Le président de Nintendo avait promis de faire toute la lumière sur sa manière d’appréhender la redoutable concurrence indirecte que lui oppose le marché des jeux vidéo sur smartphone. Pour le moment, sa convalescence persistante l’éloigne de son grand oral post-déclaration financière (repoussé sine die), mais il accorde des interviews cà-et-là afin de décrire dans les grandes lignes sa stratégie offensive. Se dessine dans son intervention de vendredi dernier dans les colonnes du quotidien Nikkei une optique qui a les apparences d’un contre-choc culturel, mais qui puise en réalité dans les fondements stratégiques historiques de la société.
 
Satoru Iwata a en effet martelé à chaque charge des plus remuants investisseurs ses réserves sur la valeur ludique des jeux iOS/Android, qualifiés de négligeables. Afin de contenir les ardeurs du pouvoir financier dont la capacité d’interférence avec la conduite à tenir face à la concurrence est visiblement jugée plus nuisible que le segment smartphone en lui-même, des solutions pratiques sont avancées. Elles préfigurent d’une assimilation des processus de conceptualisation des jeux iOS/Android par l’introduction de titres à prix hyper compétitifs, siglés différemment (packaging neutre) et finalement fortement inspirés des hits qui régulièrement lèvent ou fédèrent sur ces mobiles intelligents des centaines de milliers de joueurs. Il suffira non seulement à Nintendo de piocher dans le puits sans fond de son catalogue de titres des icônes célèbres ou tombées en désuétudes, mais aussi proposer des expérimentations en cours telles que Rusty’s Real Deal Baseball, Steel Driver Sub Wars et Collectible Badge Center.
 
Le mode de consommation ludique des utilisateurs de smartphone a manifestement été très étudié pour définir la riposte. Curieux de tous, ces joueurs occasionnels à l’excès profitent de l’abondance de titres partiellement gratuits mise à leur disposition par les studios de développement dans l’unique but de se divertir le temps d’un trajet. Nintendo entend exploiter “ce temps de jeu disponible” dans le but de proposer des essais gratuits de nouvelles franchises. Cette offre répond à un objectif élémentaire : lever les freins à l’achat souvent liés à la frilosité que suscite la découverte d’une IP inédite. L’accès gracieux stimulera l’acte d’achat. Et pour mieux épouser l’esprit de ce colosse aux pieds d’argile (beaucoup d’appelés, très peu d’élus dans cet océan rouge sang), pourquoi ne pas se draper des appâts marketing de ses meilleurs ambassadeurs ? Appuyé par la notoriété dévorante de Puzzle & Dragons (40 millions de téléchargements dans le monde), l’univers de Mario s’affiche hauts en couleur dans l’improbable P&D : Super Mario Bros. Edition. L’idée derrière ce partenariat est de dresser des têtes de pont entre le précarré de Nintendo et le grouillant marché des jeux iOS/Android. Et in fine une montée en gamme...
 
 
En réalité, Nintendo n’a pas attendu l’explosion de la bulle ludique des smartphones pour prendre les accents d’une petite startup à l’aura aussi éphémère que la courbe de vie de son catalogue de titres. WarioWare Inc. : Minigame Mania commercialisé sur GameBoy Advance en 2003 (jeu offert en 2011 dans le cadre du programme ambassadeur 3DS) se définit comme une succession de micro-jeux (temps d’identification et de compréhension du défi limité à trois secondes). Face à l’inflation galopante des jeux NES puis SNES en partie causée par la technicité croissante des cartouches, des jeux à bas prix (généralement des puzzle game ou des succès anciens largement amortis) ont été lancés à destination des petites bourses.
 
Des recettes accessoires destinées à lutter davantage contre la crise de confiance que traverse Nintendo plutôt que la manifestation d’une réelle adaptation à la flexibilité extrême du segment smartphone. Car parallèlement à ce discours pseudo réformateur taillé pour les financiers se met en action un plan de survalorisation du pôle nomade. La réactualisation par le haut de la configuration matérielle de la 3DS associée à la gourmandise technique d’un Xenoblade (rupture inédite de compatibilité avec les modèles antérieurs) résonne comme le prélude au lancement d’un nouveau format venu bouleverser les règles du jeu concurrentiel. Des analystes encore isolés anticipent pour 2016 la mise en circulation du successeur de la 3DS.
 
Iwata souhaite juste gagner du temps en vue de sauver sa tête pour ses détracteurs, imposer un nouvel ordre de marche pour ses sympathisants. Où vous situez-vous ?
 
(par Nintenboy, source Nikkei)