Verdoyantes étendues, hauteurs gelées, forêts luxuriantes et déserts ardents sont autant de paysages qui cadrent l’exploration propulsant le joueur de The Legend of Zelda Breath of the Wild dans une envoûtante fascination enfantine.

Peut-on découvrir et apprécier un jeu de la franchise Zelda à l’âge adulte, sans n’y avoir jamais goûté en étant enfant ? C’est une question que je me suis souvent posée et à laquelle je ne peux pas apporter de réponse, puisque, comme on dit, j’suis tombé dedans quand j’étais petit. À l’heure où une grande partie de la culture pratique la surenchère (blockbusters plus tonitruants les uns que les autres tant au cinéma qu’en jeux vidéo), comment s’amouracher de la simplicité enfantine de Zelda ? Breath of the Wild semble être le candidat idéal pour intéresser les néophytes, car il rassemble ce qui fait l’essence de la série et le sublime.

Ode à l’enfance

The Legend of Zelda, c’est une ode à l’enfance, à ce qui en fait la beauté toute simple et fascinante. C’est la féérie et l’épique qui s’entremêlent avec une alchimie maîtrisée. De la forêt Kokiri au château d’Hyrule, en passant par le lac Hylia, le domaine Zora ou encore la vallée Gerudo, les contrées hyliennes sont habitées d’un onirisme si particulier qui, à mon sens, joue une belle part dans l’enfance de tout un chacun. La curiosité, deuxième grand moteur des petits aventuriers en culotte courte, est un autre ingrédient dans la recette mystique de chaque Zelda. Un ingrédient largement récompensé dans Breath of the Wild. Qu’y a-t-il au sommet de cette montagne ? Derrière ce grand rocher ? En bas de cette falaise ? Au cœur de cette forêt ? Il y aura toujours quelque chose : un coffre, un Korogu caché, un camp de bokoblin, une caverne à explorer, les ruines d’un hameau longtemps oublié, un sanctuaire, ou tout simplement, un paysage à vous couper le souffle.

De nos jours, beaucoup de jeux proposent aux joueurs d’évoluer dans leurs open worlds tous plus grands les uns que les autres. Si beaucoup sont de très bonne qualité, certains oublient leur raison d’être : un open world, c’est fait pour être exploré. Mais de nombreux jeux tuent dans l’œuf cette curiosité à coup d’objectifs fléchés, de trajectoires-guides, de GPS et autres marqueurs… Zelda réussit très bien là où les autres s’oublient : va mon enfant, va et découvre. Après un tutoriel long, mais lui-même plein de libertés, Link est lâché dans les grands espaces vertigineux d’Hyrule. Il peut alors aller au nord, mais aussi au sud, à l’ouest comme à l’est. Point de flèches, point de pointillés. Son seul guide : vos envies et votre curiosité.

Mais ce nouveau Zelda brille aussi par sa narration faite de non-dits ou de semi-dits. Vous reconstituez vous-même l’histoire à mesure que vous parcourez le monde, assemblant tel un puzzle les différentes pièces qui la composent. Une narration qui, seul petit défaut à mon sens, se passe un peu trop des sentiments de Link. Certes, notre petit Hylien tout de vert (ou plutôt de bleu) vêtu n’est que la projection du joueur dans les terres d’Hyrule, mais on regrettera tout de même l’absence d’émotions concrètes, comme le sourire hébété du Link de Wind Waker ou l’expression amoureuse de Link de Skyward Sword, affichées sur sa petite mine (bien trop mignonne d’ailleurs… **ahem**).

Inspiration

Breath of the Wild, c’est une bouffée d’air frais (pun intended). Un vrai rafraichissement vidéoludique et onirique, et même contemplatif. En cela, et par bien d’autres aspects, cet opus de la série Zelda se voit fortement (volontairement ou non) inspiré de l’œuvre Miyazakienne et plus largement des studios Ghibli. Les hautes herbes dansant sous la brise matinale, les vastes étendues sauvages hantées par de grandes créatures, une faune et une flore foisonnantes, un héros silencieux et solitaire, et le contraste entre technologie et nature sont autant d’éléments qui rappellent des œuvres comme Le Château dans le Ciel, Princesse Mononoke, et Nausicaa et la Vallée du Vent pour ne citer qu’eux.

La musique est différente de ce qui se fait habituellement dans Zelda, mais elle est très réussie à sa manière. Minimaliste, elle s’axe autour d’un instrument en particulier : le piano. D’aucuns regrettent le retrait de la musique, mais le choix artistique que ce changement représente est en accord complet avec l’ambiance générale de contemplation et de voyage de cette expérience.

Fascination

Lorsque j’étais enfant, je ne rêvais que d’aventures et de découvertes. J’ai eu la chance de grandir en campagne : je partais épée en main (c’était un bâton), avec mon chien, explorer les champs et les forêts qui entouraient ma maison. Je ne savais pas ce que je cherchais, je voulais juste découvrir, m’émerveiller… et l’imagination faisait le reste. Breath of the Wild accomplit ce dont j’ai toujours rêvé quand j’étais ce petit explorateur un peu timide et pas forcément très courageux. Il m’offre un univers riche, féérique et coloré à explorer avec toute la curiosité qui a bercé mon enfance. Il transcende, sublime, ce qu’Ocarina of Time (le premier jeu auquel j’ai joué de toute ma vie) avait déclenché en moi : cette passion, cette fascination enfantine pour la féérie d’un monde merveilleux, passerelle onirique vers les sphères si chatoyantes de l’imagination, que je ne cesserai jamais de nourrir et de chérir.

 W.R.P.