Aujourd'hui je commence une nouvelle série d'article sur les jeux vidéos qui m'ont poussé à réfléchir, à me poser des questions "In Real Life", et sur les questions philosophiques qui les sous-tendent.

Le premier article sera consacré à un perso qui m'a beaucoup marqué intellectuellement : Andrew Ryan. Bon d'avance, il va y avoir du SPOIL à fond, donc si vous n'avez pas encore fini le jeu, ne lisez pas la suite !

 

Totalement mégalomane, Andrew Ryan est aussi très charismatique

Rappelons d'abord le background du personnage. Jeune russe ayant fui avec sa famille le communisme soviétique, il a été élevé aux États-Unis ou il est devenu un self made man typique dans l'industrie de l'acier. Traumatisé par l'idée du partage des richesses et du vol de ce qu'il considère comme son œuvre, il rejette le capitalisme americain   de l'époque qui se fonde sur l'idée que le riche doit aider le pauvre (capitalisme keynésien des années 30). Fervent défenseur de la propriété privée, il défend une idéologie qui veut que l'individu est supérieur au "nous". Frustré par les idées de son époque, il décide de créer avec sa fortune sa propre utopie, sa ville, isolée du monde, ou ses idées individualistes pourront s'exprimer : c'est la naissance de Rapture.

La vidéo qui nous est présenté lors de la descente du batiscaphe vers la ville reste un moment mémorable du jeu, et un très bon résumé des idées qui ont mené à la construction de cette ville. Ce passage me donne toujours des frissons et est à mon sens une des meilleures introductions pour un jeu à ce jour.

 

Le personnage d'Andrew Ryan nous apparaît tout au long du jeu via des messages radios, ou des enregsistrements type monologue ou il explique le Pourquoi de cette ville, et aussi comment elle a sombré. Car tout l'intérêt de ce "méchant", c'est que c'est un homme avec un rêve, qui voulait un monde meilleur. Ce rêve à fonctionné pendant un temps, avant de se corrompre progressivement, avec son créateur. Car pour protéger sa cité libre du despotisme et de corruption, Andrew Ryan s'est transformé en ce qu'il avait jurée de combattre. C'est cette lente descente aux enfers qu'on entend aux travers des messages audios tout au long du jeu.

 

Véritable héros "randien", Andrew Ryan est autant l'auteur d'un rêve humaniste que son destructeur et corrupteur

Un des scènes les plus marquantes reste la fin d'Andrew Ryan. En effet, notre face à face avec le créateur de la ville est l'occasion d'un nouveau monologue ou Ryan nous parle de la différence entre un homme et un esclave. Il nous explique que la différence c'est le choix, que l'homme libre peut choisir son destin, et non l'esclave. Et pour nous démontrer sa théorie, il nous ordonne de le tuer, ce que nous faisons avec son club de golf, alors que le joueur est incapable d'empêcher l'acte barbare qui se déroule devant nos yeux. C'est la grande force du personnage, il est met comme il a vécu, en homme libre, et il a préféré que le héros (qui est en fait son fils) se dévoile comme un vulgaire esclave qui assassine l'homme libre.

 

Le personnage d'Andrew Ryan à une histoire en dehors du jeu vidéo. Certains sauront que Bioshock est largement inspiré d'un livre américain Atlas Shrugged, écrit par une philosophe américaine d'origine russe Ayn Rand. Le livre est une véritable bible de l'objectivité, une philosophie libertaire ultra individualiste et ultra libérale ou le héros, richissime capitaine d'industrie, fonde une ville avec les plus grands esprits de son époque, une fille loin du communisme et du "socialisme" américain et qui recompenserait à leur juste valeur chaque individu. Le jeu Bioshock reprend cette idée, et s'oppose à l'objectivisme à travers le personnage d'Andrew Ryan (l'avatar d'Ayn Rand) qui fonde cette ville avec un idéal de justice, mais la voit petit à petit se corrompre et demontrer que l'individualisme n'est pas tout.

Totalement méconnue en Europe, l'auteur et l'oeuvre qui ont inspiré Bioshock sont incontournables dans la culture américaine

J'ai vraiment adoré ce personnage, son charisme, ses idées, puis sa descente aux enfers, jusqu'à sa mort. Il est la preuve de toute l'intelligence qui sous-tend le scénario de Bioshock, de toute son inspiration philosphique. Le courant objectiviste est très peu connu en Europe, mais est très influent aux USA, et vaut le coup de s'y intéresser ne serait-ce que pour comprendre comment Bioshock est conçu.