Sur cette génération de console, il y a des titres dont je comprends aisément pourquoi ils me sont chers au point où ils le sont. Je sais presque pointer du doigt l'élément qui m'a rendu accro, ce petit truc insignifiant qui va me transformer un excellent jeu ou un jeu banal en un jeu inscrit au scalpel sur mon cœur. La télé, le téléphone et Internet dans GTAIV, le poker de Red Dead Redemption, le Mako dans Mass Effect, les appartements dans Alpha Protocol...ces petits trucs qui font les grands.

Je suis dingue de Red Dead Redemption pour des dizaines de raisons. Mais le poker, surtout dans Armadillo, a été le truc qui m'a fait basculer et qui a changé totalement l'expérience globale. Pas parce que c'est du poker mais parce que j'avais l'impression d'y être, de jouer réellement toute la nuit...Pour chaque jeu que j'adule, il y a un truc comme ça.

Quand j'ai fini la saison 1 de Telltale's The Walking Dead, j'ai pris une claque dans la tête. J'ai pleuré comme un gosse pendant le générique de fin, chose qui ne m'était jamais arrivé devant un jeu vidéo. Depuis, à chaque fois que je repensais au jeu, que j'en parlais, que je suppliais mes deux compères des Trois Mousquetaires de les faire, j'avais cette musique de Alela Diane qui démarrait dans ma tête et une mélancolie indescriptible qui me remplissait au point de devoir faire autre chose vite pour ne pas plomber la bonne humeur qui est mienne par défaut. Pourtant, je n'arrivais pas à mettre le doigt sur ce petit truc propre au jeu ou à la manière dont il le faisait qui en fait un titre absolument marquant au fer rouge. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs je n'avais pas proposé de test personnel ou d'article dédié à ce titre qui le méritait et le mérite toujours tant. J'ai fini par trouver. The Walking Dead n'a pas de rejouabilité...DU TOUT.

Entendons-nous bien : techniquement, on peut initialement penser que le jeu se prête à plusieurs parcours pour voir les différents embranchements que l'on aura pu manquer. Malgré mon aversion globale pour le titre de Quantic Dream, c'est également ce que je m'étais dit pour Heavy Rain qui est soutenu en particulier par son absence de game-over qui constitue à mon sens la seule mais pour le coup brillante réussite du jeu. Seulement en le proposant comme jeu de la soirée gaming entre amis, je me suis rendu compte que les choix ne m'apparaissaient pas si impactant ou si...choisis qu'ils m'étaient apparu au premier abord et c'est là que TWD prend la formule et en maximise l'effet.

Parce que j'ai refait Heavy Rain ; pour voir d'autres fins, pour faire quelques trophées...et il y a quelques heures, j'ai téléchargé de nouveau The Walking Dead, voulant recommencer le titre et je n'ai pas réussi à le lancer. Je n'ai pas pu parce que dans The Walking Dead, il n'y a qu'un seul chemin, qu'une seule histoire, qu'une seule fin, qu'une série de pertes de drames : les miens. Je n'ai pas pu recommencer le jeu parce que la simple idée de ne pas revivre strictement la même chose qu'à mon premier parcours me semble impensable. Ma tête me dit que je ferais sûrement globalement les mêmes choix même si sans doute sur des choses mineures je ne dirais pas exactement la même chose. Mon cœur me dit que ce serait l'effet papillon. Ce serait comme regarder un film de famille mais avec des phrases différentes...une torture pour le cerveau.

Je ne me souviens pas précisément de ce que j'ai dit, mais je sais que je ne pourrais pas le dire autrement sinon rien ne serait plus pareil...

Voilà où se trouve la spécificité de TWD. À aucun moment je n'ai su déceler quelle phrase ou acte à changé quoi. À aucun moment je n'ai su déceler quel acte ou phrase aurait pu changer quoi. Dans aucun autre jeu je n'ai eu cette sensation d'avoir choisi mais en étant pas sûr que cela ait changé quelque chose et inversement de voir un acte cruel ce produire sans avoir eu la sensation que j'aurais pu l'empêcher. À ce niveau là, TWD est à des années lumières de Heavy Rain, de Mass Effect, de Alpha Protocol ou de tout autre jeu à choix multiples. Ce n'est pas que les embranchements sont invisibles, c'est qu'il ne semble pas y en avoir ; à aucun moment je n'ai choisi autre chose que ce qui m'apparaissait pleinement raisonnable ou envisageable.

Il m'a fallut ça pour le réaliser. Des mois à y repenser de temps à autre, une envie d'y retourner et ce choc de rester bloqué devant l'icône du jeu en me disant « mais qu'est-ce que je fais là ? ». Alors je ne vais pas refaire cette saison une pour les raisons que j'ai évoqué : je ne veux pas en modifier une seule seconde. Par contre je vais demander solennellement à Telltale d'inclure une option dans la seconde saison : un replay. Je voudrais que pour la saison 2 le jeu puisse sauvegarder les inputs du joueur de manière à pouvoir reproduire ses actions à l'identique.

Je ne suis pas en train de sous-entendre que regarder un replay pour quelqu'un qui n'a jamais joué aurait un impact quelconque, encore que la qualité d'écriture du jeu puisse suffire. Même si les interactions sont limitées, The Walking Dead se vit par la prise de décision rapide et les discussions posées, par la réflexion solitaire et l'action désordonnée. Il faut y jouer pour comprendre à quel point cette interaction est fondamentale. En revanche, je pense qu'un mode replay permettrait à tout le monde (et pas seulement à ceux qui peuvent capturer leur jeu en vidéo) de pouvoir revivre leur aventure avec tout ce qu'elle comporte d'erreurs et de certitudes balayées. Tout ce que j'attends de cette saison 2, c'est qu'elle soit tout aussi in-rejouable (le vilain néologisme) que la première, mais qu'on puisse se la remémorer tout de même de temps à autre.