C'est triste à dire, mais des années après la crise du jeu vidéo japonais, les choses ne vont toujours pas très bien chez les nippons... Les studios peinent beaucoup à proposer quelque chose qui va plaire à nos critiques ou au grand public (comme c'était le cas avant). Et le simple fait de localiser un jeu en anglais semble être un exploit seulement accessible aux plus grands. Même en interne, l'industrie est focalisée principalement sur des jeux mobiles, ou alors des "vieilles recettes" qui peinent à se renouveler (clones de Dynasty Warrior ou Monster Hunter) Il y a bien sûr des exceptions à ça, je parle juste ici d'une tendance générale. C'est quand même un fait, le jeu vidéo japonais moderne nous fait moins rêver, nous les occidentaux, qu'à l'époque de la PS2. Et pourtant on a toujours envie de cette petite fraicheur, cette Japan touch.

 

A l'heure ou la majeure partie des AAA japonais essayent justement de proposer quelque chose d'occidental à outrance, c'est ironiquement des studios occidentaux qui vont nous offrir des expériences plus "à la japonaise". Child of light, mon premier exemple, n'a peut-être pas la difficulté d'un JRPG, ni une héroïne avec une énorme poitrine qui pousse des cris étranges à la moindre occasion, mais il y a quelque chose de très japonais dans son approche du jeu vidéo. Alors évidemment il y a le système de combat "tactical" grandement inspiré par celui de Grandia : souvent boudé des RPG occidentaux, ce système est ici totalement assumé et laissé tel quel, à tel point que ça tien plus de l'hommage que du plagias. L'aspect sonore du jeu est également japonisant sur les bords: une OST signée Cœur de Pirate (Artiste québécoise francophone), qui propose ici des sons souvent assez minimalistes, proche des berceuses pour enfants.  Par contre, certains morceaux, notamment les combats de boss, rappelleront à tous les joueurs de JRPG des souvenirs qui ne peuvent être un hasard. L'aspect narratif du jeu propose également cette naïveté assumée typique des JRPG, qui offre une histoire assez immature par rapport à l'âge du public que le jeu cible, avec un système de combat pas adapté à un jeune enfant. Les références de RPG tour par tour occidentaux étant tous des jeux ultra noirs et adultes comme Fallout ou X-com.

 

Un exemple de musique durant les combats de Boss

 La direction artistique est quand à elle assez difficile à qualifier de japonaise, tant les goûts et les couleurs varient d'une personne à l'autre, on peut quand même constater que le jeu "indie en 2D" occidental est de nos jours à 80 % constitué de jeux en "pixel art", et que la mode est au procédural pour les donjons. Ici on retrouve plutôt quelque chose un peu dans l'esprit Secret of Mana, avec des couleurs pastelles qui sautent aux yeux, des décors qui sont mis en avant à outrance, dans quelque chose de presque superficiel et excentrique. En gros ce jeu est l'opposé de Dark souls, qui est la nouvelle référence du RPG fait par des japonais, et qui est en train de devenir le nouveau modèle à suivre là-bas. Cette série de jeux, qui a été conçu en essayant justement de se rapprocher d'un rpg plus occidental. Ironique vous ne trouvez pas ?

 

Parce qu'un exemple ne mérite pas qu'on parle de tendance, et que une exception n'est pas très intéressante à étudier, je vais maintenant vous parler de Transistor. Un autre RPG pas japonais, qui est une lettre d'amour à ses influences nippones. Il suffit de voir Red, l'héroïne du jeu, courir avec son épée plus large que sa fine silhouette et ses grrrannnnnds yeux pour penser à un millier de personnages de manga ou de jeux vidéo japonais. Cette fois, ambiance science fiction, dans une dystopie urbaine futuriste pleine de néons multicolores qui rappellent beaucoup de villes comme Hong Kong, ou la culture occidentale et asiatique se mélangent dans le paysage de la ville, qui mélange des formes traditionnelles rappelant des temples avec des grattes ciels à l'américaine. On pense tout de suite à Blade Runner,  mais je vais aussi citer Ghost in the shell (pour le design, mais pas seulement) et Akira (passage en moto dans le jeu en hommage). Le design des robots ennemis qu'on va affronter dans le jeu semble tout droit sorti d'un Anime, avec leurs courbes généreuses et des formes purement conçues pour le côté esthétique. Ce sont vos ennemis, mais ils sont ravissants (et portent des noms tout mignon). Le scénario (sans spoiler) n'est pas vraiment une histoire sur un personnage amnésique, mais on retrouve cette thématique de la mémoire perdue, chère aux scénarios japonais. Le fantasme du monde numérique et des consciences virtuelles est ici beaucoup plus proche d'un Ghost in the Shell que d'un Matrix, par exemple. Les artworks souvent présent dans le jeu regorgent de petits designs "kawaii" et des personnages occidentaux fantasmés dans leurs looks surfaits et leurs apparences caricaturales.

 

Exemples d'ennemis au design très japonais
 

 

Je conclurai donc cet article en rappelant que ces deux titres viennent de sortir, et qu'ils ont reçu un accueil très chaleureux des critiques occidentales, les qualifiants d'œuvres d'art dans la plupart des cas, et d'excellentes alternatives aux jeux vidéo plus classiques qu'on a en général l'occasion de tester (même dans la scène dite "indie"). Je suis peut-être le seul à penser comme ça en terme de pays et de culture à l'heure où le jeu vidéo est de plus en plus mondialisé, mais quand je lance un de ces deux jeux, j'ai vraiment cette petite voix qui me vient en tête et qui dit: "bah alors, vous voyez, c'est pas si compliqué, pourquoi c'est pas vous qui le faites directement?" J'espère vraiment que des développeurs japonais vont jouer à ces jeux et remarquer aussi tout ces emprunts et hommages, proposés dans une formule malgré tout assez simple qui ne demande pas forcément l'argent ou les équipes qui manquent parfois à des projets nippons.