Bonjour à tous, 

Aujourd'hui c'est David de Zallag qui vous parle. J'ai eu envie de parler avec vous des méchants marketeux, ceux qu'on accuse souvent des pires infamies sur nos jeux préférés. 

Avant de rentrer plus avant dans cette réflexion, je dois préciser que je viens du marketing. Il m'est donc difficile d'être objectif sur le sujet. En effet, avant de cofonder Zallag j'ai travaillé au sein du service marketing des hypermarchés Géant (Casino), en agence de pub mais également pour un éditeur/distributeur sur des jeux comme Metal Slug, King of Fighters... et surtout Trine (meilleur jeu en téléchargement à l'E3 2009). 


Les accusations habituelles... 
Revenons-en donc au sujet du jour « les relations tumultueuses du jeu vidéo avec le marketing ». Comme tout le monde, j'entends souvent dans la bouche de joueurs et/ou de journalistes que c'est la faute au marketing si : 
- un jeu sort plein de bugs, 
- la version collector est une arnaque, 
- tel ou tel aspect d'un jeu est mal fait, 
- une suite d'un jeu sort trop vite et sans rien n'apporter de plus, 
- un DLC est commercialisé 3 semaines après la sortie du jeu de base, 
- Etc. 

La liste est longue et le but n'est pas d'être le plus exhaustif possible. Je veux surtout pointer du doigt la tendance que nous avons tous à accuser le marketing des pires maux quand quelque chose ne nous convient pas. Mais est-ce vraiment la faute des responsables marketing ? A-t-on raison (ou non) de les accuser ainsi ? 



Que doit faire normalement un service marketing ? 
Avant tout il me semble bon de resituer le rôle d'un service marketing chez un éditeur/développeur de jeux : 
1) Dans un 1er temps, un service marketing doit écouter les joueurs afin de s'assurer qu'un jeu va plaire aux joueurs. Si ce n'est pas le cas, il doit aider les concepteurs du jeu à le modifier en conséquence. 
2) Quand le développement a suffisamment avancé, il faut alors informer un maximum de joueurs que le jeu existe et qu'il est « bien ». 

En théorie, le marketing est donc l'ami des joueurs. Les marketeux sont censés aider les développeurs à nous proposer des jeux qui nous plaisent. Ils sont en quelque sorte le maillon qui permet de faire remonter nos remarques/attentes/besoins aux créateurs de jeu. 


 

Les abus habituels... 
Malheureusement cela ne se passe pas toujours de la sorte. Il arrive régulièrement qu'il se retrouve à intervenir directement sur la 2ème phase « nous informer ». Prenant des jeux en cours, ils n'ont aucun moyen de le modifier/optimiser. Qui plus est, que faire quand on se rend compte que le jeu n'intéresse personne ou qu'il n'est pas terrible ? 

D'où une fâcheuse tendance à : 
1) Nous survendre les jeux (chaque titre est la nouvelle référence dans son genre). 
2) Créer un besoin qui n'existe pas chez le joueur (vous ne saviez pas que vous en aviez besoin ? Et bien maintenant oui !) 
3) Appliquer toujours le même plan promotionnel (ex : pour un jeu de RTS sur PC, on fait systématiquement une page de publicité PC Jeux). 

Ce n'est certes pas très glorieux, cependant les employés d'un service marketing n'ont pas demandé à se retrouver face à de tels jeux. Ils subissent la situation et doivent appliquer ce qu'on leur demande. 

L'origine de ces déviances ? 
La provenance de ces abus n'est pas forcément simple à appréhender. Les causes sont certainement multiples. En ce qui me concerne, je pense que le problème trouve son origine plus en amont de la chaîne de création. J'ai le sentiment que l'on déconnecte de plus en plus les créatifs et les marketeux de la genèse des projets. En effet avec le passage à une industrie mass-market, les financiers ont pris beaucoup plus de poids et décident de manière très froide des choix éditoriaux. Il faut bien comprendre que concevoir, promouvoir et vendre un jeu vidéo coûte de plus en plus cher et donc que les risques s'en trouvent décuplés pour l'éditeur. Par conséquent l'influence des financiers est logiquement décuplée. Les turbulences actuelles du secteur n'ont fait qu'accroître cette tendance. 

En tant que codirigeant d'une toute petite entreprise (5 personnes), je comprends aisément cette décision d'urgence. Surtout que la pression de la bourse sur certains éditeurs s'avère particulièrement forte. Cependant j'estime que cela risque de nuire au marché du jeu vidéo à plus long terme. 




Les impacts sur les consommateurs 
Les fans de jeu vidéo ont toujours eu un penchant certain pour les notes : Quel est le meilleur FPS ? Fifa ou PES ? Le nouvel épisode est-il aussi bien que le précédent ? Vaut-il mieux l'acheter sur PS3 ou XBOX360 ? 
En parallèle, les campagnes de promotion ont vu leur puissance croitre de manière très importante. En effet, nous pouvons aujourd'hui voir des spots de pub de jeux vidéo sur des chaines hertziennes à des heures de grande écoute. De même, il est devenu banal de trouver des pages de pub dans des magazines sans aucun rapport avec les jeux vidéo. 
Si la pression promotionnelle a décuplé, le message reste globalement toujours le même. Comme expliqué précédemment dans cet article, un nouveau titre est souvent présenté comme la nouvelle référence de sa catégorie (car plus d'armes, plus de voitures, plus beau, plus grand...). 
La raison en est simple : plus de la moitié des ventes d'un genre se concentrent sur 1 à 2 jeux seulement. Dans ces conditions, les autres se battent pour les miettes ; d'où l'importance d'être le meilleur ou le 2ème. 
Cependant les « consommateurs » que nous sommes prêtent de moins en moins attention à ces pubs. Nous sommes seulement surpris quand elles changent sur la forme (nouveau format, marketing viral...). Et comme chaque titre est censé être le meilleur, nous nous jetons sur les notes mais surtout de plus en plus sur les agrégateurs de notes comme Metacritic et GameRankings. 
Par conséquent les notes prennent encore plus d'importance. C'est pourquoi on trouve aujourd'hui : 
1° Des développeurs qui touchent des primes selon les notes (pallier de 80% - 85%...). 
2° Des développeurs moins bien payés si le jeu est mal noté. 
3° Des analystes chez certains éditeurs qui calculent les ventes gagnées ou perdus suivant les notes moyennes sur Metacritic et GameRankings. 



Le démat' peut changer les choses ? 
Dans une chaine de production quasi-idéale, il me semblerait logique que le service marketing reprenne vraiment sa place au côté des développeurs. Cependant ceci me semble compliqué pour des jeux en boite qui nécessitent des dizaines ou des centaines de milliers de ventes afin d'amortir un projet. Par contre, le dématérialisé pourrait mieux coller à cette vision. En cherchant à vendre directement aux joueurs, on devrait logiquement essayer de communiquer directement avec eux. Hors ce n'est pas évident à comprendre et à appliquer. 
Les gros éditeurs qui se mettent au dématérialisé ont toujours cette tendance à la promotion massive ; surtout que les ventes non-physiques viennent souvent en complément de ventes en boites. Les développeurs qui se lancent dans l'aventure du « online » manquent quant à eux de ressources et d'expérience pour gérer directement les joueurs. On comprend aussi qu'ils préfèrent se concentrer sur ce qu'ils aiment « créer ». Pourtant, comment vendre un jeu (même sur le net) sans que les joueurs n'en soient informés ? 


Et chez Zallag ? 
Avec nos petits moyens, c'est ce que nous essayons de faire sur nos jeux et ceux des développeurs indés que nous représentons : « plus direct pour vendre et plus direct pour communiquer ». Nos jeux et nos BD ne peuvent pas lutter avec des jeux en boite dont le budget atteint plusieurs millions d'Euros ce n'est pas pour autant qu'ils ne peuvent pas procurer de plaisir. Peut-on dire qu'on s'amuse moins sur Braid qu'avec GTA parce qu'il a coûté moins chez à créer et promouvoir ? 
Il faut juste bien comprendre qu'on ne recherche pas la même chose avec un jeu en boite à grand spectacle et un jeu original vendu de manière dématérialisée. 
Même si nous essayons de faire différemment, nous sommes toujours rattrapés par la place laissée au dématérialisé. Plusieurs rédactions ne s'y intéressent pas ou très peu. Il s'avère donc quasi impossible de trouver des tests de jeux WiiWare et Minis (PS3+PSP) sur plusieurs sites dans plus sieurs magazines majeurs (ou alors c'est parce qu'ils sortent sur plusieurs machines). 

Je voie 2 raisons principales à cette situation : 
1) Les créateurs de jeux démat' ne font quasiment pas de publicité donc pas intéressant pour les régies pub qui gèrent sites web, magazines et chaines de TV. 
2) On sous-estime la place des jeux on-line. 

Nous devons également faire face à une erreur très répandue propre aux consoles Sony « Un Minis est un jeu en téléchargement pour PSP ». Nous avons récemment rencontré cette problématique avec « SHIFT extended ». Version spéciale d'un jeu téléchargé plus de 2 millions de fois sur iPhone, ce titre dans sa version Minis est « compatible PlayStation3 et PSP ». Cela signifie que quand vous achetez le jeu, vous pouvez y jouer sur les 2 machines. Une bonne affaire en réalité (je trouve en tout cas). 
Il n'est déjà pas évident de faire parler de soi quand nous possédons des moyens très limités, si en plus nous devons expliquer aux journalistes en quoi consistent les jeux démat... Je passe sur le fait que beaucoup comparent les jeux WiiWare (au poids hyper limité) avec des jeux en boite. 

N'hésitez pas à réagir à cet article et à nous dire ce que vous pensez des pratiques promotionnelles actuelles. Quelle est la dernière campagne de promotion qui vous a amusé ? Une autre qui vous agace particulièrement et pourquoi ? Avez-vous déjà acheté un jeu démat' suite à des pubs ? 

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David de la team Zallag 
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