Coincé entre deux films d'animation, un remake hollywoodien, et un nominé aux Oscar, sort Mea Culpa. Une semaine surchargée qui laisse peu de place à un projet français, aussi ambitieux soit-il. Un bien triste constat, tant le dernier film de Fred Cavayé est un concentré d'action dont on aimerait voir la formule plus souvent sur notre territoire.

 

Ce qui frappe quand on ressort d'une séance de Mea Culpa, c'est à quel point le film croit en son histoire et utilise au mieux le langage cinématographique pour la raconter. Cette particularité, trop rare dans le genre national, s'est construit dans la phase la plus en amont du projet: l'écriture. Le script est basé sur une idée originale d'Olivier Marchal. Lui et le scénariste Guillaume Lemans ont travaillé sur un premier jet, mais Marchal a finalement lâché l'affaire. Cavayé se réapproprie donc le concept avec Lemans (ils ont déjà collaboré sur les films précédents du réalisateur), au point que l'histoire de rédemption et d'amitié conté ici s'éloigne du film de vengeance initialement prévu. Ce n'est guère étonnant lorsque l'on se rappelle Pour elle et À bout portant du même duo, Mea Culpa se voulant comme la synthèse de ces deux films. Il y a chez Cavayé la conviction que le scénario doit être au service de la narration et de l'image, il est donc capital pour lui de s'impliquer autant dans le processus d'écriture (c'est d'ailleurs exactement la raison pour laquelle il avait refusé de réaliser Die Hard 5 pour les américains).

 

 

 

Cette ambition de narration pure se construit dans la caractérisation des personnages, juste et qui n'est jamais alourdie par des dialogues démonstratifs. Simon et Franck (Vincent Lindon et Gilles Lellouche), les deux policiers de Toulon, se définissent par leurs actions et par leur prestance à l'écran. Avant d'être une course poursuite pour protéger le fils de Simon, Mea Culpa est surtout un récit sur le pardon, il justifie donc son titre dans la relation entre les deux protagonistes. Le thème n'est pourtant pas imposé au spectateur à grands coups de sabots, il est amené naturellement dans le récit et dessine ainsi une forte connexion émotionnel avec le public. L'enrobage, l'action et les personnages secondaires sont alors là pour renforcer le propos, et non l'inverse. Le parcours des deux flics ne comporte ainsi aucun gras ou surcouche qui atténuerai la portée du récit. Le duo d'acteurs, réunissant les deux têtes d'affiche de Pour elle et À Bout portant, joue leurs personnages avec toute la conviction nécessaire au films d'action qui n'oublient pas d’être de vrais films avant tout. Lindon, avec sa gueule de polar, traîne culpabilité et remords grâce à une prestation habitée où un seul regard permet de plonger dans les doutes de son rôle. Tempéré par la légèreté de Lellouche, ils forment un tandem à l’alchimie évidente, un point encore une fois capital tant il permet d'apporter du souffle dans la tension du film. Les quelques touches d'humour (utilisé avec parcimonie) donne le contraste nécessaire pour mieux apprécier la noirceur des actionsde Simon.

 

Mais un telle structureserait bien veine, s'il elle n'était pas soutenue par une mise en scène en adéquation avec ce format d'histoire. Heureusement, Cavayé confirme une nouvelle fois son savoir faire dans le domaine. Polar à l’esthétique léchée, Mea Culpa assume de bout en bout ses ambitions narratives. Non content de fournir des séquences d'action rythmées et tendues, ces dernières mettent à profit une belle gestion de l'espace et un visuel épatant. De sacrés morceaux de cinéma qui citent à tour de rôle Michael Mann (la boîte de nuit) ou Steven Spielberg (le cache-cache dans un marché abandonné rappelant la cuisine de Jurassic Park). Le spectateur haleté finira sa course dans un TGV pour un climax démesuré en point d'orgue du métrage. La photographie crépusculaire, quand à elle, finit de montrer que le film n'a pas beaucoup à rougir face à un Collateral. Des plans aux couleurs travaillées qui achèvent d'icôniser ses personnages, il faut voir Vincent Lindon prendre les armes dans une scène que ne renierai pas un bon western. Seul bémol à cette effusion d’adrénaline, une musique au mieux fonctionnelle (le plus souvent), au pire carrément hors propos. Cliff Martinez, le compositeur de Drive et Traffic, ne s'est pas foulé sur le coup. Dommageable, mais bien peu de choses face à l'enthousiasme provoqué par l'ensemble.

 

  

 

Mea Culpa est une proposition de genre bien trop rare dans le paysage cinématographique français. Assumant son parti-pris narratif et n’hésitant pas à verser dans l'action pure, le film met un beau terme à la position de Fred Cavayé engagé avec Pour elle et À bout portant. Croisons les doigts pour que cela ne reste pas une exception.

 

Cet article a été originellemnt publié sur Chronics Syndrome :

https://chronicssymdrome.wordpress.com/2014/02/12/le-coeur-des-hommes-critique-mea-culpa/