On quitte l'Amérique et ses super-héros en bannière étoilé pour découvrir l'Afrique et son pays secret, le Wakanda. En guide de prestige, rien de moins que le Roi local, T-Challa.
 
BLACK PANTHER
2018
 
 
Réalisateur: Ryan Coogler
Le Héros: Chadwick Boseman
Les Grands Noms: Angela Bassett, Forest Whitaker
La Demoiselle en Détresse: Lupita Nyong'o mais en fait plutôt Letitia Wright
Autres Apparitions Notables: Michael B Jordan, Danai Gurira, Martin Freeman, Daniel Kaluuya
 
Suite à la mort du Roi T'Chaka vue dans Civil War, son fils T'Chala s'apprête à endosser son rôle de monarque. Statut qu'il devra cumuler avec celui du Black Panther, guerrier protecteur du pays et de son peuple, comme ses ancêtres avant lui. La tache s'avérera compliquée, surtout quand Ulysses Klaue, vieil ennemi de la nation, refait surface avec un étrange complice... 
Dire que le film centré sur Black Panther était attendu serait un euphémisme. Le personnage - très apprécié des lecteurs de comics - possède un background et une aura particulière que l'adaptation se devait de refléter...On retrouve donc notre bonhomme alors qu'il est sur le point d'être couronné peu de temps après les événements de Civil War puis face aux problématiques de son début de règne. Une part importante des dialogues est dédié à la politique et sur la manière dont il doit diriger le pays. Chaque second-rôles qui entoure le héros possède une certaine vision dogmatique, moyen habile de poser les différents chemins à suivre pour gérer la nation face aux menaces du monde. Soit l'ouverture et la révélation des ressources inespérées aux peuples de la Terre soit maintenir le statu quo et demeurer caché. De ce point de vu là, et même si on est pas non plus devant un traité politique très alambiqué, on peut dire qu'on se trouve devant le MCU le plus engagé. Et n'ayons pas peur des mots, se permet de poser la question de la condition 'Noire' dans le monde. Et fort heureusement les scénaristes n'ont pas botté en touche sur ce difficile sujet, en le mettant même justement au centre des préoccupations des protagonistes et de l'intrigue.
 
Une image bien pratique qui permet de présenter la quasi-totalité du casting.
 
C'est que le comics à la base fut lui aussi assez revendicateur....Le nom même du super-héros reprenant celui du célèbre groupe révolutionnaire fondé en 1966. A moins que ce ne soit les révolutionnaires qui choisirent le nom du personnage...ses premières aventures étant sorties quelques mois plus tôt et le succès étant au rendez-vous. L'histoire ne tranche pas sur cette question, et c'est peut-être mieux ainsi. La vision idyllique du héros wakandais et de son pays imaginaire donna quoi qu'on en dise une image positive pour un héros de couleur, ce qui jusque là n'avait jamais été fait.
Tout cela pour dire que le long-métrage possède une teinte et un sous texte particulier, qui la plupart du temps est malin sur la manière d'appréhender son thème central, avec parfois cependant quelques petits couacs pas très subtils ou provocateurs. Notamment sur quelques sobriquets dont est affublé le personnage joué par Martin Freeman. Mais rien de véritablement scandaleux non plus.
 
 
De cette base engagée, Ryan Coogler y ajoute une pincée - très appuyée - de film d'espionnage. Et par conséquent du plus grand représentant du genre, l'agent 007. Black Panther est la transposition dans le Marvel Universe du célèbre espion, en calquant quasiment ses personnages secondaires sur ceux des aventures du héros de Fleming. T'Challa est évidemment notre James Bond, Shuri la sœur devient la Q conservant ce sens de l'humour badin, Everett Ross est quasiment un copier-coller absolu de Felix Leiter...et la reine-Mère Ramonda pourrait être assimilée à M (surtout période Judi Dench). Dans le rôle de la 'Panther Girl', Lupita Nyong'o qui au contraire de ses consœurs ne sera pas 'de passage', notre roi ayant jeté son dévolu de manière définitive sur sa belle (quand j'écris ça je me rends compte que le rôle est sur la sellette, Bond ayant en fait perdu la femme de sa vie très vite...).
 
 
Mais il n'y a pas que sur les personnages que l'inspiration imprime sa marque, elle est aussi sur la réalisation générale et le cheminement du script. Le scénario nous fait voyager autour du monde, et surtout en Corée du Sud, à Busan. Les scènes nocturnes dans la ville coréenne sont superbes, un vrai délice visuel. Pour ce qui concerne le Wakanda, ville et pays complètement imaginaire et à la pointe de la technologie grâce au vibranium, je regrette qu'on en voit pas plus. Les plans grand angle laisse entrevoir une cité abondante, avec métro aérien et buildings nombreux. Hors en dehors du palais on ne voit que quelques ruelles de marché bondées. Cela aurait été judicieux je pense d'en montrer plus que cela. Une scène aurait pu se passer dans une rame du métro ou sur la terrasse d'un building, voir simplement aux abords d'une grande avenue. Je me doutes bien que cela aurait couté plus cher que ces décors un peu cheap mais bon Asgard est passé par là quand même...
 
 
Là ou par contre il y a un vrai effort graphique, c'est sur les scènes se déroulant dans le Monde des Esprits. Avec son ciel pur, sa savane à perte de vue et la colorimétrie éthéré on sent instantanément tout la sérénité de l'endroit. Vraiment de très belles images que ces séquences.
 
 
Toujours en ce qui concerne le Wakanda et le vibranium, l'utilisation de la technologie dites du 'Sable Noir', qui donne de très beaux effets spéciaux et permet pas mal de choses visiblement. On ignore comment cela marche exactement (et je pense que les auteurs également) mais ce sable organique est fort pratique pour tout un tas de choses. Une I.A. semble également être utilisé mais elle est ici anecdotique et je pense fut rajoutée en post-prod' pour expliquer les actions de Ross dans le poste de pilotage. Le vibranium justement, dont on nous vendait la présence depuis le dialogue entre Howard Stark et Steve Rogers dans le premier Captain America montre enfin son visage...et les rumeurs prétendant que le métal est devenu rare voir épuisé sont le moins que l'on puisse dire injustifiées (et probablement véhiculé par les Wakandais eux-mêmes). La météorite tombée là il y a des milliers d'années étant encore à peine effleurée. Au passage l'ouverture du film racontant l'histoire du pays - via justement le Sable Noir - permet une présentation rapide et claire du contexte et de l'univers dans lequel on se trouve plongé.
 
 
Et c'est là que l'on en revient à Ulysses Klaue, étant le seul étranger à avoir réussi l'exploit à faire sortir du pays illégalement le métal précieux (250 kgs, comment à -t'il fait?), en l'an de grâce 1992. Je ne dévoilerai pas l'intrigue mais celle-ci démarre sur ce point précis. Au passage on ne sait toujours pas comment Stark Père a pu en avoir en sa possession mais ce ne fut donc pas de manière illégale...
Et le marchand d'arme à aujourd'hui à ses cotés un complice qui semble en savoir long sur le Pays secret. Mickael B. Jordan retrouve son réalisateur fétiche pour cette fois-ci incarner l'antagoniste. A savoir donc Killmonger. Où Erik Stevens. Ou N'Jadaka.
On retrouve là un ennemi charismatique et loin des caricatures habituelles que nous offrent le MCU. On peut le comparer à Zemo (d'ailleurs évoqué au cours d'un dialogue) dans le sens où tout deux ont un plan précis et sont déterminer à le mener à bien..et y parviennent. Quitte à payer un lourd tribut en sacrifice comme en témoigne la scène de la révélation à l'aérodrome, qui surprends et le spectateur et Klaue lui-même. Bien joué. Ce qui fait que Black Panther affronte les deux vilains les plus réussis de la franchise et ont espère revoir de tels adversaires à l'avenir dans la saga super-héroïque...
 
 
Autre antagoniste mais dans une moindre mesure, M'Bakou, chef de la tribu des montagnes, adorant Hanuman, vivant à part du reste des wakandais. Et qui refusa d'exploiter le minerai du météore, préférant se consacrer aux traditions ancestrales. Winston Duke, qui l'incarne est un vrai colosse qui offre une prestation plus qu'honorable à ce vilain de pacotille à la base. Un perso qui sous sa façade de rustre cache un caractère noble et farceur, qui insufflera la notion de chef de tribu à T'Challa. Je découvre d'ailleurs que les références à Hanuman ont été gommées des copies Indiennes, pour ne pas choquer le public hindoue sur cette réappropriation culturelle...ou quand le serpent se mords la queue...
 
 
Court paragraphe pour signaler quelques petites allusions à d'autres films Marvel. La première c'est la fameuse IA qui informe l'agent de la CIA de l'avancement des dégâts structurels sur la baie vitrée, rappelant la scène où Fury se faisait attaquer à bord de son véhicule dans le Soldat de L'Hiver. La seconde vient des trois villes ou les agents infiltrés (dit 'les Chiens de Guerre') acceptent sans broncher de distribuer les armes au vibranium à la population noire locale, qui correspondent aux trois villes ou l'institut des Arts Mystiques de Docteur Strange ont leur Saint des Saints, à savoir donc New-York, Londres et Hong Kong. Je ne sais pas si il s'agit d'une pure coïncidence d'écriture mas ce serait un peu fort de café.
 
 
C'est ainsi que ce termine cette chronique sur le film Black Panther. Il y aurait bien sur beaucoup plus à dire, autant sur le fond que la forme, tant le métrage à cristalliser les passions à sa sortie. Mais faisons fi de toutes ces polémiques et jugeons le produit fini. Ryan Coogler réussi l'exploit de porter le héros africain à l'écran sans négliger tout le sous-texte politique inhérent à l’œuvre. Questionnant sur la responsabilité qu'aurait le Wakanda envers ses 'frères' du monde entier, question qui bien entendu fait écho à bien des situations de notre univers bien réel et que chacun interprétera à sa manière. Le film apporte sa réponse sans non plus trancher définitivement l'interrogation, qui reste en suspens...le but de l'art n'est pas d'apporter les réponses mais de poser les bonnes questions, même - et surtout - les plus délicates.
De ce succès déjà grandiloquent, il ose le culot de faire du héros le James Bond noir dont il est question depuis des années (Idriss Elba étant sur les rangs fut un temps pour succéder à Daniel Craig, mais ce n'est plus d'actualité) et là aussi réussi l'essai. La combinaison de ces deux exploits font de ce nouvel épisode du Marvel Cinematic Universe un des plus grand succès au box-office mondial pour la firme, largement mérité. T'Challa aura sans nul doute une place importante lors des phases post-Endgame (comme dans le comics en somme) et j'espère que les suites sauront garder cette ambiance espionnage qui me plaît beaucoup. L'avenir le dira...
 
 
Les Scènes Post-Génériques: Une délégation wakandaise se rends aux Nations-Unies à Vienne (ou fut commis l'attentat qui coûta la vie du Roi T'Chaka) pour une déclaration publique. T'Challa annonce que désormais son pays offrira à l'humanité entière ses ressources et ses connaissances, ce qui laisse le public présent un peu dubitatif. Que peut donc bien offrir au monde une nation d'éleveurs du Tiers-Monde? La scène se termine sur un sourire du Roi...
Il y a des choses à dire sur cette séquence finale. Le discours à la tribune étant une charge politique comme jamais un film Marvel n'avait osé le faire. Aucun autre d'ailleurs ne l'aurait pu, il n'y a que via T'Challa que la Maison des Idées peut exprimer de tels propos. N'en reste pas moins une certaine idée fantasmée - et sans doute nécessaire - du Wakanda et par extension de l'Afrique. Mais au final ni plus ni moins que la vision fantasmée de l'Amérique dans tout les autres films...Le scénario tends d'ailleurs à instauré cette idée de nation parfaite en début de film avant de briser le concept au travers des choix et des erreurs de T'Chaka envers son frère et son neveu. "Aucun homme n'est parfait, pas même ton père" dira Nakia au jeune Roi, métaphore évidente du pays. Bref tout cela pour dire que bien sur que oui il y a un sous-texte très politisé là-dedans, mais pas aussi manichéen que beaucoup on bien voulu le voir...
Sinon l'autre passage 'caché' en toute fin de générique voit le sergent Barnes 'Bucky' sortir d'une hutte après s'être fait réveillé par une bande de gamins turbulents. Il rejoint alors Shuri qu'il remercie pour son aide (sur le déconditionnement mental certainement). La jeune scientifique en chef avait parlé plus tôt de son plaisir d'aider 'un autre petit blanc' quand Ross arrive blessé par balle. On se doutait qu'elle évoquée alors le Soldat de L'Hiver, sans doute sorti de cryogénisation. Elle demande alors à celui que les enfants surnomment le 'Loup Blanc' de la suivre car il a encore beaucoup à apprendre...