Enfin un lead féminin dans un film de super héros ! Condensé de badasserie en chaîne ou énième production mitigée ? Que donne ce quatrième film du DCU, le premier à mettre en scène un héros solo autre que Superman ? Verdict.

 

Après une brève – mais non moins transpirante de classe – introduction dans Batman v Superman : Dawn of Justice, l’héroïne au charisme qui ferait pâlir Batman est de retour dans son origin story. Wonder Woman, premier film de héros solo du DC cinematic universe (DCU) depuis Man of Steel, catalysait les espoirs des fans. Mais le film relance-t-il le DCU en bonne et due forme où s’inscrit-il dans la maladroite continuité de ses deux prédécesseurs (BvS, Suicide Squad) ? Pour une fois, les critiques semblent confiantes et ne retiennent pas leurs éloges. Attention, spoilers à l’horizon.

Enfin un lead féminin !

 

L’une des craintes qu’il était légitime de formuler avant de voir le film était que Wonder Woman – ou Diana pour les intimes – ne soit pas le véritable lead de son film, mais davantage le sidekick du premier rôle masculin : l’espion américain Steve Trevor. Premier bon point, elle n’est ni un personnage-fonction, ni un outil scénaristique et encore moins la simple motivation émotionnelle d’un homme. Ici, Wonder Woman n’est pas encore la combattante aguerrie entraperçue dans BvS et il lui reste encore beaucoup à apprendre, mais elle est véritablement l’héroïne. Elle incarne la justice, le courage, la force et des valeurs parfois plus humaines que celles de vrais humains. Plus fort encore, elle instille et inspire ces valeurs chez les autres. Il est à la fois agréable et inquiétant de se réjouir qu’un film d’une telle ampleur donne enfin ce rôle à jouer à un personnage féminin. Pourquoi est-ce une exception à saluer, et pas quelque chose de normal ? Just asking.

Une action maîtrisée

 

De nombreuses scènes d’actions mémorables ponctuent le film qui bâtit sans pression son histoire avec un rythme qui n’a pas peur de ralentir quand il le faut, ni d’accélérer juste au bon moment. Résultat : un patchwork plutôt maîtrisé qui se découpe en trois grands actes logiques bien que légèrement inégaux entre eux.

Le premier acte, sur l’île de Themyscira, n’est pas sans rappeler le kitsch des séries de la fin des années 1990 et du début des années 2000 comme Hercule ou encore Xena la guerrière. Mais une esthétique soignée tant au niveau des costumes, que de l’architecture, des paysages et de la mythologie introduite dans ces premières minutes du film ont tôt fait de pardonner le reste.

Themyscira, l'île des Amazone, dépayse par son esthétique et son architecture réussies

Pas de grosse surprise dans Wonder Woman. On devine très tôt comment se terminera le film et quand et comment interviendra le « twist » final. Rien de dérangeant, puisque ce n’est pas fondamentalement ce qu’on attend d’un blockbuster superhéroïque.

L’action, quant à elle, est une grande réussite. Quand certains semblent déçus par le rythme, je l’acclame au contraire. Wonder Woman donne le temps de souffler, de saisir les personnages (certains plus fonctions que d’autres) et leur profondeur. Mais quand elle se fâche et passe à l’action : frissons garantis ! Appuyée par son thème musical électrique, iconique et franchement audacieux, la princesse des Amazones fend l’écran par sa superbe. La scène du no man’s land, notamment, se démarque par une chorégraphie et un art du ralenti qui ont fait vibrer chacune des fibres de mon corps de spectateur ébahi. Et c’est exactement ce que j’attendais du film.

Grincements de dents

Hélas, j’ai grincé des dents bien plus souvent que je ne veux bien l’admettre.

L’une des premières phrases du héros est « je suis un gentil et eux, ce sont les méchants » (en parlant des allemands). Aïe. Une phrase qui aurait « limite » pu passer si on parlait de nazis, mais il s’agit ici de soldats allemands de la première guerre mondiale, qui ne font qu’obéir aux ordres de leurs supérieurs comme le font les soldats français, anglais, américains, russes, etc… Un manichéisme malvenu donc, même pour un film de super-héros : car ce conflit est bel et bien super… humain. Heureusement, ce propos est rattrapé à la toute fin du film mais j’y reviendrai ultérieurement.

Grinçons des dents encore un peu, avec une petite série de blagues portées sur les parties génitales de monsieur. Non seulement ces blagues sont vues et revues, mais en plus elles desservent, à mon sens, le propos du film. Outre leur caractère exagérément marvelien (ça ne se dit pas mais faisons comme), ces blagues embarquent les deux personnages principaux (Diana et Steve) dans une spirale « sexuelle » seulement quelques minutes après leur rencontre. Est-ce donc à dire qu’un lead féminin ne peut se passer, dans son film, de cette connotation sexuelle avec un homme ? La question me paraissait assez intéressante pour être posée. En rien ce détail n’a gâché le film, malgré le déroulement inéluctable de discussions sur le sexe homme/femme qui se poursuit ensuite jusqu’au dénouement de l’intrigue amoureuse à la fin du deuxième acte. Une intrigue qui sert l’évolution du personnage, mais dont le film pouvait largement se passer.

Pour une fois, c'est un homme - Steve Trevor - qui joue le rôle de l'intérêt amoureux de l'histoire. Même s'il hérite d'une belle part d'héroïsme

Nous ne nous attarderons pas outre mesure sur un antagoniste (Ludendorf) au plan largement faillible et aux motivations franchement douteuses. Ni sur des soldats complètement sourds et aveugles qui ne se rendent pas compte que leur général se fait administrer une sévère fessée, à quelques mètres d’eux dans un mirador visible depuis tout le reste de la base.

Noir ? Blanc ? Gris !

Ce que je reproche le plus aux blockbusters en général et particulièrement aux films de super-héros, c’est la culture de la surenchère. Il faut toujours plus impressionner, avec plus d’effets spéciaux, d’explosions et de combats spectaculaires à l’ampleur sans cesse croissante.

Milieu du troisième et dernier acte. Wonder Woman vient de tuer le général Ludendorf qu’elle pensait être Arès et… révélation : il n’est pas le dieu de la guerre. Arès n’est pas responsable de cette guerre. Oui, film ! Très bien ! Après des propos manichéens hasardeux, tu développes finalement un propos intéressant. Eh oui : l’humain s’est foutu lui-même dans la mélasse dans laquelle il stagne. Il n’avait pas besoin d’une entité divine maléfique pour cela. La guerre, il la déclenche parce qu’il n’est pas fondamentalement bon, ni fondamentalement mauvais. Il est simplement gris. Et comme le dit Steve Trevor lui-même « tout ça, c’est de notre faute à nous tous », excluant ainsi l’unique responsabilité des ‘méchants’ allemands. Ouf. Ainsi Wonder Woman laisse l’enfant amazone naïve derrière elle et devient la combattante responsable qu’elle doit être, suite à cette claque royale administrée par la réalité.

Le combat final contre Ludendorf est simple, se cantonne à une échelle humaine et synthétise les procédés utilisés jusqu’à maintenant : ralentis, chorégraphie maîtrisée, équilibre. Voilà ! Enfin un film de super héros qui ne surenchérit pas en… Ah non, Arès existe vraiment en fait. Il est super puissant. Combat dans les airs. Explosions partout. Feu. Bim. Bam. Boum.

Bien sûr, le combat contre Arès n’est pas excessif. Contrairement aux combats finaux de BvS et Suicide Squad, il est même plutôt raisonnable. Toutefois il dessert le propos du film qui, pourtant, était devenu très intéressant. Alors certes, Arès explique qu’il n’a pas déclenché la guerre, seulement l’évolution technologique menant aux armes qui permettent de la mener. Mais il était donc tout de même impliqué, là où son absence totale aurait été l’argument final d’un portrait critique de l’humanité et de ce dont elle est capable dans sa bêtise. Finalement la nécessité d’un combat époustouflant et d’un discours sur la force de l’amour contre la haine l’ont emporté sur une volonté (non moins existante, laissons-lui cela !) de faire quelque chose de différent en tout point.

Verdict

À ce jour, Wonder Woman est de loin l’un des films les plus solides du DC universe. Consistant, identitaire, rythmé, il relance avec succès l’espoir et les attentes pour la suite des aventures des héros de la Justice League. On y ressent encore la signature DC, même si celle-ci s’efface au profit d’une casualisation ou, oserait-on le dire, d’une marvelisation. Loin d’être exempt de défaut, mais encore plus loin d’être mauvais, Wonder Woman se détache de la noirceur inhérente des films DC (au profit d’un peu plus d’humour), sans pourtant s’en délester totalement. Un avant-goût de la tournure que va probablement prendre le DCU : ni blanc, ni noir… au final, plutôt gris.

W.R.P.