Ce que je recherche avant tout dans un jeu vidéo, c'est l'évasion. Je veux vivre autre chose, me plonger dans un univers riche, mur, parfois sombre, mais surtout travaillé. C'est pour ça que des jeux comme Bioshock, ou Deus Ex Human Revolution m'ont marqué. Le gameplay importe peu, seul compte l'histoire qu'ils racontent, c'est comme ça que je retiens un « grand » jeu. Alors quand j'ai appris que Arkane Studios présentait Dishonored comme le mix entre Bioshock et Deus Ex, j'ai tout de suite été attiré. Les visuels, les interviews, les previews, tous décrivaient ce jeun comme un bijou artistique : Il avait raison.

Dishonored, c'est un de ces rares jeux que j'achète D-Day, un des rares jeux pour lesquels j'estime que payer le prix fort en vaut totalement la peine. Conforté par des tests ultra-élogieux, je me suis rué dessus, malgré ma peur d'avoir des attentes bien au-dessus de la réalité. Ce jeu, je l'ai dévoré, et j'y rejoue avec plaisir, cependant, après une quinzaine d'heure de jeu (le juste milieu entre le rush et l'exploration poussée), Dishonored me laisse une impression curieuse, que je n'arrive pas encore bien à définir. J'espère que j'y arriverai dans cet article.

Un drôle d'impression parce que Dishonored, c'est un grand jeu, comme on en voit bien trop rarement. On peut difficilement défendre le contraire tant la direction artistique, le level design, et l'univers développé sont géniaux. On ressent presque les whatmilles heures de travail ainsi que le degré de finition qu'a dû demander la création de ce jeu.

Dishonored est-il le GOTY que nous attendions ? Non

Mais si je devais retenir une seule chose de Dishonored, c'est sa direction artistique. Le moteur graphique est celui de Bioshock, un peu boosté, donc ça a vieilli, et pourtant bon sang que c'est beau ! L'ambiance qui se dégage du titre est simplement bluffante. Le monde développé, et surtout la ville de Dunnwall, font clairement référence à une ville portuaire britannique de l'époque victorienne mais qui aurait technologiquement évolué différemment. On est pas dans du steampunk classique, mais pas loin non plus.

Que ce soit les personnages, qui ont de vrais gueules d'anglais (Slackjaw, Lord Pendleton, etc etc), ou les costumes (so British !), Dunwall transpire la révolution industrielle britannique, et la classe : J'ADORE ça. On peut en dire autant pour les lieux qui ont pour la plupart bénéficié d'un travail titanesque de perfectionnisme. Que ce soit le Golden Cat, cette maison close si proche de l'image qu'on se fait de certains clubs parisiens du XIXe siècle, ou les rues de Dunwall, sales, malades, et pourtant aussi réalistes qu'une rue de Londres à la même époque siècle, ou encore la soirée de Lady Boyle : Tous ont une véritable identité, une cohérence qui ne peut que forcer l'admiration du joueur. Pour que vous soyez comme moi un peu sensible à cette esthétique purement victorienne, vous ne pourrez qu'adhérer. Personnellement, je pense clairement que Dishonored est, artistiquement parlant, le meilleur jeu de 2012. Je n'ai pas encore vu cette année un travail aussi pointu sur l'ambiance, sur les décors, sur les costumes.

Dunwall est une ville superbement imaginée, le reflet d'un Londres qui aurait tourné différement

L'architecture des niveaux est aussi assez bluffante, tant plusieurs solutions, plusieurs chemins, sont envisageable à chaque fois. On peut posseder un garde et passer le contrôle inaperçu, ou alors tuer tout le monde, ou alors pirater le système de sécurité, ou alors contourner la porte grâce à un rat, ou encore passer simplement par les toits. Et là ce n'est qu'un échantillon, puisqu'en réalité, j'en découvre encore moi-même à chaque nouvelle partie. Chaque niveau est ainsi pensé de manière ultra cohérente et complète ou rien ne vient entraver les possibilités du joueur comme un mur invisible. En terme de level design donc, là encore Dishonored est impressionnant de finition et de travail, et c'est trop rare à l'époque des jeux en ligne droite.

Le Golden Cat, représentation parfaite de la maison close parisienne du XIXe siècle, est un parfait exemple du travail en termes de direction artistique : Génial

Au niveau du gameplay, on est à mi-chemin entre du Biochock et du Deus Ex : L'épée dans la main droite, le pouvoir (ou l'arbalète) dans la main gauche, on choisit les pouvoirs grâce à un menu en forme de roue. Au cours des niveaux, vous récoltez des runes, qui vous permettront d'améliorer vos pouvoirs, qui sont au nombre de 5 (je parle uniquement des actifs).

  • Le clignement est le plus important et vous permet de vous téléporter
  • L'invocation des rats est très efficace quoique bien cruel
  • Le pli temporel ralenti (voir arrête) le temps
  • La rafale, c'est un peu la vague de force des jedis qui renverse tout sur son passage
  • La possession vous permet de contrôler un des gardes ou un animal pendant un laps de temps
  • La vision vous permet de voir à travers les murs

Le gameplay est simple d'accès, et donne une bonne sensation lors des phases d'assassinats et d'infiltration. Mais justement, c'est aussi cette sensation de puissance qui est un peu moins bien pensée que le reste : On est presque trop puissant...

Les pouvoirs sont assez nombreux et suffisamment variés

Alors Dishonored, j'y joue, je prends clairement mon pied, et puis plus j'avance, plus je me rends compte que, il manque quelque chose. Au début je pensais être le seul à penser ça, tant les critiques des sites et magazines étaient enthousiastes. Et puis j'ai vu que d'autres gameblogers pensaient la même chose. Il y a bien quelques trucs qui coincent dans Dishonored et qui l'empêchent d'être le GOTY que certains voudraient voir.

D'abord le scénario. Dans la structure on est très de Bioshock : Il y a donc des rebondissements, une histoire suffisamment intéressante pour qu'on ait envie d'avancer, d'en savoir plus. Mais contrairement à Bioshock qui baignait dans cette critique de l'Objectivisme Randien (que j'ai déjà développé sur ce blog ;) ) et qui donc avait pour lui un fond philosophique qui apportait un vrai plus, Dishonored ne nous implique pas plus que ça. Que le personnage soit muet importe peu (ça ne gênait pas dans Bioshock), c'est plus le manque d'approfondissement du monde dans lequel on évolue qui manque ici.

On est passé cet univers complexe si alléchant que la web-série nous présentait ?

Je m'explique : le meilleur exemple que j'ai, c'est le traitement de l'Outsider, ce « Dieu » qui donne ses pouvoirs à Corvo. Le personnage à un gros potentiel : On ne sait pas sur quel pied danser avec lui, est-ce notre allié ? Va t-il nous trahir ? Est-ce que tout cela n'est qu'un jeu pour lui ? Et bien on ne saura jamais, parce l'Outsider est simplement squeezé de la fin du jeu (qui est elle-même expédié en 1m30...). Mon problème, il est là. Arkane a visiblement créé un monde génial, ou religion, industrie (l'idée de l'huile de baleine comme moteur de l'industrie est excellente) et politique s'entremêlent. Mais Arkane ne s'en sert pas assez du tout ! On a l'impression d'effleurer un monde pourtant passionnant et profond avec une histoire au final TRES classique. Et ça c'est ma première grosse critique de Dishonored.

Quid de l'Outsider ? Pourquoi fait-il ça ? Quel est son vrai rôle au final ? Beaucoup de questions, trop peu de réponses

Le gameplay n'est pas non plus exempt de défauts. Globalement le jeu est trop facile. Je l'ai joué en hard, pour me donner un peu de piment, et je n'ai eu que peu de difficulté à le finir. On touche là à l'autre gros soucis de Dishonored : Corvo est trop puissant. Nos pouvoirs nous facilitent trop la tâche car les solutions aux obstacles nous apparaissent à la fin du jeu comme évidentes et on n'est quasiment plus bloqué. Certes il faut éviter à tout prix d'être encerclé par les gardes, mais leur intelligence artificielle est trop bancale pour qu'ils opposent un réel défi.

Par ailleurs, j'ai noté une trop grande simplicité des assassinats. Contrairement à un Hitman par exemple ou de nombreuses options sont offertes, ici, elles sont bien plus limitées, ce qui est d'autant plus dommage que les possibilités sont nombreuses dans le reste du jeu. Alors oui il y a l'option « non létale » : Ingénieuses, elles sont néanmoins trop facile à obtenir et raccourcissent considérablement le jeu ! Le niveau de la soirée de Lay Boyle, qui est un des plus beaux du jeu, se termine en 10 min trop chrono avec l'option non létale ! C'est du gâchis, et ça enlève une grande partie de l'intérêt du jeu. Au final, je ne voulais juste plus faire les options non létales parce qu'une mission passe de 1h30 de recherche du meilleur assassinat à 10 min, on entre et on ressort. Et ça, c'est mal pensé. Alors bien sur le jeu garde une bonne rejouabilité, du fait de la complexité des maps et des infos qu'on peut obtenir sur le monde, mais pour moi c'est le premier run qui compte.

 

Si Corvo n'est pas invincible (loin de là), ses pouvoirs le rendent trop puissant et simplifient beaucoup trop le jeu

Dishonored est un excellent jeu, c'est indéniable, mais ce n'est pas non plus le GOTY qu'on voudrait nous vendre. Il ne fait malheureusement qu'effleurer le monde passionnant qu'il nous présente et est même déséquilibré dans son gameplay ce qui aboutie à une expérience trop facile et trop courte. A côté de ça, on retient tout de même la meilleure direction artistique de l'année, ainsi qu'un monde aussi classe que passionnant.

Attention, s'il n'est pas parfait Dishonored reste un des meilleurs jeux auquel j'ai pu jouer cette année, et j'espère vraiment qu'une licence fondée sur le monde de Dunnwall en émergera tant le monde créé pourrait s'avérer profond et attirant.