Le Bioware next-gen

         Bioware est depuis longtemps,
grâce aux Baldur's Gate ou aux Neverwinter Nights, un développeur bien connu
des joueurs pc. Leur arrivée sur console a été plus tardive, avec d'abord Star
Wars : KOTOR sur Xbox, puis de manière beaucoup plus remarquée, Mass
Effect en 2007 sur Xbox 360 (il faut dire que la 2e console de
Microsoft jouit d'un succès bien plus conséquent que la précédente). Mass
Effect, c'est donc un peu la rencontre entre les developpeurs pc et le public
console, et c'est peut-être aussi ce qui explique la manière dont il a été
perçu.

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            A la
différence des classiques des RPGs occidentaux et des habitudes même de Bioware,
Mass Effect propose au joueur de délaisser l'Heroic-Fantasy au profit de la
Science-Fiction. On y découvre une humanité qui tente desespérement de trouver
sa place sur l'échiquier galactique, face à des races extra-terrestres peu
désireuses de partager leur pouvoir avec une espèce aussi jeune que la nôtre.
Dans ce contexte déjà tendu, le joueur incarne un soldat d'élite de l'armée de
la Terre, qui découvrira qu'une menace extérieure pèse sur l'ensemble des êtres
vivants de la galaxie, et devra tenter d'y mettre un terme. On apprécie l'idée
toujours rafraichissante de ne pas placer l'humanité au sommet de l'échelle, même
si le scénario s'avére rapidement l'occasion de démontrer que les hommes (et en
particulier le héros) sont les êtres les plus courageux et les plus brillants à
n'avoir jamais existé. Un « patriotisme racial » dont je me serais
personnellement passé.

            Quoique
classique, le scénario est très bien ficelé, et ne se dévoile que petit à petit
pour piquer à vif la curiosité du joueur. Il est porté par une mise en scène de
qualité, des graphismes réussis et une musique aux accents souvent épiques. Les
dialogues sont très dynamiques grâce à des expressions de visage travaillées et
un doublage réussi, ainsi que la possibilité de choisir ses répliques (de
manière toutefois un peu anecdotique par rapport à d'autres RPGs occidentaux).
Malheureusement, l'excès fait plusieurs fois disparaître ces qualités, et
certaines scènes semblent sorties d'un mauvais film à l'hollywoodienne. En
bref, Mass Effet est l'exemple typique de l'influence que peut exercer le
cinema sur le jeu video, que ce soit en bien ou en mal. Ce constat est renforcé
par l'accumulation des clichés au fur et à mesure de l'aventure : prenez
un univers de SF et de voyages spatiaux, ajoutez une civilisation perdue dont
les artefacts semés ici et là s'avèrent être des armes destructrices, et
saupoudrez de robots tueurs qui se sont rebellés contre leurs créateurs. Il
serait hypocrite de s'en offusquer au vu des standards des jeux videos, mais ça
reste regrettable, d'autant que la richesse du background fait espérer des
ressorts scénaristiques un peu plus inventifs.

            Car oui, au
delà de ces clichés, Mass Effect propose un univers interessant et surtout diablement
immersif, en particulier dans les premières heures de jeu lors de la découverte
de la Citadelle (sorte de capitale spatiale). Chaque terminal y est une mine d'informations
nous permettant de découvrir les rouages de la politique galactique, et toutes
les races qu'on y croise sont autant d'occasions d'en apprendre plus sur leurs
histoires respectives. On retrouve ce sentiment que peu d'œuvres de SF ont su
créer, à la manière d'un Star Wars : le spectacle de toutes ces espèces
étranges réunies en un seul lieu est pour le moins absurde, mais réussit à nous
plonger dans une ambiance originale, à la fois riche et exotique. Et c'est
certainement là ce qui aura marqué tant de joueurs : ces rencontres, cet
apercu de l'univers de Mass Effect, et la promesse de pouvoir le découvrir plus
avant au fil de ses aventures. Pourtant, en prenant du recul, cette promesse
est elle vraiment tenue ?

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La réponse à
cette question arrive malheureusement assez tôt dans le jeu. Non, puisqu'on est
pas libre d'explorer autant qu'on le souhaiterait. L'univers a beau être immense,
le joueur ne peut se poser que sur une poignée de planètes. Pire encore, les
PNJ y sont très rares, et les villes minuscules (quand elles existent). En
effet, la plupart de ces planètes ne sont que de vastes étendues vides à
parcourir en véhicule, sur lesquelles on ne fait que ramasser quelques minerais
et parfois accomplir une quête secondaire obtenue au préalable. En dehors de la
quête principale, le jeu est donc vite répétitif ; d'autant que par manque
de temps, les développeurs se sont permis de réutiliser plusieurs fois certaines
maps. On a donc souvent l'impression de parcourir indefiniment les mêmes lieux
pour les mêmes raisons.

En ce qui
concerne le système de jeu à proprement parler, commençons d'abord par la
création et l'évolution du personnage principal. Le jeu nous propose six
classes (dont la moitié ne sont que des associations des trois premières),
offrant chacune un arbre de compétence différent. Une approche classique, mais
qui réserve cependant une surprise de taille : la classe choisie n'influe pas
sur l'équipement du joueur. En effet, celui-ci se composera toujours, du début
à la fin du jeu, d'une armure et de quatre armes (pistolet, fusil à pompe,
fusil d'assaut, fusil de précision). Il sera possible de l'améliorer en cours
de jeu, et d'augmenter ses compétences dans l'utilisation de chaque pièce
d'équipement selon ses préférences (avec quelques restrictions de classe, le
soldat étant le seul à pouvoir maitriser toutes les armes et armures). Du coup,
si les différences entre les classes sont bien là, l'expérience de jeu reste
globalement la même. Pour les amateurs de Baldur's Gate ou de Neverwinter
Nights (pour ne citer que des jeux Bioware), le choix des développeurs est pour
le moins surprenant et peut même se réveler franchement décevant. Enfin, il est
également possible de choisir le background de son avatar ; cela n'influe
que très peu sur le déroulement du jeu, mais constitue une belle invitation au
roleplay.

Pour ce qui
est des combats, ceux-ci se présentent sous la forme d'un Third Person Shooter,
et donnent au jeu une orientation très ancrée sur l'action. On vise et on tire,
tout simplement. Les chances de toucher, les dégats infligés, etc... dépendront
quand même des compétences du joueur et de son équipement, un peu à la manière
d'un Fallout 3. On peut également mettre le jeu en pause pour utiliser ses
capacités de classe ou celles de ses alliés (recharger ses boucliers, tir de
précision, immobiliser l'ennemi, etc...). Cela dit, la difficulté étant peu
élevée, le joueur est libre de se dispenser de cette option au profit de
l'action en temps réel, les combats devenant alors agréablement dynamiques
(chose rare donc appréciable dans un RPG occidental). Il s'ensuit tout de même
que le jeu souffre de son manque de parti pris. Bien que la jouabilité soit
bonne, elle reste en deça de ce qu'on peut trouver dans les cadors du Third
Person Shooter, et l'aspect tactique est trop minimaliste pour représenter un réel
intéret.

 

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Pour conclure, la force du titre de
Bioware réside non seulement dans la richesse de son background et la qualité indéniable
de sa réalisation, mais aussi dans ce qu'il apporte sur un marché des consoles encore
peu familier du genre, ce qui lui a très certainement permis de se démarquer
(la création du personnage principal et de son identité, le coté roleplay des
dialogues...). Malheureusement, son univers sous exploité, la liberté réduite
et les combats dynamiques mais peu tactiques, font que Mass Effet constitue sur
ces points une déception par rapport aux précédentes productions Bioware. Un
bilan mitigé, avec autant de progrès que de régressions, qui suscite à la fois espoirs
et inquiétudes pour la suite de la licence.

 

NB: Evidemment, ce test serait maintenant à remettre en perspective avec la sorie du second épisode. Apparemment, dommage pour moi qui idolatre Bioware pour son talent en matière de RPGs, c'est le choix de l'action qui a été fait. Cela dit, l'essentiel est que les développeurs aient choisi leur camp, et cette nouvelle orientation des développeurs semble réussie d'après les premiers retours.