Avec la popularisation de périphériques tels que la Wiimote, le Playstation Move, les Joy-Cons ou encore les applications utilisant la Réalité Augmentée, bouger son corps pour jouer à un jeu vidéo n'a jamais été aussi naturel. Maintenant, revenons 20 ans en arrière. Revenons à une époque où les manettes étaient encore câblées, où le souffle des joueurs était la seule interaction reconnue par nos cartouches et où la France était au sommet du game footballistique mondial ! Bienvenue en 1998.

Pendant que nous chantions les louanges des Bleus sur les Champs-Elysées en brandissant nos manettes PlaysStation, Konami dévoilait dans les salles d'arcades japonaises ce qui allait devenir le pionnier d'un nouveau genre de jeux musicaux : Dance Dance Revolution. Au son d'eurodance et de musiques électroniques, le joueur était invité à taper en rythme sur un tapis de danse à quatre boutons...

Viva la (Dance Dance) Revolución

Mémoriser les différentes successions de flèches étaient la clef pour décrocher le sacro-saint high score et devenir le roi du dancefloor. Dance Dance Revolution représentait une nouvelle manière de combiner jeux vidéo et musique, une évolution presque surréaliste pour l'époque où le contrôleur et le corps du joueur ne faisaient qu'un... jusqu'au jour où Just Dance et Dance Central vinrent voler le titre de jeux de danse ultime à Dance Dance Revolution, en 2009. En effet, alors que Dance Dance Revolution s'était égaré du chemin artistique pour ne devenir qu'un simulateur de piétinage de boutons, les titres d'Ubisoft et d'Harmonix mettaient l'accent sur les mouvements du joueur et des chorégraphies réalistes grâce aux nouveaux périphériques de reconnaissance de mouvement. Les bornes de DDR, comme les appellent les vieux de la vieille, ne devinrent plus que de vieux fossiles réservés aux « otakus » incapables de danser sans que des flêches ne leur indiquent où poser les pieds.

Il aura fallu 20 ans, une tentative ratée sur Kinect et l'organisation d'une nouvelle Coupe du Monde de football pour que Konami se décide à s'attaquer une nouvelle fois à l'univers impitoyable des jeux de danse. Faites place au futur du jeu de danse imaginé par Konami : Dancerush Stardom est arrivé !

Un point, c'est tout

Il faut admettre qu'au premier coup d'oeil, la borne de Dancerush Stardom est intrigante. Pas de boutons au sol ni de barre à laquelle se tenir, il n'y a ici qu'une plateforme géante éclairée par de petites lampes jaunes, vertes, rouges et bleues. Le message est clair : la liberté est le maître mot de Dancerush Stardom. Aucun gimmick, aucun support, aucun accessoire n'est censé s'interposer entre le joueur et ses pas de danse.

Même si des titres tels que Just Dance ou Dance Central proposent déjà des jeux de danse basés uniquement sur la reconnaissance de mouvements, il faut que reconnaître que le choix effectué par Konami pour sa nouvelle borne d'arcade est risqué !

En effet, les salles d'arcade ne sont pas seulement des lieux de divertissement, ce sont surtout des arènes où s'affrontent des gladiateurs numériques désireux de prouver leur valeur en amassant le plus gros score possible. Chaque point compte, concentrations et précisions sont les noms du jeu auquel tout le monde s'adonne. Les boutons, les pads ou encore les sticks sont autant d'outils qui garantissent cette précision et valident la performance de chacun des challengers. Même lorsqu'il est question de jeux de rythme, il ne faut surtout pas laisser place à l'improvisation ! Que ce soit sur une borne de simulation de piano, de danse, de guitare ou de cornemuse, un bouton ne sert pas à exprimer sa singularité, un bouton valide un point, c'est tout.

Ainsi, l'absence de boutons sur une borne d'arcade est plus qu'un simple gimmick, c'est une vraie déclaration de guerre au high score, un appel à l'improvisation et à de nouveaux systèmes de notation pour les jeux de rythme qui favorisent la singularité de chaque joueur : au revoir les points, bienvenue les vues sur Youtube !

Freedom !

La plateforme électronique de Dancerush Stardom s'apparente à un podium illuminé de mille feux. Y poser les pieds active la dalle lumineuse qui détecte nos pas, tandis qu'une caméra disposé au-dessus de l'écran de jeu enregistre également la posture du joueur. La communication entre la caméra et la plateforme permet de confirmer la position du danseur sur la dalle à tout instant.

Le gameplay de Dancerush Stardom est classique dans le sens où des notes défilent du haut vers le bas de l'écran et qu'on doit taper du pied en rythme sur la plateforme dès que la note atteint le bas de l'écran. S'il manque trop de notes, la partie s'arrête. La combinaison caméra/dalle lumineuse permet de varier les plaisirs. Ainsi il est aussi bien demandé au joueur de taper du pied en rythme que de sauter, de se pencher ou d'effectuer des slides et autres Running Man sur la plateforme en fonction des chansons choisies.

L'élément le plus important reste l'absence de marqueur au sol ou de « case de danse » prédéfinie. À condition que le pied soit posé dans la zone indiquée par la note, la posture adoptée par le joueur n'a aucune incidence sur son score, et c'est ici que réside toute la magie de Dancerush Stardom.

Quand Dance Central demande aux joueurs de reproduire le plus fidèlement possible les chorégraphies à l'écran pour valider leur score, limitant leur expression, Dancerush Stardom les libère en ne sanctionnant que leurs pas, les autorisant à mouvoir leur corps à leur guise. Cela permet de garder l'esprit scoring propre à l'univers de l'arcade tout en laissant aux joueurs suffisamment d'espace pour développer leur propre style de jeu.

Souriez, vous êtes filmés !

En plus de déterminer la position des joueurs sur la dalle lumineuse, la caméra sert également à enregistrer les performances des joueurs qui peuvent, s'ils le souhaitent, directement uploader sur Youtube leurs prouesses en 360p. C'est l'équivalent du bouton Share de la PlayStation 4 mais sur une borne d'arcade japonaise, ce qui est encore une fois une avancée colossale pour ce secteur. Cette fonctionnalité a donné naissance à une communauté de joueurs/danseurs fidèles qui s'affrontent par vidéos interposées, non pas pour imposer leur high score, mais pour imposer leur style.

Shufflers, Jumpers ou encore Breakers, tous adaptent et transposent les séquences de notes qui défilent à l'écran en des chorégraphies plus impressionnantes les unes que les autres. Le score n'importe peu, il n'apparaît même pas à l'écran, seules la qualité des moves des danseurs et le nombre de vues récoltées par chaque performance sur Youtube comptent. Ses joueurs se réunissent régulièrement après leurs cours ou à la sortie du bureau boulot pour exhiber leurs nouveaux pas de danse. Beaucoup s'entraînent 2 à 3 heures par jour pour ensuite filmer leurs exploits et les partager avec le reste du Japon. Dancerush Stardom n'est pas une borne de jeu, mais une scène sur laquelle se déroule des dance off numériques sans frontière, sans limite, sans fin.

Move like jagger

Cette prise de risque dans les mécaniques de jeu se retrouve également dans les choix des titres qui composent la playlist de Dancerush Stardom. Les sempiternelles musiques de J-Pop et d'eurodance auxquelles nous ont habitués les jeux de rythme japonais sont ici reléguées à la toute fin de la sélection de la tracklist pour laisser l'espace à des morceaux house, électro et Hip-Hop du label coréen YG Entertainment et du label californien Spinrecords. Il y a même du Ariana Grande et du Justin Bieber pour les intéressés (et je sais qu'il y en a, il est temps d'assumer) !

La sélection musicale s'adresse définitivement plus à un public attiré par des soirées clubbing que des lan-parties, mais ça ne signifie pas pour autant que ces derniers ne doivent pas tenter l'expérience, bien au contraire !

Dansez comme vous êtes

J'ai eu la chance de rencontrer deux joueurs aux profils et ambitions différentes qui partagent la même passion pour Dancerush Stardom.

Youta est un musicien de 27 ans qui a tenté de percer sur les réseaux sociaux depuis quelques années sans trop de succès. Après avoir visionné des vidéos de danseurs professionnels sur Youtube, il a pris la décision de mettre sa carrière musicale entre parenthèses afin de se dévouer entièrement à Dancerush Stardom. En à peine un mois, il maîtrisait les bases du Shuffling (pas inspirés des chorégraphies des eighties comme le "Running Man" ou le "Charleston" et dansés sur des beats électro) pour devenir, 3 mois plus tard, l'une des sensations de la scène de Dancerush Stardom d'Osaka. Il danse au minimum 1 heure par jour en semaine et enchaîne le week-end des sessions de 3 à 4 heures.

J'ai également fait la connaissance de Yuma, un "otaku" auto-proclamé qui n'a qu'un seul objectif : perdre du poids tout en s'amusant ! Il souhaitait trouver une alternative aux exercices de cardio conseillés par son médecin. Parce qu'il déteste courir et faire du vélo, il s'est tourné vers les bornes d'arcades. Dance Dance Revolution était son premier choix mais le gameplay ne lui convenait pas. Finalement c'est sûr Dancerush Stardom qu'il se dépense 2 à 3 fois par semaine.Ce qu'il aime dans ce jeu? C'est le fait de pouvoir bouger comme il le souhaite. Il n'est pas un bon danseur et n'a pas l'intention de le devenir, il veut simplement suer tout en prenant du bon temps, et c'est exactement ce que lui permet de faire Dancerush Stardom.

Dancerush Stardom est une belle piste de danse virtuelle qui promeut et favorise les styles originaux. Un bel exemple qui pourrait donner un nouveau souffle à la scène d'arcade japonaise ! Allez, en attendant des expériences inédites dans les game center nippons, je vous dis au mois prochain pour un nouveau "Japonais à volonté" !