Au début de la saison dernière Canal + lançait ce qui aller devenir un phénomène incroyable qui surprendrait tout le monde. Bref. est sorti de nulle part et petit à petit nos murs Facebook, nos boites mails et autres liens virtuels modernes ont  été assaillis par une horde de fans de la série créée par Kyan Khojandi et Bruno Muschio alias Navo. Quand Bref. sort un nouvel épisode, c'est comme avec le Joueur du Grenier : tout le monde se sent obligé de poster, reposter et re-reposter le cru nouveau.

Au départ j'ai été comme tout le monde. La forme originale et l'écriture brillante m'ont accrochées. Je suis devenu fan de la page Facebook, Twitter et j'attendais le nouveau Bref. avec impatience. Puis petit à petit un constat s'est imposé à moi. Une césure s'est créée. Je la situe au moment de l'épisode hommage à The Artist. Bref. a montré son vrai visage, sa vraie nature. Bref. n'est pas une série ou même une mini-série. C'est une vitrine branchée pour Canal + et un exercice de style qui ne pourra jamais devenir plus. Voici quelques raisons qui me poussent à penser cela.

Une format trop court.

Le principal défaut de Bref. réside dans son format. Un épisode dure en moyenne 1 minute 30. C'est court. Trop court. Vous allez me dire que c'est une mini-série mais je vous rétorquerai que la France a connu pas mal de concepts de mini-série et qu'une en particulier a marqué les esprit. Je veux bien sûr parler de Kaamelott. Je n'ai aucun mépris pour les formats courts, ni pour les pastilles. Mais Kaamelott avait trouvé le format parfait. 3 minutes et quelques par épisode et des possibilités scénaristiques plus larges. Sans parler du changement de format à partir de la Saison 5 qui a fait rentrer Kaamelott dans la court des très grands. Mais nous ne sommes pas là pour parler du génie d'Alexandre Astier. Mon propos est qu'en 1 minute 30 on ne développe rien. On effleur. Et une grande partie du succès de Bref. réside dans son format. C'est rapide, le montage est épileptique et la musique contribue à ce rythme effréné qu'on pourrait pompeusement comparer à cette époque de fou dans laquelle nous vivons. Bref. est donc enfermé dans sa forme et sa forme va devenir son fardeau. Jamais les auteurs ne pourront faire évoluer leur série en quelque chose de plus consistant. Et leur création manque cruellement de consistance.

Selon Bref. tu peux ressembler à ça...

Un intérêt scénaristique proche du néant.

Le résultat de ce format trop court est un vide scénaristique inévitable. Bref. n'a pas de personnages. Le héros principal n'est désigné que par "je", les figures secondaires sont inexistantes et à aucun moment la série ne racontera quelque chose d'un peu plus profond qu'une simple pastille sur un sujet pré-défini. Si vous regardez avec attention, vous remarquerez peut être qu'un grand nombre d'épisodes ne laissent même la possibilité aux personnages secondaires de sortir une seule phrase. On peut bien sûr citer Kheiron, qui est rapidement devenu célèbre mais là encore on est dans la superficialité la plus complète. Il aura suffit d'un "baise-laaaaaaaaaa" pour que ce personnage devienne "culte" (ce mot de merde). Le fait est que personne n'a d'épaisseur dans la série et qu'aucune histoire n'est racontée.

Une vraie-fausse série générationnelle.

Voilà probablement le point qui risque de m'attirer les foudres de nombreuses personnes. Je tiens donc à préciser que je ne suis pas contre les effets de mode et que je n'ai rien contre les oeuvres dites "mainstream". Si vous lisez ce blog régulièrement vous aurez conscience de mon honnêteté. Ceci étant dit, Bref. me devient vraiment désagréable quand j'entends à longueur d'articles que la série est un portrait d'une génération et d'une époque. Il est d'ailleurs étonnant que le public se retrouve majoritairement dans ces propos. Bref. n'est pas une série générationnelle. Bref. ne raconte pas, ou peu, la vie des vraies personnes dans le vrai monde. Bref. est avant tout une série branchée, légèrement "hispter", qu'on peut très bien regarder en ricanant, une coupe de champagne dans une main et de grosses lunettes à branches noires dans l'autre. Attention à ne pas salir le polo Lacoste et le Slim hein !

En gros Bref. nous dit qu'on peut être un gros looser, pas spécialement sexy et quand même sortir avec une bombe atomique, avoir un plan cul régulier, avoir un appart' sympa, plusieurs jobs par saison, des potes trop cools qui font des fêtes trop cools, des belles fringues, des belles chaussures et de quoi écouter du dubstep dans des conditions confortables. J'ai pourtant l'impression que la vie c'est pas ça. J'ai l'impression que trouver un job est une gageure, que trouver un appart' aussi, que seuls quelques mecs sortent avec des "cette fille" et je suis peut être mal entouré mais mes potes sont beaucoup moins glamours que ceux de "Je". Bref. est un portrait à la française du monde. Toujours d'un point de vue légèrement surélevé. Réaliste sans être vrai. Et qui flatte la masse en lui parlant d'elle. Bref. ce n'est pas notre vie telle qu'elle est mais telle qu'on aimerait bien qu'elle soit.

...Et sortir avec ça.

Episodes spéciaux et clins d'oeil.

Le dernier point négatif que j'aborderai dans cet article sera celui du manque d'ambition qu'ont les auteurs pour leur série. J'ai vraiment commencé à m'éloigner de Bref. avec l'épisode hommage à The Artist. Bien sûr ce n'est qu'un symbole d'une complainte plus générale. Bref. ne cherche même plus à être une vraie série. Navo et Kyan Khojandi ne se cachent même plus d'être simplement une vitrine et un concept ambulant. Bref. est devenu une sorte de marque passe-partout qu'on utilise pour dire tout et n'importe quoi. Jamais la forme ne servira le fond. Comme si la série principale ne valait pas mieux que ses milliers de parodies. Alors un coup on fait un "Bref." sur The Artist, un coup on rempli l'épisode de guest avec clins d'oeils en prime, un coup on met Denisot etc etc... Plus qu'en colère, je suis deçu de voir ce qu'est devenu la série. Et comme tout cela a une logique, on peut légitimement dire que chaque défaut développé ici est à mettre avant tout sur le compte du premier, c'est à dire le format. Bref. ce n'est pas (plus) une série, c'est un format.

Bref. c'est aussi très réussi parfois.

Mais pour être totalement juste il me faut avouer que Bref. a aussi de nombreuses qualités. La première, et la plus noble, est sa qualité d'écriture assez incroyable. Certains épisodes sont brillantissimes, touchants et atteignent parfaitement leur cible. La série n'est jamais aussi réussie que quand elle est intelligente, profonde et émouvante. Me viennent à l'esprit "Bref, je suis vieille", "Bref, j'ai eu 30 ans" ou encore "Bref, j'y pense et je souris". La série est aussi souvent très drôle, très juste, comme peut l'être un sketch réussi. Il y'a une qualité indéniable d'observation chez les auteurs du show et effectivement "on se reconnait" souvent en le regardant. 

Bref. n'est donc pas perclus de défauts et n'est pas qu'un effet de mode. C'est une oeuvre qui s'est enfermée dans sa forme et qui, il me semble, n'a plus la possibilité d'y échapper. Reste à continuer dans une écriture de qualité et un humour efficace tout en cherchant pourquoi pas à être un peu plus. Car les choses à la mode ne durent jamais bien longtemps. Les gens comme les saisons changent du tout au tout. Pour durer il faut toujours chercher à être "un tout petit peu plus". Bref, rien n'est perdu.