'un des fers de lance de la prochaine machine. Et en parlant d'entretien, les multiples screens et vidéos des aventures de Link diffusés ces derniers mois auront aussi assuré au niveau du service avant-vente.

Enfin, la Switch n'a jamais cessé d'être présente. Parfois sans que Nintendo ne pipe mot. Via nos infos Gameblog, ou encore les rafales de rumeurs et d'infos d'insiders, les encouragements d'acteurs majeurs de l'industrie, tels que Yves Guillemot ou encore Todd Howard... Et que dire de la prestation de Reggie Fils-Aimé, président de la branche américaine, et du créateur Shigeru Miyamoto au Tonight Show de Jimmy Fallon, émission américaine regardée par des millions de téléspectateurs ? Là encore, la partition est jouée sans fausse note, avec du Zelda aux percussions. Et pour cette occasion, l'ex-NX a confirmé aspect et intentions de manière efficace.

Je vous ai compris

Une nouvelle console, c'est toujours intriguant. Une nouvelle console de Nintendo, impossible, au regard du respect imposé par la marque, de l'ignorer. Annoncée sous le nom de code NX le 17 mars 2015, la Nintendo Switch convainc déjà (ça change de la Wii U !). Pour une raison des plus simples : pas besoin de phrases ni de long discours pour assimiler sa nature.

La vidéo de présentation ci-dessus est la seule chose que Nintendo a proposée officiellement jusqu'ici. Et, en 3 minutes, on peut oublier les sourcils froncés de l'annonce de la Wii U. Là, tout est clair. La Switch sera, comme soufflé à de nombreuses reprises, une console hybride. On pourra y jouer sur son écran de télévision, mais aussi l'emporter avec soi. Son unité centrale, fichée dans un dock, comprend un écran, sensiblement de la même taille que celui du GamePad, autour duquel les éléments amovibles de la manette principale, les Joy-Con, capables aussi d'être autonomes pour du multijoueur convivial à la volée, pourront se clipser.

Ce passage du sédentaire au nomade, prévu sans accroc, a de quoi enchanter. Aucune variation d'expérience n'est à déplorer selon les conditions. Ce que vous jouez en déplacement est ce qui vous attend à la maison. Et vice-versa. Comme un téléphone mobile, la Switch peut vous suivre partout, sans contrainte. Simple, efficace, innovant. Un argument de poids, mais qui soulève tout même pas mal d'interrogations, tout en laissant envisager de belles hypothèses pour assurer un succès fou.

Chacun la sienne

Le concept est un atout qui permet d'entrevoir une véritable fièvre commerciale. Le caractère portatif entraîne un phénomène inévitable : chaque individu a envie d'avoir son appareil personnel. Dans un foyer, il n'y a souvent qu'une seule PS4 ou Xbox One, un seul PC de bureau. Mais on ne trouve pas un unique téléphone mobile, ou une console portable collective. Pour une famille avec plusieurs enfants, il n'est pas fou d'imaginer que tout le monde voudra SA Switch personnelle, comme chacun a eu sa DS ou sa 3DS, puisque le téléviseur ne sera plus une obligation. Et Nintendo peut la jouer en multipliant les variations.

Comment ne pas prévoir des looks alternatifs ? Comment penser que Nintendo ne va pas sortir des consoles ou controllers pros aux couleurs d'une de ses célèbres licences ou d'un de ses anciens supports, ou encore des Joy-Con tout aussi singuliers et adoptant des formes et couleurs évoquant tantôt Mario, Pikachu, Zelda... comme avaient pu le proposer des internautes via des montages astucieux ? Hajime Tabata, producteur de Final Fantasy XV, l'avait d'ailleurs clairement indiqué au micro de Gameblog... une indiscrétion qui avait dû lui échapper.


Les customisations et autres éditions collectors, surtout en jouant sur la nostalgie, très rentable quand on voit le carton de la NES Classic Edition, permettraient d'avoir le sentiment d'un objet unique et définitivement personnel pour sa Switch. Sans parler d'une exploitation de la réalité virtuelle, possible, qui permettrait de vendre des casques façon Google Cardboard, dans lesquels insérer l'écran. Pourquoi pas avec des designs de la société du plombier ? Il va de soi que cela pèserait dans la balance. Encore faut-il que l'ensemble suive autrement que d'un point de vue purement cosmétique. Mais, il est pour l'heure impossible de dire avec précision ce que nous réservent les entrailles de la bête.

La puissance n'est rien ?

On a coutume de dire que Nintendo ne fait plus la course à la puissance depuis longtemps. Et la portabilité de la Switch, qui fixe forcément des limites, n'incite pas à rêver d'un foudre de guerre capable de rivaliser avec les PS4 et Xbox One et de proposer de la 4K en 60 images par secondes. La plupart des rumeurs et déclarations d'insiders concernant la Switch font état d'une puce Nvidia Tegra X1 (au coeur de la Shield) modifiée, du double de RAM par rapport à la Wii U (soit 4 GB), d'une vitesse de bus interne de 5GB par seconde, d'un affichage sur tablette (probablement tactile et multi-touch) entre 720p et 1080p, avec peut-être du 1440p sur TV...

On attendra évidemment les confirmations. Ce qui semble déjà se dessiner, c'est une console employant des cartouches et avec un stockage d'origine assez faible (32 Go). Et que l'architecture et l'écosystème semblent simples d'accès et permettent aux développeurs d'y trouver leur compte. Supportant parfaitement des moteurs comme Unity ou Unreal Engine 4, la console ne devrait pas se révéler un casse-tête pour les programmeurs. Et, du coup, les portages à partir des consoles actuelles ou le PC, comme le signalait Nvidia, ne poseront pas de problème.

La politique des tiers payante ?

Très vite, Nintendo a voulu rassurer sur le soutien des éditeurs tiers, brillant par leur absence sur les générations précédentes. Le géant nippon a fait des efforts, communique davantage, et la liste des premiers partenaires parmi lesquels on retrouve des Square Enix, Ubisoft, Electronic Arts, Capcom, Bethesda, Activision, Bandai Namco et autres Take-Two est encourageante. Mais cette valse de grands noms extérieurs à la firme de Kyoto assure-t-elle une implication maximum et surtout pérenne ?


Au moment où nous écrivons ces lignes, en dehors d'un Dragon Quest XI, d'un NBA 2K ou d'un Just Dance 2017, ce sont surtout des bruits de couloirs qui tournent. Pas des plus déplaisantes concernant Skyrim, Bayonetta 3, Beyond Good & Evil 2, Final Fantasy XV ou encore Kingdom Hearts III... nous sommes en mesure de vous en confirmer plusieurs, mais rien ne vaut une officialisation.

Reste aussi à voir si les joueurs seront ravis de se voir servir le même FIFA, le même Call of Duty ou le même Battlefield qu'ils peuvent saigner sur des PS4 ou Xbox One qu'eux et leurs compagnons possèdent déjà ? Ne risque-t-on pas de manger notre lot de conversions et remasterisations (la réponse est oui !), pour finalement se retrouver avec des désertions ? Et peut-on supputer que les éditeurs vont se lancer dans des productions AAA exclusives avec entrain ? Ce qu'EA et Ubi semblent préparer, avec pour le dernier cité une belle surprise impliquant les archipopulaires Lapins Crétins, résonnera-t-il chez d'autres grandes structures ? D'ailleurs, les kits de développement sont-ils tous arrivés à temps ? Très, très difficile de répondre à toutes ces questions. Une chose est sûre : les ventes, et peut-être le succès de certains jeux orientés e-sport, dans lequel Nintendo a très clairement envie de s'engouffrer, conditionneront l'attachement des tiers et des occidentaux. Sauf pour les indés, qui devraient de toute manière trouver là un terrain de jeu plaisant. Reste que, pour beaucoup, la vérité réside ailleurs.

Big N, number one

C'est une évidence, le public Nintendo veut avant tout du Nintendo. Et celui qui a accroché à tout ce que Nintendo a pu offrir directement ou indirectement en 2016, aussi. Il y a un désir d'excellence Nintendo. Et dans un délai raisonnable. Comprenez que, contrairement à la Wii U, il faudra que le line-up au lancement et sur l'année qui suit soit en béton, irréprochable. On a déjà l'assurance d'un Zelda et d'un Mario en 3D assez vite, si ce n'est pas au moment exact de la commercialisation. Et il ne serait pas étonnant que des licences chéries et régulièrement évoquées comme Donkey Kong, Metroid, Pikmin, F-Zero ou encore Pokémon (acquis) soient de la partie.

La probabilité que des superproductions de type Smash Bros., Mario Kart ou encore Splatoon, voire Animal Crossing, fassent le déplacement dans des versions améliorées, pour profiter, au passage, des amiibo d'ores et déjà prévus comme compatibles, est aussi acquise, nous vous l'avions affirmé. Et l'on peut s'attendre à ce que des Retro Studios, Monolith Soft ou encore Hal Laboratory, sans compter les différents départements internes, n'arrivent pas sans une maîtrise absolue du hardware et quelques idées bien senties, exploitant adéquatement la console et sa facette nomade. On pourrait aussi imaginer que la console virtuelle, comme une forte rumeur l'indique, se pare de hits issus de la GameCube, comme, par exemple, Eternal Darkness. Sans oublier qu'il est préférable que toute la partie online et communication sorte enfin de l'âge de pierre...

Autonomie décisive

Pour que le succès soit au rendez-vous, il faut de toute évidence que la console ne déçoive pas au niveau de son autonomie en déplacement. On espère que celle-ci, qui dépend d'une batterie qui semble inamovible, ne sera pas moins importante que celle d'une 3DS. Entre 3 heures et 5 heures, suivant qu'on active ou non certaines options comme la luminosité, ce serait un minimum acceptable.

Quoi qu'il en soit, on sait déjà qu'un élément important pourra toujours lui sauver la mise. Il a été confirmé (notamment par des accessoiristes tiers) l'emploi d'une prise non pas propriétaire mais au format USB-C. Employée pour une communication véloce avec la station d'accueil, cette connectique permet surtout une recharge somme toute très rapide. Et lorsque l'on est en vadrouille et que l'on dispose déjà d'une batterie externe - peut-être achetée pour s'assurer de ne pas tomber en rade en pleine chasse sur Pokémon GO, ou peut-être aussi proposée parmi les accessoires de Nintendo -, il y a fort à parier que tout devrait aller comme sur des roulettes.

Le juste prix

Reste enfin la question épineuse du prix de la console. Contrairement à la Wii U, dont le 349 euros de base en a rebuté plus d'un, il est nécessaire de se montrer compétitif d'entrée, plutôt au niveau d'une console portable que d'une console de salon. Quitte à devoir se rattraper sur les accessoires, pour un décollage sans turbulences.

Plusieurs tarifs assez attractifs ont été émis. Le site Let's Play Video Games tenait de ses sources que l'enseigne britannique GAME pourrait acheter l'édition de base aux alentours de 230 euros, et une autre avec un disque dur plus important à peu près 290 euros. Ce qui reviendrait à des estimations dans le commerce autour de 249 et 299 euros selon le modèle. Plus récemment, c'est le quotidien Nikkei, qui avait déjà vu juste pour d'autres supports par le passé, qui a avancé un prix en territoire nippon d'environ 25.000 Yen (soit 202 euros). La tendance serait, au très grand maximum, 299 euros. Au-dessus, ce serait compliqué tant la concurrence est déjà bien installée. Difficile à justifier et à vendre par palettes. Et ça, c'est en imaginant une version avec dock. Sans, serait-il possible de descendre à 199 euros ? L'idée est alléchante.

Nintendo tient-il sa "nouvelle Wii" ? Big N va-t-il retrouver les sommets des ventes ? Ou bien continuer à se replier sur soi-même. Bien malin celui ou celle qui parviendra à deviner, sans fuite antérieure, tout ce que Nintendo nous prépare exactement avec sa Switch. Ce qui est certain, c'est que le géant de Kyoto ne doit plus se manquer. Mais comme on dit au football, les grandes équipes ne perdent jamais deux fois de suite. Après le violent faux pas de la Wii U, dont les ventes ont peiné à dépasser les 13 millions en 2016, Big N doit relever le défi et transformer la curiosité en acte d'achat surmotivé. De ce qu'on sait et qu'on devine, et après une année 2016 médiatiquement pas affreuse, il y a de quoi entrevoir un futur plein d'espoir. Mais il va falloir tout maîtriser, hardware comme software, communication comme prix, sans manquer une seule étape, et même se garder quelques atouts dans la manche, pour assurer le succès commercial qui pourrait faire un bien fou non seulement au constructeur mais aussi à l'industrie. Bref, les premières réponses arriveront ce vendredi 13 janvier, à partir de 4h30 du matin. A suivre avec nous en direct sur Gameblog, bien entendu.


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