La Lune de Sang (Zelda : Breath of the Wild)

Comme beaucoup de choses dans ce Zelda, l'idée de la Lune de Sang semble si simple qu'on ne pense pas forcément à revenir dessus. Pourtant, elle s'avère brillante sur de nombreux plans. Pour ceux qui l'ignorent, l'arrivée d'une lune de sang dans le ciel nocturne d'Hyrule signale la renaissance (le respawn) des monstres.

Avant d'entrer dans le détail des raisons qui me font la citer dans cette liste, rappelons une des citations du maître, Shigeru Miyamoto :

Une bonne idée ne se contente pas de résoudre un seul problème ; elle en résoud plusieurs à la fois.

C'est bien le cas de cette lune de sang. D'abord, elle assure bien entendu un renouvellement régulier des dangers pour éviter que le monde ne se retrouve vide ; en soi, cette mécanique n'a vraiment rien d'original. Mais en la rendant si explicite, Nintendo transcende ses déclinaisons passées.

Là où de nombreux jeu n'indiquent pas comment ou quand les ennemis reviennent, dans ce Zelda, c'est clairement expliqué. Ce faisant, la lune de sang instaure une tension dramatique récurrente, d'autant plus qu'elle apparaît de manière plus ou moins imprévisible, et avec une musique aussi subtile que terrifiante en préambule. Qui plus est, cette mécanique dictée par un besoin de design lié au Monde Ouvert devient justifiée narrativement dans l'univers du jeu, évitant qu'on la questionne dans le cadre de sa logique. Mais ce n'est pas tout : d'autres mécaniques en font usage, comme l'artisanat, ou même la découverte d'un temple caché. Brillant !

L'Action de la Partie (Overwatch)

Comme souvent avec Blizzard, ce ne sont pas les inventeurs du concept même de l'action de la partie ; Worms l'avait introduit il y a bien longtemps. Mais la manière dont le développeur californien s'en est emparé va plus loin, et mieux. L'algorithme sélectionnant ces moments majeurs d'une partie continue d'être amélioré, mais s'avère déjà redoutable d'efficacité ce qui souligne déjà la qualité du design sous-jacent.

Ensuite, dans le contexte multijoueur d'un shooter en équipes hautement compétitif, ces actions de la partie reconnaissent l'apport de toutes sortes de compétences importantes pour gagner, et qui, habituellement, ne sont pas particulièrement saluées dans le genre, lequel s'est jusqu'alors contenté de saluer le joueur ayant le plus de killshots. Cette fois, chaque membre d'une équipe gagnante a d'autant plus de chances d'être récompensé d'un petit moment de gloire même s'il n'est pas le meilleur tueur de la partie. De quoi encourager d'autres qualités importantes, et ainsi saluer une forme de diversité supplémentaire particulièrement bienvenue dans un genre aussi souvent unidimensionnel.

Le HUD comme mécanique de jeu (NieR Automata)


Le titre pousse même le vice jusqu'à permettre de retirer la puce d'OS centrale, ce qui résulte en un game over immédiat.

NieR Automata dispose de nombreuses qualités, parvenant en outre à rendre hommage au jeu vidéo et à son histoire sans arrêt. Mais une idée fraîche du titre reste celle de considérer l'UI comme partie prenante d'une mécanique importante d'équipement. En gros, plutôt que d'en faire une option extérieure à l'univers du jeu, les éléments de l'UI deviennent des programmes à installer et prenant de la place, comme d'autres offrant des compétences ou des armes supplémentaires.

On peut donc les désinstaller pour les remplacer par d'autres... et une fois encore, l'idée inscrit l'UI narrativement dans l'univers "informatique" du jeu, tout en offrant un choix supplémentaire d'importance aux joueurs qui, s'ils souhaitent mieux s'équiper, peuvent le faire aux dépends des retours d'interface, chacun étant une puce particulière.

La gravité pour avancer (Downwell)

Le premier jeu à avoir trouvé une approche brillante pour restituer les sensations des jeux de plate-forme sur des supports sans autre contrôle qu'un écran tactile, c'est Rayman Jungle Run, conçu par les français de PastaGames pour le compte d'Ubisoft. Rayman y courait tout seul, laissant le soin au joueur de s'occuper du "verbe" le plus important du genre, "Sauter".

Downwell a pour sa part offert une autre approche à la probématique des inputs sur téléphones et tablette avec beaucoup d'élégance : le scrolling va du haut vers le bas, utilisant le concept de gravité comme principal moteur de la progression. Le joueur saute et tire (vers le bas) à la fois en touchant un seul contrôle, ce qui ralentit aussi sa chute.

Il en résulte un jeu d'une précision rare, qui rappelle ainsi des Super Meat Boy et autres jeux arcade aux gameplays ciselés, qui ont toujours eu pour habitude de s'exprimer via des manettes.

Un shooter de capture sans points à capturer (Splatoon)

Dans les jeux de tir, passé les matches à mort solo ou par équipe, un des mode les plus populaires reste la capture (de drapeaux ou de zone). Nintendo et son ADN familial et bon enfant, a su avec Splatoon aborder le genre pourtant violent d'une toute nouvelle manière, avec cette simple idée de tirer de la peinture plutôt que des balles ou des lasers.

Conséquence directe de cette idée centrale de la mécanique : pas besoin de points à capturer sur la carte, puisque c'est la carte elle-même, par le truchement de son recouvrement par la peinture, qui sert d'unique évaluateur de capture. Encore une fois, une seule idée permet de résoudre plusieurs problèmatiques à la fois, avec une élégance qu'il faut bien saluer.

Voyage dans le temps réel (Titanfall 2 & Dishonored 2)

Dans des styles bien différents, mais avec brio tous les deux, Titanfall 2 et Dishonored 2 se sont emparés du voyage dans le temps pour en faire une mécanique de jeu temps réel particulèrement savoureuse.

Le premier s'est concentré sur l'aller-retour entre deux moments d'une même timeline par simple pression sur le bouton d'un bracelet, tandis que le second a porté la même mécanique plus loin en permettant aux joueurs d'observer une époque tout en évoluant dans l'autre. C'est, dans les deux cas, une fulgurance de level design et une sacrée performance technique.

WYSIWYG (Zelda : Breath of the Wild)

What You See Is What You Get ; habituellement réservé pour décrire des interfaces de conception et de design (souvent dans le web), ce terme pourrait tout aussi bien s'appliquer à la philosophie de Breath of the Wild en matière de carte et de Monde Ouvert.

Pas de pointeurs désignant où aller, d'indicateurs de quête mâchant le travail, de carte détaillant le monde à explorer au-delà de ses reliefs. C'est au joueur que revient la responsabilité d'observer ses alentours, ou les attraits de formations intéressantes à l'horizon, en utilisant la fonction "jumelles" de sa tablette Sheika pour marquer les points qu'il y découvre. Volontairement limités en nombre ces marqueurs ne surchargent jamais l'interface, tout en constituant une mécanique qui vient du joueur pour aller vers le jeu, au contraire de tous les Assassin's Creed et autres Grand Theft Auto qui partent du jeu pour aller vers le joueur.

C'est en partie grâce à cette idée que Breath of the Wild est peut-être le meilleur jeu d'exploration de tous les temps ; il respecte l'intelligence, la curiosité et le sens de l'observation des joueurs, cherchant à les exciter par d'autres moyens que l'évidence d'un pointeur à l'horizon. Il stimule intelligemment des processus cognitifs simples, par un level design inspiré, transformant les limites visuelles imposées par la machine pour mieux faire ressortir les lieux intéressants. Sans oublier l'omniprésence de récompenses pour la moindre montagne escaladée, caverne traversée, île explorée.