Vous savez....je ne suis pas trop du genre à envoyer des gnons dans la tronche de la presse. J'ai fait un article très court récemment qui est une introduction pour un autre qui se voudra plus large sur la situation de la presse de jeu vidéo. Je tiens donc immédiatement à mettre quelque chose en grand ici : JE NE VISE PERSONNE. Les exemples que je vais prendre seront tirés de Gameblog.fr parce que c'est le site que je connais le mieux (je lis le contenu, j'écoute les podcasts, je regarde les vidéos-tests ou interviews etc...) et que ça parlera forcément plus à tout le monde que si je prenais n'importe quel autre site. Donc, de grâce épargnez le troll facile sur le dos de Gameblog en particulier. Mon but n'est absolument pas de pointer l'équipe du doigt. Je préférais prévenir.

Tout a commencé il y a un mois. Dans un forum de Gameblog, je suis retombé sur une vidéo de AngryJoe, une sorte d'AVGN post-retrogaming. Ce youtubeur de grand talent a mis un point d'honneur à être le porte parole des joueurs et un contrepoint à une presse (américaine en l'occurrence) qu'on peut juger uniformisée. Il n'est pas rare de voir, dans un épisode du Angry Joe Show, une complainte hurlée passionnément sur une politique éditoriale douteuse ou une finition de jeu au ras des pâquerettes. Contrairement à ce que ses interviews ou sa notation pourrait laisser penser, Joe n'est jamais agressif sans raison. Il fait simplement le travail que devrait faire normalement un journaliste (ce qu'il n'est pas) à savoir poser des questions qui fâchent. Quand il part à la rencontre du lead-designer de Fable et Fable II pour parler de Fable III, sa première question est : « Will coop-mode suck ? » (« Est-ce que le mode coop va craindre ? ») sous-entendu comme celui du second épisode. Bref, loin de moi l'idée de chanter ad nauseam les louanges de ce gars que je trouve tout simplement formidable, je voudrais surtout soulever ici un point qui, de plus en plus, m'apparaît. Certains d'entre vous auront déjà réagit depuis longtemps et diront qu'il est temps de se réveiller. C'est ce que je fais par l'intermédiaire de ce billet.

À force de parcourir l'ensemble des vidéos de Joe que j'ai loupé depuis pratiquement trois ans, j'ai fini par m'attarder sur une vidéo en particulier qui est l'exposition flagrante d'un manque aberrant de la presse vidéoludique. Cette vidéo est la suivante :

Dans cette vidéo, Angry Joe s'écorche les cordes vocales à propos de Ultimate Marvel VS Capcom 3. Pas plus que d'habitude quand il tombe sur un mauvais jeu, cependant. Pour remettre le contexte, il faut dire qu'à la sortie de la première version de MVC3, il y avait eu un vaste débat autour de la présence de contenu ingame déjà présent sur le disque mais ne pouvant être débloqué que via un paiement d'un ou plusieurs ''DLC'', chers qui plus est. Je met des guillemets à DLC, parce que pour le coup, il n'y a rien à télécharger et qu'il ne s'agit donc pas à proprement parler de DownLoadable Content. Capcom était déjà coutumier du fait puisque Resident Evil 5 avait déjà subit cette politique éditoriale pour le moins dégueulasse ; le jeu s'était retrouvé avec un double débat, à la fois sur sa qualité intrinsèque et sur son enrobage et son merchandising.

Il y a une chose vraiment importante dans la vidéo. À 6:48, il dit : « DON'T LET THEM DO THIS !!! Do NOT buy Ultimate Marvel VS Capcom 3 ! ». Précision importante, cette vidéo n'est pas une Angry Review, c'est-à-dire un test comme Joe les appelle. Non, il s'agit d'une vidéo-blog de rant que l'on pourrait traduire par diatribe. Pourtant, alors qu'il ne teste pas le jeu, Joe dit de manière explicite « N'achetez pas le jeu ! » et ce pour la simple raison que la politique éditoriale est honteuse et que la nouvelle mouture, incluant 12 nouveaux personnages (dont une partie qui ne sert à rien), un rééquilibrage (qui aurait pu être fait par patch) et un mode de jeu (qui devait arriver en DLC gratuit pour la première version) n'en vaut pas la peine surtout à 40$. Dans une autre vidéo de diatribe dédiée à Street Fighter X Tekken, Joe revient encore sur cette politique éditoriale de Capcom en signalant tous les mensonges purs et simple que la compagnie a pu faire aux joueurs : principalement, la version 360 qui n'a pas de mode Tag local (deux joueurs sur la même console) jouable online, alors que la version PS3 a ce mode et que dans le même temps Mortal Kombat propose la feature sur les deux consoles ; également une version Vita avec 12 personnages en plus que les versions de salon et pour 20$ de moins (sans explication quelconque).

Ce qui m'importe ici, ce n'est pas le fait que Joe s'énerve (légitimement) sur cette politique. On trouve tous que c'est absolument dégueulasse et il est bien normal de s'en préoccuper. Si un youtubeur (influent ou pas) porte sa voix contre ce genre de pratique, c'est toujours une personne de plus pour sommer les éditeurs de ne plus nous prendre à ce point là pour des cons. En revanche, ce qui me préoccupe, c'est que PERSONNE de la presse (française en tout cas) n'a déconseillé à l'achat de manière claire ni de MVC3, ni sa version Ultimate, en tout cas pas pour des raisons "militantes". Et surtout, les notes restent très élevées...

 

GAMEBLOG

Le test fait mention des DLCs abusifs mais la note reste de 4/5 et le texte est globalement élogieux. En revanche on note que Mimic fait une contrindication: "Mais de là à passer à la caisse encore une fois, franchement, la réponse est non". Ce qui me pose problème ici, c'est que la contrindication est plus pour éviter aux joueurs de perdre de l'argent (ce qui est parfaitement louable) mais pas vraiment pour dénoncer la politique éditoriale en elle-même et surtout la répétition de cette politique.

 

JEUXVIDEO.COM

Un autre test dans le même genre. On confirme que c'est la meilleure version, mais que ceux qui possèdent déjà l'ancienne n'ont pas besoin de l'acheter. En revanche on ne contrindique pas le jeu pour des raisons militantes.

 

GAMEKULT.FR

Idem que les deux précédents, en plus mou si j'ose dire. Le test indique même que "cette mouture Ultimate vaut clairement le détour (...)"

 

JEUXVIDEO.FR

Seul site à baisser la note en conséquence pour le possesseur de la mouture précédente, le test reste assez modéré face à la politique de Capcom sur le jeu.

Il est toujours sous-entendu ou dit que le jeu manque de contenu, que les DLC sont trop nombreux ou trop chers. Par contre, il n'existe à ma connaissance aucun gros site de jeu vidéo qui est clairement dit que la version Ultimate de MVC3 ne devait pas être achetée, quand bien même son contenu est famélique et surtout aurait pu être apporté via des patchs ou DLC gratuits du titre, en particulier le rééquilibrage. Pour être parfaitement honnête, TigerSuplex qui a réalisé le test et le vidéo-test (en compagnie de Mimic) pour le premier MVC3, note dans les points négatifs que les DLC sont un problème et surtout mentionne vraiment le fait que la politique de Capcom envers le contenu du jeu est un argument rédhibitoire potentiel. À vrai dire, il le signale à l'envers, dans le vidéo-test notamment, en disant : « Si ça ne vous pose pas de problème de payer cher les DLCs, allez-y ».

Dans un autre genre, les podcasts sont l'occasion de vider un peu plus son sac (encore que) et souvent, on entendra la rédaction se plaindre de telle ou telle pratique ou relayer les complaintes de joueurs qui font le buzz, comme par exemple le placement très douteux des missions de Catwoman dans Batman Arkham City. Cependant, il n'y a jamais de réel appel au boycott ou inversement au soutien de certains titres et ça, c'est très problématique. Pourtant, il n'est pas rare d'entendre JulienC clamer que personne ne tranche dans le jeu vidéo (quand il défend David Cage ou Warren Spector, c'est un argument qui revient). Où sont donc les journalistes de jeu vidéo quand on aurait besoin qu'ils clament leur désaccord au côté des joueurs?

L'argument principal pour expliquer cet état de fait serait le suivant : la presse vidéoludique n'a pas vocation à dire « achetez » ou « n'achetez pas » tel ou tel jeu, simplement elle donne un avis critique sur le jeu avec plus ou moins d'objectivité ou de subjectivité selon la ligne éditoriale. Ce qui est jugé c'est le jeu, ce qu'il est, ses mécaniques, son fonctionnement, l'expérience qu'il procure et pas l'enrobage qui va autour ou la façon dont il est vendu. Et là je dis « DE LA MERDE! ».

À partir du moment où une politique éditoriale va à l'encontre de l'expérience de jeu, la dégrade ou l'améliore, elle fait partie intégrante de l'appréciation du jeu et elle doit s'en ressentir sur la note. Que Bethesda ait proposé un DLC de cheval en armure payant pour Oblivion, c'était ridicule mais en soit, ça ne changeait pas le contenu gargantuesque du jeu au moment de sa sortie. Par contre, quand Capcom propose un UMVC3 avec un ensemble de personnages inférieur en terme de taille à MVC2, le tout en n'intégrant même pas deux personnages qui étaient disponibles en DLC pour la première version du jeu, c'est simplement scandaleux et le jeu ne doit pas être conseillé à part pour les fans de niche qui ne jouent qu'à ce jeu et qui, contre mauvaise fortune bon cœur, bénéficieront du rééquilibrage.

Vous savez que le pire dans cette histoire, c'est que MVC3 ou UMVC3, j'en ai juste rien à faire. Je ne joue pratiquement pas aux jeux de combats. Ce que je ne comprends pas, c'est que la presse, qui a tout de même un rôle de sanction (si la note est basse, ça freine les ventes pour une partie du public), laissent passer ce genre d'action lors du test du jeu. C'est très bien d'en parler après coup, de faire des éditos pour dénoncer l'erreur 37. Mais quand le jeu, à sa sortie, est buggué et/ou inaccessible pour le joueur, ou que par un miracle éditorial, la moitié du contenu est passé à la trappe pour apparaître vraiment dans une version Game of the Year moins d'un an après, le jeu ne devrait pas avoir seulement un test élogieux parce que ludiquement, quand il marche, il est bon. La note et le texte devraient souffrir de ce genre d'attitudes.

C'est au moment des ventes du jeu que la presse devrait vraiment l'ouvrir! Pas des semaines ou mois après quand le jeu marche enfin. Ça devrait être interdit de mettre une note au dessus de la moyenne à un jeu que beaucoup ont payé mais auquel ils n'ont pas pu jouer immédiatement après achat.

JulienC nous rabâche les oreilles avec « l'achat est un acte militant ». Je suis entièrement d'accord. Seulement si la presse vidéoludique refuse de prendre sa responsabilité en mettant de manière VISIBLE un vrai signe que le jeu doit ou non être acheté et à quel prix idéalement, alors elle est responsable à moitié des achats de jeux qui favorisent ou confortent les éditeurs dans leurs pratiques honteuses. Si la presse échoue à cette tâche qui est la sienne au même titre que l'information, cette tâche d'empêcher l'achat de mauvais jeux, qu'ils le soient intrinsèquement ou à cause d'une politique éditoriale putassière, alors elle n'a vraiment pas d'intérêt pour le public. Personnellement, à partir de maintenant, si je dois faire une critique d'un jeu et que j'estime que la politique éditoriale est un frein (comme pour UMVC3) ou un moteur (comme avec les DLC gratuit de Burnout Paradise) à l'achat d'un jeu, j'en ferais mention dans mes propres critiques amateurs. Et je préciserais aussi si le jeu vaut le prix moyen demandé...ce n'est rien dans l'absolu parce que je n'ai aucun pouvoir décisionnaire sur personne, mais au moins j'aurais l'impression d'aller dans le bon sens. Capcom a fait un pas en arrière en promettant de changer sa politique concernant les DLCs. Ce n'est pas grâce à la presse et j'aimerais beaucoup que la prochaine fois, ça le soit.