Il y a plusieurs mois de cela, quand le Web nous livra des vidéos de présentation et quelques extraits de gameplay de Little Nightmares, je fus immédiatement conquis et irrémédiablement attiré par ce jeu, son univers et sa patte graphique.

 

Nous sommes ici clairement en face d'un jeu de plateforme rappelant sans aucun doute possible des jeux comme Limbo, Unravel ou Inside. Little Nightmares à l’instar de ces jeux ne nous explique rien, nous précipite dans son univers unique sans aucun indice, aucune piste ni cinématique explicative pouvant éventuellement nous éclairer sur le sujet ou le but du jeu. C’est à nous, comme dans Limbo ou Inside de comprendre avec nos codes, notre culture ou notre instinct le fin mot de l’histoire. Little Nightmares ne déroge pas à la règle. Le jeu commence après une micro cinématique nous présentant une femme qui porte sur elle les codes vestimentaires de ce qui se rapproche le plus d’une Geisha (peut-être l'incarnation ou la représentation de l'image de la Mère), puis nous nous réveillons et prenons le contrôle de notre personnage.

 

Ce dernier, qui semble être une fille, sachant que rien nous le confirme si ce n’est son corps frêle d’enfant, voire sa démarche maladroite ou son allure générale, se réveille dans une valise sans autre explication. Quel est ce personnage étrange vêtu d’un ciré jaune ? Un enfant ? Un monstre au visage effrayant masqué par sa capuche jaune?
En fouillant sur le net j’ai pu mettre un nom sur ce personnage, qui ne sera jamais dévoilé durant le jeu : Six… Est-ce là une indication sur son âge, un numéro de code pour des expériences scientifiques effectuées sur des enfants pour décupler d’éventuels pouvoirs?… Mystère... De l’aveu des programmeurs ce jeu est une sorte d’allégorie sur le parcours qui nous mène de l’enfance à l’âge adulte, d’y illustrer la difficulté d’y parvenir et les peurs qui sont liées à ce changement de monde, à cet abandon du confort ouaté de l’enfance vers l’inconnu et la noirceur du monde des adultes, de leur cupidité, de leur avidité et de leur laideur intérieure et extérieure.

Évidemment tout ceci, vous le supputez en parcourant Little Nightmares et vous vous dirigerez progressivement vers cette explication, parmi tant d’autres. Six avec son imperméable jaune est ultra graphique et s’oppose au monde sombre et grisâtre qu'elle traverse. Telle une lumière d’innocence parcourant un monde dangereux, glauque, malsain et violent.

Les références sont multiples et variées. D'Another World, au mythe de Méduse, à BioShock, Silent Hill, au Voyage de Chihiro, à Jérôme Bosch, à divers films en passant par l’horreur ultime qui m’a sauté aux yeux, une référence pour moi claire et nette aux camps de concentration. J’aimerais avoir l’avis d’autres joueurs qui auraient fait ce jeu afin de savoir si le passage dans la pièce où sont entassés valises et tas de chaussures leur aura également fait penser à ces photos tristement célèbres sur lesquelles nous pouvions voir des entassements de valises, de chaussures ou de lunettes appartenants aux victimes des chambres à gaz… Ceci ferait sens ici, puisqu’illustrant parfaitement le mot cauchemar. À moins que ce soit simplement la représentation de la peur de partir, d’être abandonné. C’est ce qui est bien avec ce type de jeu, chacun y trouve ses interprétations et ses références…

Et il faut plutôt s’attendre à cela avec ce jeu : des éléments, ambiances ou références effrayantes plutôt que d'imaginer avoir peur comme dans un Survival Horror classique avec des jump scares à foison. L’horreur est tout de même là avec la présence de monstres difformes et grotesques. Certains rappelant les œuvres de Jérôme Bosch, Le Voyage de Chihiro ou Massacre à la tronçonneuse. Et c’est vraiment en leur présence que le malaise s’installe. C’est d’ailleurs à partir du moment où le premier de ces monstres surgit dans le jeu que Little Nightmares devient vraiment intéressant et se démarque de Limbo ou d’Inside. Durant les 20 premières minutes l’atmosphère est plutôt pas mal, graphiquement très plaisante et originale mais rien de transcendant ni d’unique. Jusque là je n’étais pas vraiment convaincu par le jeu. Puis au bout de 20 minutes, dès que le premier monstre surgit et nous menace, les énigmes commencent à devenir plaisantes et l’identité de Little Nightmares apparait enfin. Le cauchemar difforme et grotesque peut débuter.

À ce petit défaut de rythme où il ne se passe pas grand chose en début de jeu s’ajoute le véritable problème de Little Nightmares qui se trouve être sa maniabilité quelque peu hasardeuse, imprécise, non instinctive et qui pourra paraître brouillonne dans certaines situations délicates comme des phases de fuite stressante ou le franchissement de certains passages du décor très étroits.

Autre défaut qui tiendra plus de la frustration que de la maniabilité est la faible durée de vie. Certes compensée par un prix de vente plus qu’attractif, mais quel dommage de ne pas pouvoir profiter de ce petit bijou plus de 3 heures. Il devient intéressant au bout d’une heure, passionnant au bout de deux et addictif et unique au bout de trois… Je soulignerai une fin particulièrement jouissive accompagnée d’une BO prenant aux tripes et collant parfaitement avec cette dernière scène mémorable. Et tant que j’en parle, je soulignerai ici la qualité démentielle de cette BO justement, qui est pour moi l’une des meilleures de ce premier semestre 2017. Des mélodies dignes d’un film à gros budget avec des thèmes entêtants que je n’arrête pas de fredonner et de siffler depuis trois jours. L’un des très gros points positifs de ce petit bijou.

Little Nightmares, vous l’aurez compris n’est pas exempt de défaut mais ce jeu n’en demeure pas moins l’une des bonnes surprises de cette année. Il pourra très bien en énerver ou en frustrer certains, en décevoir beaucoup mais également en séduire et en marquer plus d’un. Little Nightmares si vous lui laissez sa chance risque de vous offrir des moments de grâce et vous réservera quelques moments hors du temps et complétement magiques. Un bon gros coup de cœur pour moi sans aucune hésitation.