Life is Strange est une série un peu atypique dans l’univers du jeu vidéo, avec son ambiance feutrée, calme, presque méditative. On y suit le quotidien de personnes simples, dans des environnements anodins, loin des sempiternels super-héros des grandes métropoles côtières. C’est pourtant dans ces destins de petites gens que survient tout à coup l’extraordinaire et l’inattendu, et c’est face à cette intrusion du fantastique au jour le jour que nous suivrons le sort de ces personnages qui finalement deviendront ‘Hors-Norme’.

Cette série de jeu peut d’une certaine manière se comparer au cinéma indépendant face au Blockbusters d’outre-Atlantique. Plus ancrée sur les vies ordinaires au jour le jour de ses protagonistes, on ne joue pas à ces jeux pour y trouver ce qu’on va chercher dans un AAA, mais plus pour y découvrir une chronique anonyme, une tranche de vie d’apparence banale qui en révèle bien plus qu’on ne le croit sur cette bonne vieille ‘Amérique’…
Dans cette série très narrative, sortant au format épisodique, il est souvent offert au joueur de faire des choix à divers moment de l’aventure, qui auront un impact plus loin dans l’histoire. Bien souvent il s’agit d’attitudes à adopter face à une situation, qui impacteront les futures comportements des compagnons des différents héros  et donc amèneront naturellement à des circonstances plus ou moins heureuses. Une accumulation de ‘petits riens’ anecdotiques qui au final joueront la partition globale dans un sens ou un autre…

LiS est un 'Clic N' Play' moderne, entre phase de dialogue et exploration des environnements

J’ai fini il y a peu ‘Life is Strange 2’, auquel j’ai tardé à jouer mais qui me donne maintenant l’occasion de revenir sur l’ensemble de cette série au travers de cet article. Alors c’est parti pour Arcadia Bay, où nous attendent la captivante Rachel et son amie Chloé, la Fameuse ‘Fille aux cheveux bleux’…

LIFE is STRANGE – BEFORE THE STORM (2017)

On commence par un aparté pour préciser que cette préquelle est sorti après le premier jeu, mais que dans un souci de cohérence chronologique, je débute par celui-ci. Précisons aussi qu’il fut développé par Deck Nine Games, là ou la série principale le fut par DontnoD – ce qui chez certains laisse sous-entendre que cette salve d’épisodes serait ‘un cran en dessous’. Je ne partage pas cet avis, loin de là même.

Rachel et Chloé traînent ensemble dans les bas-fonds d'Arcadia Bay...

On incarne Chloé Price, adolescente vivant à Arcadia Bay, petite ville paumée au bord du Pacifique en Oregon. Elle à perdu son père il y a quelque temps et vit avec sa mère Joyce, serveuse dans le Diner du centre-ville et qui tente de reconstruire sa vie avec un certain David Madsen (un type très austère). La jeune femme fait ses études au seul lieu qui donne un tant soi peu d’importance à la bourgade : l’académie de Blackwell, qui voit sa réputation dépasser même les frontières de l’État grâce à l’excellence de ses cours, notamment dans les domaines de l’Art. Mais Chloé, les études ce n’est pas trop son truc… elle est plutôt branchée Grunge et concert sauvage dans des granges abandonnées. C’est d’ailleurs là qu’elle tombe avec surprise sur Rachel Amber, la ‘Chouchoute’ du bahut. Les deux jeunes femmes se lieront d’amitié, apprendront à se connaître… et plus si affinités…

Mais Rachel possède bien des secrets…

Rachel est peut-être bien un ange, mais alors un ange déchu

Composé de 3 épisodes (plus un bonus sur lequel je vais revenir plus loin), cette préquelle à l’aventure de Max permet d’en apprendre plus sur l’environnement et le parcours de Chloé. On y découvre surtout la transformation d’une jeune fille enjouée en une ‘Emo’ rebelle à fleur de peau. Mais le plus intéressant là-dedans, c’est bien entendu de découvrir qui était cette fameuse Rachel, dont la disparition était au cœur du récit de ‘Life is Strange’. On découvre une gamine charismatique, maligne, qui obtient toujours ce qu’elle veut. Mais sous ces airs enjoués, elle cache une profonde désespérance et une immense colère, due notamment à sa famille et ses non-dits, qui alimenteront le récit.

La pièce de théâtre annuelle de l'Académie, cette fois  'The Tempest', sera également au centre de l'intrigue

Le jeu adoptant le point de vue de Chloé, folle amoureuse, Rachel est décrite ici comme une âme parfaite, certes avec quelques menus défauts tout à fait charmant mais globalement c’est une véritable crème de gentillesse et d’abnégation, maltraitée par les événements. Mais ce que le joueur sait (s’il a fait LiS avant) c’est que ce parfait petit ange est en réalité une manipulatrice de haut vol, multipliant les amant(e)s en fonction de ses besoins et de ses plans. On perçoit parfois ici et là, au cours de ses dialogues ou de son comportement ce caractère profondément enfoui, que Chloé ne décèle évidemment pas (c’est toujours plus facile quand on à la réponse…) et qu’elle ne découvrira que bien plus tard, lors de son enquête avec Max pour retrouver son amour disparue. L’autre point notable, et plus enclin à l’interprétation de chacun, c’est le fait que Rachel renferme elle aussi certainement un ‘pouvoir’, mais que contrairement à Max et plus tard encore Daniel, celle-ci n’en a jamais pris conscience.

INTERLUDE MUSICAL N°1

On entre là dans ma vision personnelle de ce que décrit la scène finale du premier épisode de ce ‘Before the Storm’, associée bien sur à ces visions de la ‘Biche Fantomatique’ dans le jeu principal. Pour moi, Rachel est clairement lié avec ‘l’Esprit de la Forêt’ (appelez cela comme vous voulez), ou tout du moins possède un lien étroit avec la Nature avec un ‘N’ majuscule. Certaines théories vont même jusqu’à dire que c’est Elle, la tornade qui ravagera Arcadia Bay. Un esprit vengeur revenu d’outre-tombe pour raser la ville qui l’aura tant faite souffrir. Belle hypothèse.

Mon passage préféré de toute la série. une scène qui me parle énormément, à la fois pleine de rage, d’incompréhension, de colère spontanée, de désolation mais aussi de poésie et de fantastique. Un grand moment. Un moment Puissant. Et rien que pour çà Before The Storm est bien meilleur que ce que beaucoup en disent…

Pour en revenir à Chloé, il existe un quatrième épisode bonus, nommé ‘Adieux’ (‘Farewell’) et qui lui revient encore plus loin dans le temps, vu qu’il nous fait vivre le jour de la mort du père de la jeune fille. On revient cette fois-ci dans la peau de Max pour vivre ce qui sera métaphoriquement le jour de la mort de l’innocente Chloé Price. Les deux gamines passent leur journée chez les Price, à jouer aux pirates dans le grenier et le jardin, avant que la nouvelle du drame ne leur parvienne. Il s’agit également du dernier jour avant le départ de Max pour la grande ville où sa famille déménage. Un bien beau bonus qui fait de plus écho à un passage où Max tente de modifier le sort de cette journée lorsqu’elle remonte dans le temps dans le jeu qui lui est consacré. Cet épisode spécial est celui qu’il faut jouer en premier si jamais vous voulez faire la série chronologiquement parlant.

L'épisode bonus nous fait retrouver Max et Chloé encore gamines...

LIFE is STRANGE (2015)

Maxine Caulfield est une étudiante en art, avec option sur la photographie, qui pour suivre ses cours est revenu à Arcadia Bay, le patelin de son enfance. Concentrée sur sa vie scolaire elle n’a pas vraiment repris contact avec ‘sa vie d’avant’… jusqu’à ce qu’elle tombe par hasard sur Chloé, sa meilleure amie d’antan. Les deux jeunes femmes renoueront lors de ces retrouvailles et mèneront ensemble l’enquête pour retrouver Rachel, disparue sans laisser la moindre trace…

Une introduction magnifique, avec sa bande-son et sa mise en scène aux petits oignons

C’est là que se révélera utile le don fraîchement acquis de Max, capable de manipuler le temps, et au-delà même, son pouvoir ne cessant de croître au fur et à mesure qu’il grandit en elle. On suit donc la réservée demoiselle au cours d’une semaine forte en émotion, qui la conduira à une aventure extraordinaire, aux choix dramatiques qui la marqueront à jamais…

Max retrouve Chloé...et les revoilà parti pour de folles aventures...

Lorsqu’on débute Life is Strange, on se demande dans quoi on s’embarque. Bien que la capacité de manipulation temporelle soit établie dès la première séquence, l’atmosphère de bluette adolescente semble régner sur la ligne directrice qui guidera le récit. Pour un quarantenaire dans mon genre, je concède volontiers que ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. C’est un peu lent, très bavard, assez mièvre et les problématiques que notre héroïne rencontre semblent pour le mieux anecdotiques. Il y a bien cette scène dans les toilettes qui laisse entr’apercevoir quelque chose de plus sombre mais en dehors de cela, on partage le quotidien d’une écolière et son pensionnat, entre railleries de petites pestes et professeurs envoutants.


Les enjeux en ce début de jeu sont pour le moins...peu passionant. Mais l'intérêt va monter crescendo...

Max utilise d’abord son pouvoir pour les petites choses du quotidien, comme savoir quoi répondre quand on l’interroge en classe ou éviter qu’un quidam se prenne un pot de peinture sur la trogne….mais dès qu’elle retrouve Chloé la pile électrique en blue-jean déchiré ses dons sont mis à l’épreuve et très vite elle doit évoluer. Et la compréhension de ses capacités lui permettra des choses assez folles. Il faut savoir que le jeu se déroule sur une semaine, chaque épisode retraçant une journée, du lundi au vendredi. Elle débute sa semaine sans le moindre pouvoir…et il faut voir de quoi elle est capable le vendredi soir ! On parle là de voyage temporel, de théorie quantique, de futurs alternatifs et de passé recomposé ! Pour en revenir à çà, quand on commence le jeu avec ce lundi très fleur bleue voir d’une confondante naïveté, on n’est pas prêt pour l’épisode 5, qui lui est totalement fou de A à Z. À la limite du mysticisme et de la métaphysique. Ce segment final - ‘Polarized’-, fut l’un de mes plus grands trips de jeu vidéo : totalement inattendu, aux idées folles constantes, aux choix impossibles, il s’agit en fait de la mise en image de la théorie des univers parallèles, Max vivant dans la même journée tous les Vendredis possibles qu’elle puisse vivre…du meilleur…au pire.

'Polarized' est un grand moment vidéoludique, où le chaos semble régner sur chaque pixel du jeu. Un voyage dans la théorie quantique en bonne et due forme...

Car comme on pouvait s’en douter, l’investigation avec Chloé pour retrouver Rachel les mèneront sur la piste d’un dangereux individu qui les mettront toutes les deux en grand danger. Et c’est bien ce coté thriller sorti presque de nulle part qui aura su me captiver. Entre fantastique, chronique adolescente et enquête aux relents malfaisants, Life is Strange possède une aura unique, jamais vue ailleurs. La sensation de découvrir une vie certes banale (ou presque) dans une atmosphère relaxante et un environnement apaisant…du moins avant que Max n’y foute le boxon spatio-temporel !


Malgré le fait que les deux personnages n’aient pas du tout le même caractère, je trouve une ambiance très ‘Veronica Mars’ à cette aventure. Une enquête, des photographies, une ville apparemment bien sous tout rapport qui cache en profondeur de noirs secrets…Non vraiment je trouve qu’il y un parallèle à faire entre Arcadia Bay et Neptune.

Car au-delà du ‘simple’ rembobinage temporel, le véritable pouvoir de dingue de Max la Menace est bel et bien celui de voyager dans le temps au travers de ses photographies. Et c’est en usant de cette incroyable capacité qu’elle finira par ‘casser’ le temps lui-même, qui finira par s’emmêler les pinceaux (le coup de la neige, de la double-lune etc…). Et tout ce bordel amènera la jeune fille devant un choix insoluble et aux répercussions irréversibles : soit réparer la ligne du temps ou laisser le chaos s’installer et fuir loin. Avec en arrière-plan le destin de Chloé…

Max qui regarde une photo d'elle même regardant des photos...Cette image est une parfaite métaphore du jeu.

Derrière toutes ces éloges il ne faut pas non plus occulter les limites du titre, qui reste à la base un jeu épisodique d’un studio pas énormissime mais avec beaucoup de talents. Il possède une identité visuelle marquée qui permet quelques audaces graphiques sans qu’on n’en prenne ombrage (le coup des photos en mode ‘dessin pas très détaillés par exemple…) mais je sais que le plus gros reproche qu’on lui a fait concerné la limitation des opportunités dû au rembobinage. J’explique : si Max doit récupérer un objet pour franchir une porte, soit la clé soit la carte magnétique, et bien en fait elle ne pourra pas récupérer les deux, alors qu’elle le pourrait très bien (il lui suffirait de rembobiner une fois en possession de l’un des objets) mais le jeu considère qu’une fois qu’elle à pris sa décision c’est réglé on passe à la suite. Et il y aussi le paradoxe du ‘double objet’…revenons à notre clé. Pour la récupérer, elle doit entrer incognito dans une autre pièce verrouillée. Elle défonce donc la porte, récupère la clé, ressort et rembobine le temps, avant que la porte ne soit défoncée…et la clé récupérée. Mais comme elle ‘voyage’ avec son inventaire, la clé se trouve donc en double exemplaire, une dans sa poche et une autre toujours dans la pièce fermée. Dit comme çà cela peu paraître abstrait mais je vous assure que durant votre partie vous n’arrêterez pas de vous posez ce genre de questions sur les paradoxes temporels. Et c’est justement toutes ces petites choses qui finiront par dérégler l’horloge cosmique et amèneront à la catastrophe de la tempête destructrice.

INTERLUDE MUSICAL N°2

Life is Strange est une très grande aventure, qui malgré ses débuts trop sages saura rapidement vous emmener dans une histoire épique à taille humaine, avec des enjeux simples comme la survie de vos compagnons et le sauvetage de votre ville d’une catastrophe semi-naturelle. Car la tornade étant de nature fantastique elle est sujette à diverses interprétations. Est-elle créée par des forces supérieures pour raser Arcadia Bay et effacer toutes ses erreurs dans la continuité ? Est-elle une manifestation du pouvoir de Rachel en mode déchaînée, son âme désormais libérée ? À chacun d’apporter sa propre réponse…

La petite ville d'Arcadia Bay possède vraiment une ambiance unique, un lieu tranquille où il fait bon vivre. Mais dont l'économie est aux abois...Pour l'anecdote, Life Is Strange est le seul jeu que j'ai 'platiné' comme on dit. Mais c'est relativement très simple d'y parvenir vu qu'il suffit de prendre toutes les photos bonus. Et comme c'est un objectif secondaire qui me bottait, je l'ai fait (en vrai je voulais juste toutes les photos, le trophé Platine je m'en balance...mais bon j'en ai un quoi...)

LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES DE CAPTAIN SPIRIT (2018)

Ha ! Idée intéressante derrière ce ‘mini-jeu’ qui fut en fait la démo jouable de Life is Strange 2. Au lieu de proposer un passage du jeu principal, il fut créé un petit scénario alternatif qui présenterait non pas les héros du deuxième épisode mais un personnage secondaire, en l’occurrence le petit Chris Eriksen. Enfant à l’imagination débordante et fan de super-héros, il vit avec son veuf de père qui depuis la mort de son épouse dans un tragique accident de la route sombre dans l’alcoolisme et la dépression.

 Le jeune Chris est un fan de super-héros et se rêve en justicier (des bacs à sable)

On vit donc une matinée comme une autre dans la peau de ce chérubin, avec pour mission quelques aventures sorties de son imaginaire à mener à leurs termes. Comme par exemple combattre le terrible bonhomme de neige du jardin ou regrouper les troupes (figurines) de super-héros et super-vilains éparpillés dans toute la maisonnée. Enjeu une fois de plus anodin mais qui permettent de passer un moment agréable dans une ambiance calme et posée.

Les Terres du Super-Vilain sont loin d'être accueillantes...

Au fur et à mesure de notre avancée dans la bonne demi-douzaine d’accomplissement à terminer et de notre découverte de la modeste demeure, on comprend que le véritable ‘chef des vilains’ dont parle Chris sans arrêt n’est en fait rien d’autre que la noirceur qui envahit son paternel. Un boss bien difficile à vaincre et qui installe un climat très tendu entre l’homme et son fils, malgré leur complicité évidente.

Chris et son père s'entendent bien malgré le fait que ce dernier semble au bord du gouffre.

Il ne faut qu’une poignée d’heure pour venir à bout de cette petite histoire, (avec cependant un passage hyper vicelard en ce qui concerne le déblocage du téléphone portable…je ne crois pas qu’un seul joueur au monde ait pu trouver ce fichu code sans utiliser internet ! Impossible !) qui se conclut par une cinématique ‘à la Life is Strange’ qui voit donc Chris avec visiblement lui aussi un pouvoir naissant… avant qu’il n’aperçoive dans le jardin des voisins deux frères qui lui font signe…

ATTENTION: il faut terminer toutes les quêtes annexes AVANT de réveiller le père, car cela lance la cinématique de fin.

LIFE is STRANGE 2 (2019)

Sean et Daniel sont deux frères qui vivent avec leur père à Seattle, petite vie tranquille de gamins en pleine croissance dans un cadre agréable. Estéban Diaz, le pater et garagiste de métier, est un immigré mexicain venu vivre aux USA il y a de nombreuses années où il devint donc papa de deux énergiques gaillards. La mère elle, n’a plus donnée signe de vie depuis plus de 8 ans, alors que Daniel n’était encore qu’un couffin. On fait rapidement connaissance avec cette petite famille au travers de Sean - 16 ans - lors d’un après-midi comme un autre après son retour de l’école. Lorsqu’éclate sans prévenir une rixe entre Daniel et le jeune voisin teigneux ! Sean sort alors dans le jardin pour défendre son cadet. Mais la situation dégénère de manière exponentielle lorsqu’un un agent de police visiblement peu expérimenté se mêle à cette banale affaire de voisinage. Et là c’est le drame. En quelques instants les frangins se retrouvent fugitifs et doivent alors fuir sans se retourner dans une Amérique qui s’apprête à élire Donald Trump…

On the Road...

Fini l’enquête teintée de fantastique dans une petite bourgade côtière, place au Road Trip initiatique. Car c’est bien dans un voyage à travers les États-Unis que nous convie ce Life Is Strange 2. Mais rassurez vous, de superpouvoirs naissants il sera toujours question. Mais cette fois-ci ce ne sera pas notre personnage qui sera dotés de puissantes capacités mais le jeune Daniel, que sous le contrôle de Sean, nous devrons guider. Une belle idée qui permet de renouveler la narration tout en n’ayant pas à programmer un jeu trop gourmand en terme de physique des objets… car l’enfant de 10 ans est depuis peu télékinésiste, et ses pouvoirs se développent rapidement. Qu’en fera t-il ? À son grand frère, et donc le joueur, d’en décider…

 Idée maline de ne pas avoir donné le pouvoir au héros…car créer un jeu avec un protagoniste doué de télékinésie aurait demandé trop de ressources de programmation (techniquement il pourrait déplacer tout ce qu’il y aurait à l’écran…)

En décider…ok. Mais disons que le petit frère n’est pas forcément toujours enclin à l’écoute et à l’obéissance. Et surtout à la prudence. Il a en effet beaucoup de mal à cacher son pouvoir et Sean l’admoneste plus qu’à son tour à ce sujet. C’est dans ses remontrances, ses conseils, ses petites phrases et son comportement que le ‘Grand Loup’ influence le ‘Petit Loup’, forgeant petit à petit son avenir. Il s’agit là du cœur du jeu, l’idée de transmission, d’éducation, de quelle voie montrer à un enfant…qui plus est capable de choses extraordinaires. Ce sont tous ces choix qui impacteront directement quelle  séquence finale conclura l’aventure, parmi les 7 possibles.

Tout comme Max, Daniel finit par avoir un pouvoir démentiel

Malheureusement, le titre ne délivre absolument pas la même ambiance sereine que le premier opus. Constamment sous pression, très (trop) politique, beaucoup plus âpre et surtout tellement plus amer. C’est bien simple aucune des fins possibles n’est véritablement ‘bonne’. Toutes ont ce coté profondément triste et grise, y compris celles que l’on qualifiera de ‘moins grave’. Celle que l’on pourrait qualifier de « meilleure » consistant à avoir un Daniel assigné à résidence chez ses grands parents avec certainement la CIA qui viendra le débaucher à sa majorité (Chouette…) ou alors à lui donner une vie banale de simple quidam sans histoire, dissimulant son pouvoir tandis que le grand frangin cherche la rédemption et le pardon derrière les barreaux. Pas de Destin, pas de rencontre avec Max… Aucun véritable espoir, aucune grandeur… décevant en tout point. Et on retrouve cela au travers de toute l’histoire, d’une écrasante morosité. Tout cela n’est évidemment pas aidé par une mise en situation de départ bien trop capillotractée. Pourquoi le policier de un) est tout seul en patrouille, de deux) ouvre le feu alors qu’il est manifestement en présence d’une querelle anodine entre jeunes voisins, de trois) tire sur un homme de toute évidence non armée et venu régler pacifiquement la situation ?


Il est vraiment dommage que la situation qui donne naissance à toute cette aventure soit un peu trop ubuesque...

Pour aller dans le sens de ce flic bien trop nerveux pour être en possession d’une arme, de son point de vue il croit avoir affaire à de dangereux Chicanos ayant grièvement blessé un brave américain dans son jardin. En fait du jus de compote rouge que Daniel confectionne pour Halloween et malencontreusement renversé sur le T-Shirt du voisin chelou, d’où l’embrouille…j’avoue que cette introduction un peu ubuesque ne permet pas vraiment d’entrer dans l’histoire à sa juste mesure et décrédibilise un peu le tout. Je comprends parfaitement l’intention des auteurs, de faire de cette séquence la métaphore du manque de dialogue et de la tension sociale en cette Amérique de 2016…mais franchement j’ai eu du mal à croire à ce quiproquo limite grand-guignolesque si un drame affreux n’en résultait pas. À savoir deux morts…

Le chapitre 3 que je n'ai pas du tout apprécié. L’antithèse de ce que je suis et de mes convictions. Cependant une certaine critique en sous-texte se laisse lire si on est attentif, notamment sur le fait que la Californie deviendrait une poubelle à ciel ouvert en cas de légalisation du Cannabis. Ce qui quatre ans plus tard est effectivement l’un des problèmes majeurs de l’État (accentué of course par la situation sanitaire hors du commun). Mais j'aime bien Cassidy...

Pour une suite l’espace de jeu semble plus restreint que le premier. Comme il s’agit d’un voyage constant on passe le plus clair son temps à explorer sans cesse de nouveau lieux, assez étroits de surcroît. Et une routine de jouabilité finit par s’installer : une cinématique suivie d’une séquence d’exploration, on y trouve ce qu’on doit y trouver et/ou y faisons ce que nous devons y faire et de nouveau une cinématique qui nous emmènera à une nouvelle séquence d’exploration de zone. Je n’ai pas vérifié montre en main mais dans l’ensemble je dirai quand même qu’on passe moins de temps à ‘jouer’ que dans le premier jeu. Ce qui est quand même un peu dommage…

Un petit crochet par une ville déjà croisée précedemment (si elle est toujours debout dans votre storyline...)

Alors oui, j’ai largement préféré le premier. Car l’expérience du 2 est trop dramatique, trop maussade, pas assez lumineuse. La moindre parcelle d’espoir ou de chaleur est condamnée par un retour de manivelle terrible (le pauvre petit chiot…) ou contrebalancée par un événement plus sombre (Sean heureux au Mexique mais Daniel avec le gouvernement sur le dos, ou Daniel libre au Mexique, avec la pleine mesure de ses pouvoirs…mais qui devient un petit salopard fini). Ne pas forcément faire de Happy End, je suis d’accord mais il ne faut pas non plus plomber l’ambiance et tout tirer vers la désespérance et le regret. Il faut toujours terminer son récit par une parcelle d’espoir vers des lendemains meilleurs, offrir au personnage et aux joueurs/lecteurs/spectateurs un sentiment de nostalgie, avec la sensation de poursuivre son chemin en ayant appris une grande leçon de vie. Chose qu’avait parfaitement su faire le 1 et qui est totalement absente ici.

Life is Strange 2 offre tout de même quelques beaux passages...

Life is Strange 2 est particulièrement rude de par son atmosphère démoralisante et sa constante manie de tout vouloir assombrir, de chasser chaque moment de lueur par un nuage noir. Il délivre bien quelques moments de poésie visuelle ou narrative mais à force de tout vouloir ‘griser’ il finit par laisser transparaître une morosité permanente sans laisser croire à des lendemains meilleurs. Et c’est profondément triste. En reste un bon jeu narratif, qui avec son système de choix plus élaboré qui détermineront In Fine le caractère du cadet propose un aspect pas inintéressant du tout pour le genre.

INTERLUDE MUSICAL N°3


~€~

La série Life is Strange possède donc en effet une aura particulière dans l’univers du jeu vidéo moderne. Loin des batailles qui en mettent pleins les mirettes ou des open-worlds toujours plus grand et détaillés, les aventures de chez Dontnod ramène l’histoire à hauteur d’homme, ou d’adolescent pour être précis, misant plus sur l’attachement aux personnages que sur la surenchère d’effets techniques. Alors oui il faut accepter le contrat quand on débute ces jeux sur le fait que nos héros sont des jeunes gens en quête d’eux-mêmes, des mystères de la vie et de maturité (et ce n’est pas aussi facile que cela…) mais une fois ceci assimilé, le récit nous emporte dans une poésie du quotidien fait de touts petits riens qui pourtant font tout et de tout l’éventail des rapports humains, du plus simple au plus complexe. On se prend au jeu de fouiller le moindre recoin des décors pour déceler ici et là des détails sur la vie des protagonistes, obtenir quelques remarques ciselées ou réflexions profondes… À ces portraits intimes s’ajoute la nature fantastique des pouvoirs qui s’éveillent et font grandir nos jeunes héros dans un sens ou dans l’autre, sans toutefois tomber dans un manichéisme mal placé. Car chaque décision prise sur le moment nous semblera la bonne, mais parfois les conséquences seront imprévisibles et désastreuses, alors même que nous pensions bien faire. Sauver quelqu’un peut parfois semer le Chaos et être trop inflexible dans son éducation peut amener à produire l’effet inverse que ce que l’on cherche à inculquer. Il faut donc sans cesse juger le pour et le contre et faire pour le mieux, en espérant que tout se passera bien…et parfois ce n’est pas le cas. Mais que voulez vous c’est comme çà, quelquefois vraiment la vie est…bizarre.