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"Hey, I will play with you some other time !"

Une apparition tous les cinq ans, c'est peut-être désormais le régime auquel sera astreint feu notre porc-épic bien aimé. Non, séchez vos larmes, la franchise n'a pas été reprise par les équipes de Square Enix : il semble que Sega ait décidé de rejouer la carte de l'anniversaire pour abattre l'une de ses dernières (cartes). Car de mémoire de vertébré, le seul contre-exemple récent qui ne se soit pas tombé dans le piège du désormais célèbre "Sonic Cycle" est le fort sympathique Sonic Generations. Célébrant les vingt ans de la mascotte en plaçant côte-à-côte le design rondouillard et originel du personnage avec son équivalent bien trop swag pour être honnête, l'aventure permettait de revisiter deux décennies de loopings et de dash en deux ou trois dimensions. La classe, d'autant plus que le Best Of de niveaux sélectionnés rendait "hommage" à chaque période de la carrière de ce pauvre hérisson, y compris sa traversée du désert...

Si ingénieuse soit la formule, elle ne peut fonctionner qu'une seule fois : comment justifier un nouveau Best Of seulement cinq ans après, à plus forte raison quand si peu de titres ne soient venus pointer le bout de leur nez entre temps ? Trouver un nouveau moyen de célébrer celui qui fut à une époque lointaine l'égal de Mario sans tomber dans le nombrilisme nostalgique, voilà l'épineux défi qui attend maître Sega. Les plus dégarnis de nos chers lecteurs se souviendront peut-être d'une vaine tentative d'un retour à la plate-forme "à l'ancienne©" il y a six ans (déjà) : en 2010, Dimps et la Sonic Team faisait le pari de Sonic 4. Carrément. Etant sans doute lassé de tenter de calibrer correctement une caméra dans un univers fait de polygones, le roi des oursins terrestres renouait avec la fraîcheur de ses premières aventures... Du moins l'espérait-on. Mais très franchement, le coeur n'y était déjà plus : privé d'une sortie stand alone, lâchement scindé en deux parties séparées de presque deux ans (!) et paré d'une saloperie de 2,5D qui ne flatte vraiment pas la rétine, le retour en fanfare eut autant d'impact que celle (la fanfare, suivez bordel !) de Boudiou-les-Malinboeufs un triste dimanche d'automne...

Y'all want a $onic

Et nous voici de retour au temps présent, avec ce quart de siècle qu'il faut bien célébrer, bon an mal an. Et si Sega avait sans doute besoin de mettre un coup de projecteur sur le "vrai" nouveau Sonic (2017 au doigt mouillé), l'ex-constructeur en profite également pour surfer lui aussi sur la vague du rétro-avec-de-véritables-morceaux-de-souvenirs-dedans. Mais est-ce bien de cela dont nous parlons ? Certes, ce nouveau Sonic "Mania" (prenant donc la suite des sous-titrés Unleashed, Boom et autres Colours) fleure bon la MegaDrive et nous rappelle des après-midis endiablés au son de la Chemical Zone où nous tentions, glace à l'eau à la main, de ne pas sombrer une fois de plus dans cette foutue flotte violacée... Mais se contente-t-il seulement de tirer sur la corde mélancolique ? Ne serait-on finalement pas en train d'assister à l'apparition d'une nouvelle étape dans l'évolution de notre média : le jeu de genre ?

Si je me permets d'emprunter au cinéma son vocabulaire (et je suis franchement mal placé pour en parler avec les deux films et demi que je dois visionner par an, et encore, les bonnes années seulement), c'est parce que je rapprocherai volontiers ce Sonic Mania du bien nommé cinéma de genre. Là où l'on choisit spontanément d'aller se détendre devant un western-spaghetti ou un film de série B en toute connaissance de cause, pourquoi ne pourrait-on pas opérer la même démarche vidéoludique en se plongeant avec délice dans un Sonic Mania, un Yooka-Laylee ou un I am Setsuna ? A bien y regarder, la démarche est similaire : dans les deux cas nous sommes en face d'une oeuvre qui adhère volontairement à un certain nombre de codes et qui s'en trouve ainsi reconnue comme telle. Car cet épisode "so 90's" ne répond-il pas à une certaine demande du public ? Mis à part son aspect opportuniste discutable, il vient tout comme l'ersatz de Banjo-Kazooie précédemment cité combler un sacré vide dans le genre orphelin de la plate-forme pure, que ce soit en deux ou trois dimensions.


Accords de genre

Car à moins de posséder la dernière console de salon mal-aimée de Nintendo, il faut dire que les occasions se font de plus en plus rares. Bien que le genre ait accouché sans douleur de nombreux rejetons clamant haut et fort leur indépendance vis-à-vis de leurs illustres ancêtres (pardonnez leur, ils font leur crise d'adolescence), il meurt petit à petit. Alors, en cochant toutes les cases de ce qui faisait d'un Sonic un Sonic, Sonic Mania (joli triplé n'est-ce pas ?) ne s'inscrit-il tout simplement pas dans une dimension genrée du jeu vidéo ? Après tout, entend-on hurler les cinéphiles sur les récents slashers qui auraient tué la production contemporaine ? Et saviez-vous que les romans d'espionnage SAS (mais si, ces bouquins de supermarchés ornés de photos bimboesques des années 1970, ça vous dit quelque chose ?) continuèrent d'être édités jusqu'en 2013 ? Je vous jure ! Et comme certains doivent déjà être en train de réclamer ma tête pour avoir osé comparer le jeu vidéo à un autre média culturel, je vais creuser ma tombe en vous faisant remarquer que d'une manière plus générale, aucun d'entre eux n'échappe à une acceptation de codes établis en fonction des époques. La composition musicale s'est ainsi trouvé des siècles durant corsetée par les règles de la fugue ou de la forme sonate : son émancipation n'empêche pas pour autant de contemporains compositeurs de s'y adonner avec joie.

Bref, en choisissant sciemment d'adhérer à un genre typé (MetroidVania pour Bloodstained, MegaMan-like pour le honteux Mighty No.9, Dungeon-crawler pour Severed, J-RPG classique pour I am Setsuna, Metroid-like pour Axiom Verge, les exemples ne manquent pas), ces jeux acceptent d'emblée leur condition de jeu de genre, comme pour mieux essuyer les éventuelles critiques à leur égard. Après tout, quel mal y aurait-il à se replonger avec délice dans des genres tombés en désuétude (commerciale, entendons-nous) ? Leur existence épisodique ne saurait à elle seule faire tomber l'industrie toute entière dans un nombrilisme passéiste, et avec le nombre grandissant de projets Kickstarter se vautrant dans la boue, personne ne serait assez fou pour ne produire que du nostalgique à tout va. Le jeu de genre accepte ainsi de s'inscrire dans une démarche qui relève autant de la célébration que de la perpétration d'une certaine tradition. Telle une fête de village qui scinderait en deux une communauté (ceux qui souhaitent honorer les rites pas toujours très clairs des anciens et les autres qui s'en contre-foutent royalement), le jeu de genre pose d'emblée ses limites pour leur faire honneur. Gageons que dans quelques années ou décennies, nos jeunes lecteurs seront sans doute ravis à l'idée de se plonger de temps à autre dans un Gears of War-like ou autre simili-Assassin's Creed tombé en désuétude !


Mais il y aura toujours ceux qui préfèreront la copie à l'original ! A nos amis retro-gamers (dont je fais allègrement partie) j'objecterai poliment et leur rappellerai cette dure réalité : tout le monde ne possède pas chez lui de vieilles machines prêtes à envoyer du gros pixel qui fait plaisir, et aux prix actuels du marché, ça ne risque pas de s'arranger ! Et à titre personnel - feignasse d'entre les feignasses que je suis - j'ai beau posséder des dizaines de consoles à la maison, la perspective de lancer une version portée ou remasterisée me paraît souvent plus facile et enviable : pas de câbles à brancher, pas de memory card à retrouver, et surtout, j'apprécie plus que tout le confort de nos plate-formes haute définition qui ne rechignent jamais à se mettre en veille pour reprendre plus tard notre joyeuse épopée.

Alors très franchement, où est le mal ? Ceux qui auront saigné à blanc tous les Sonic 2D de l'histoire seront sans doute ravis de pouvoir remettre le couvert dans de nouveaux environnements avec les sensations d'antan. Les jeunes curieux découvriront peut-être un genre plus si connu que ça, qui leur ouvrira les portes d'une certaine époque du jeu vidéo. Les autres passeront leur chemin pour aller trouver leur bonheur ailleurs. Et puis honnêtement, pour peu que le nouveau Sonic 3D prévu l'année prochaine soit comme bon nombre de ses prédécesseurs une daube infâme, il nous restera toujours un petit jeu sympa qui nous donnera l'espace d'un instant envie de feuilleter un numéro de Méga Force dans l'espoir d'y trouver un bon vieux cheat code afin de se transformer en Supa Sayajin via le sound menu... Et ça, ça n'a pas de prix.


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