La plupart des screenshots viennent de Jeuxvideo.com. Je joue au jeu sur Xbox360, installé sur clé USB.

Avant propos:

Un visage en 3D précalculée éclairé d'une couleur bordeaux. Quelques notes de hautbois enfilées sur une partition par Nathan McCree. Il ne m'en fallut pas plus pour savoir que Lara serait une femme importante pour moi, du haut de mes sept ans à l'époque. Tomb Raider, depuis 17 ans et sa sortie conjuguée au plurielle sur PC, Sega Saturn et PlayStation, c'est une de ces rares sagas que j'ai poursuivi d'années en années, de générations en générations. Un tel mariage, consommé depuis le second opus, ayant découvert en son temps le premier en regardant mes cousins jouer, un tel mariage disais-je, aussi long et indéfectible put-il être, fut entaché de hauts et de bas. Je suis toujours resté fidèle à Lara, dans la joie comme dans la peine. J'ai subit les innombrables bugs du troisième opus, en pardonnant à un jeu infranchissable sans code de triche. J'ai payé de ma personne et de mon porte-monnaie lorsque l'enfant terrible qu'était L'Ange des Ténèbres a finit par voir le jour. J'ai soutenu toujours Lara dans sa perte de poids mammaire pour les besoins des scènes d'action de Legend. Entre temps, j'ai même cautionné deux films la mettant en scène dans des séquences qui empiètent de manière aussi nanardesques que géniales sur un territoire purement masculin du film d'aventure et d'action. Et puis la renaissance de notre amour, il y a de cela quelques années m'a rappelé qu'après la tempête, le Soleil n'est jamais loin. Tomb Raider Underworld m'a fait voyager comme rarement. Je n'oublierais notamment pas ces longues plongées sous-marines en quête de reliques. Car s'il est bien une exception concernant la nage vidéoludique, globalement source de stresse et/ou d'ennui, c'est bien cet Underworld.

Tout cela pour dire que sans être le fan absolu de Tomb Raider, capable de citer toutes les destinations de l'archéologue anglaise a parcouru dans l'ordre chronologique de sa vie ou des sorties des différents addendum à son histoire, je reste ce joueur pour qui elle a compté et comptera probablement toujours et qui sans relâche a acheté ses apparitions publiques dès leur sortie respective. J'ai donc une certaine idée de qui est Lara Croft et de qui elle n'est pas. Son extrême sexualisation qui a souvent fait penser qu'elle était avant tout une bimbo débile n'a en fait toujours été qu'un leurre. Alors qu'elle est physiquement le miroir des héros masculins de jeu vidéo, qui poussent jusqu'à la caricature le concept de forme physique, elle a toujours été beaucoup plus intelligente que ses collègues. Parce que Lara Croft, au delà de son bonnet D, c'est une intellectuelle à la voix suave (en français toujours), au caractère trempé et à la volonté sans faille...tout l'inverse de la femme dans le jeu vidéo au moment où celle-ci arrive en 1996.

Forcément, quand s'annonce un reboot de la franchise avec en star une nouvelle incarnation de la fatale Lara, devenue alors reine de la minauderie qui à 18 ans quitte sa province bien décidée à conquérir sa vie*, je me pose des questions légitimes. On nous dit qu'on va voir comment Lara est devenue Lara Croft (sans chirurgie esthétique) en passant par diverses atrocités et on évoque même la tentative de viol avec effraction. Surtout, on nous montre des choses qui ne me rassurent pas. Aimant la solitude des temple mayas, je me vois fort marri de constater la capacité hallucinante de cette nouvelle donzelle à se mettre dans les plus belles emmerdes qu'on puisse imaginer avec toutes sortes de renégats...comme un certain Nathan Drake. Quand est-il au final ? Excellente question.

Ma critique qui critique...

"Less boobs, more pain!"

Cassons immédiatement ce suspens qui n'a que trop duré, ce nouveau Tomb Raider est un bon produit. Alertes comme vous êtes, à me lire tard dans la nuit alors que je publie à peine ou au petit matin histoire de vous rendormir dans vos céréales, vous aurez noté l'emploi du terme « produit ». Car qualitativement, en tant que produit d'une entreprise (SquareEnix) qui cherche à faire des bénéfices en employant un prestataire de service (Crystal Dynamics) pour réaliser ce produit, Tomb Raider est bon. Si l'on regarde factuellement, ce que j'avais entamé de faire dans mes premières impressions, ce nouveau TR (abrégeons abrégeons) est plutôt beau. La modélisation des personnages juste satisfaisante est largement contrebalancée par les animations travaillées, bien que manquant d'un tout petit peu de liant par endroit. Les décors vastes et ouverts à la vue sont un appel à la contemplation ; les éclairages et effets météorologiques participent à l'ambiance globale du titre qui sur la partie graphique s'en sort donc plus que correctement.

Au niveau du gameplay, on trouvera également peu de chose à redire, d'autant plus si l'on apprécie les tribulations drakiennes. Le jeu est calibré pour de la plateforme simple où le chemin que l'on emprunte est plus important que la difficulté qu'on aura à le parcourir. Les fusillades sont intuitives et si clairement le jeu n'invente rien de particulier, on sent que les développeurs ont mis tout leur cœur à une œuvre bien glauque mais au fond habituelle dans notre média, celle du meurtre jouissif. Entre le planté de flèche dans la pomme d'Adam, les finitions à coup de piolet dans le crâne, ou les éclats de chevrotine à bout portant sur un malheureux aux aboies, clairement le joueur pourra ne pas faire dans la dentelle. Ceci étant dit, il serait mal venu de ma part de ne pas mettre une petite pièce pour ces fameuses fusillades qui déjà sont plaisantes mais qui surtout donnent souvent (pas tout le temps) l'engagement au joueur. À ce dernier de voir s'il tente la manière forte, semi-forte ou à l'ancienne, pour l'amour du dégoût (ça c'est pour mon sponsor Amora). En somme, plus que dans son modèle Uncharted, Tomb Raider propose de temps à autre de la jouer un peu plus fine et d'achever ainsi rapidement des échanges de plombs en étripant discrètement la moitié de l'effectif adverse.

Une violence exacerbée...

...de bons gunfights.

La jouabilité est donc dans la droite lignée d'un Uncharted avec simplement la mise à couvert automatique (qui fonctionne étonnamment bien) et un ajout d'un tout petit peu de poids sur Lara. On trouvera donc aussi comme son modèle des séquences de courses à pied explosives et scriptées et de temps à autre quelques QTE, ma foi assez rageants pour ma part.

La structure du jeu, elle, est plus sujette à débat. Si on sent l'influence de Naughty Dog dans le déroulement très hollywoodien du titre quand on passe sa seconde moitié, globalement le jeu est construit ainsi : Lara traverse des niveaux plus ou moins grands et doit aller de l'entrée du niveau à sa sortie pour atteindre la cinématique suivante. Entre les deux elle participe soit à quelques énigmes, soit à une ou plusieurs fusillades ou séquences plus discrètes. Chaque niveau ou plutôt zone propose un feu de camp qui servira à voyager de zone en zone et surtout chaque niveau propose une somme d'objectifs secondaires basés sur de la recherche d'objets. On alterne donc entre plateforme, gunfight et exploration si jamais on s'intéresse à la cueillette de champignon. Tout cela est saupoudré d'un tout petit peu de Metroid. Le rythme est tout de même plus doux qu'un Uncharted. Tomb Raider n'est réellement un TPS qu'à certains moments et d'ailleurs les deux passages qui forcent le combat un peu trop violemment se trouvent être les deux plus crispants en terme de jouabilité. Le tout se fait entre 8 et 12 heures et peut être continué une fois le scénario à bout pour chercher les objets manquants.

Le moment où Tomb Raider devient réellement un TPS, c'est lorsque le joueur décide de passer au mode multijoueur. Ici encore, aucune surprise. Le jeu n'invente strictement rien et fait le minimum syndical en terme de modes de jeux et de features. Combat en équipe (5VS5), chacun pour soit, capture et défense de trousse de soin (CaptureTheFlag) et prise en main d'émetteurs radio (KingOfTheHill) ; rien de rafraîchissant dans les menus. En revanche, une fois la partie lancée, on se surprend à apprécier les deux trois ajouts très bien vus à ce qui serait sinon encore une fois, le Uncharted de 2013. La jouabilité se prête très bien à des joutes en arènes et le jeu, grâce à quelques pièges taquins et une architecture des maps au moins solide et parfois ingénieuse, devient un vrai plaisir en ligne.

Le multijoueur est bien drôle. C'est dommage qu'il y ait si peu de modes et de maps. Au moins ce qui est fait est bien fait.

Dans tout cela, j'ai avant tout mentionné des choses techniques : graphismes, jouabilité, durée de vie, structure, modes de jeu. Tout cela est dans l'ensemble bon pour les standards actuels du jeu d'action/aventure classique. Si j'ai mentionné à moult reprise la trilogie de Naughty Dog c'est simplement parce que, bien que j'en doutais dans mes impressions, ce Tomb Raider tape clairement dans la même frange de joueurs et appuie sur les mêmes stimulus en cochant case par case une liste de ce qu'il faut faire pour faire un Uncharted ailleurs que sur PlayStation 3. Seulement, on pourrait aller un peu plus loin.

 

Pour commencer, si Crystal Dynamic s'en sort pas mal sur le plan technique, sur la reproduction de produit, on doutera de la suffisance de ce qui reste un talent (savoir imiter de manière correcte n'est pas si simple...hein IO Interactive) pour faire un jeu marquant. Tomb Raider, ce Tomb Raider là, le reboot n'est pas un jeu marquant. Le premier endroit où il pêche, c'est clairement sur son univers. Alors que j'exprimais la neutralité de mon sentiment face à sa trame principale qui une fois finie ne vole pas plus haut ou plus bas que les autres volets de la saga, je suis en revanche clairement vindicatif devant le traitement des personnages et la façon de raconter l'histoire.

Les personnages sont tous oubliés dans la seconde où ils nous apparaissent. Plus que leur design générique mais agréable à l'œil, leurs personnalités en mousses ne feront échos qu'aux amateurs de films de genre et particulièrement de slasher. Le jeune binoclard secrètement amoureux de l'héroïne, le professeur pétochard, le gros mais sympathique, la black en colère, le vieux supposément increvable et le sage qui vous a dit une fois un truc (mais si, comme dans la phrase « Je me souviens, une fois il m'a dit... »). On se croirait devant le casting de Urban Legend voir même de Komodo VS Cobra.

Un nombre impair de femmes, plus d'hommes que de femmes et de la minorité ethnique...

Là où ça devrait devenir intéressant en un sens, c'est que Lara subit le même traitement. Dans un slasher où le héros est une héroïne (Scream, Friday the 13th, Halloween, The Last House on the Left...), il y a deux moments :

-D'abord, l'héroïne est embarquée dans une situation où elle n'est pas, à première vue, la plus apte à se défendre. Elle subit des violences physiques (le viol dans The Last House on the Left) ou morales (le meurtre de ses amis dans le remake de Friday the 13th) et peut même finir séquestrée par le ou les tueurs qui prendront un à un les autres membres du casting.

-Ensuite, elle trouve la force soit d'échapper à son ou ses agresseurs, soit de les mettre hors d'état de nuire.

Dans son traitement de l'histoire et de son héroïne, Tomb Raider est écrit avec des poncifs de films d'horreur. La référence explicite à The Descent qui dure pratiquement un niveau en est le parfait exemple. Ce qui pose problème plus que cet état de fait, ce sont deux choses.

Il y a une partie d'un niveau qui prend énormément à The Descent de Neil Marshall.

Le design de Lara est d'ailleurs très semblable. D'autres restes de cette probable volonté initiale de se tourner vers le glauque et l'horreur sont trouvables dans les premiers artworks du jeu où apparaissent des monstres qui rappellent les nécromorphes de Dead Space.

D'abord, la démarche n'est pas suivie jusqu'au bout. La Lara Croft rebootée n'est pas une bonne héroïne de film d'horreur, quand bien même elle passe par le même cheminement. Son caractère n'est pas assez trempé dès le début. Si elles ne commencent jamais aussi fortes qu'elles le deviennent à la fin du film, Neve Campbell dans Scream, Jamie Lee Curtis dans Halloween ou Amanda Righetti dans Friday the 13thcommence en ayant déjà du caractère. Sans être des dominatrices, elles ont du bon sens, de la jugeotte et une forme de débrouillardise qu'elles mettent à l'emploi pour survivre et serrer les dents. Lara est en revanche d'une maladresse et d'une bêtise désespérance pendant 80% de l'aventure.

Tous les éléments sont là...mais non.

Dès que le joueur ne la contrôle pas, en plus de jouer de malchance, elle ne réfléchie jamais une seconde à ce qu'elle va faire. Elle se détache d'un piège à 10 mètres de hauteur et s'étonne de finir le dos explosé au sol. Elle geint de se faire emporter dans un rapide, alors qu'une seconde avant elle sautait sur une carcasse rouillée et instable d'avion. Elle meurt de froid dans les cinématiques, mais ne prend jamais la peine de ramasser un manteau sur le corps d'un des cinglés qu'elle achevé une seconde avant. En plus donc de l'effet château de carte de Nathan Drake qui fait s'effondrer des temples sous son poids (léger), la Lara Croft nouvelle se permet d'y ajouter une forme d'idiotie d'adolescente, le tout sans aucun second degré. Là est aussi le problème, dans les slasher comme dans les Uncharted, il y a toujours une forme de dérision plus ou moins assumée qui relâche l'appréciation du spectateur/joueur et le rend plus indulgent au grand-guignolesque.

L'autre problème donc, c'est que les développeurs n'ont pas su prendre le partie de ce scénario de série B pour en faire un vrai objet de collection à ranger dans l'étagère survival/horror. Une héroïne maltraitée qui devient un monstre de puissance. Au lieu de ça, on se retrouve avec un scénario qui n'arrive pas à lier avec sa volonté de grand spectacle, l'intimisme très claustrophobie ou solitaire que réclame l'horreur. Le cul entre deux chaises, ce reboot l'est bien. Seulement ça n'est pas tant entre le reste de sa saga et Uncharted, mais plus entre The Descent et Lara Croft : Tomb Raider (la première adaptation).

Comme on pouvait s'y attendre, le manque de second degré et d'humour provoque une vraie circonspection devant ce genre de séquences qui passe plus aisément dans l'univers coloré et plus relax de Uncharted.

Pour finir sur ce carcan pour le moins raté, Tomb Raider souffre de mettre en opposition sa structure de jeu et son déroulement. L'aspect Metroid-light et la quête d'objets sont en complète contradiction avec la recherche permanente de survivants qui tend le scénario pratiquement sur tout son long. Seul un ou deux temps morts laissent supposer que Lara pourrait s'occuper à autre chose. Chose très intéressante en revanche et à la fois parfaitement dommageable, Tomb Raider arrive à faire renouer sa Lara avec celle qu'elle a été...après le générique de fin. En effet, une fois l'histoire terminée, les derniers mots de Lara sont : « Je ne rentre pas à la maison ». Le joueur se voit alors offrir la possibilité de continuer sa partie pour trouver l'ensemble des objets qu'il a laissé traîner. Si en soi, cette activité est laborieuse et sans grand intérêt ludique, il est intéressant de voir que ça nous transmet l'image d'une Lara qui a comme noté tout ce qu'elle avait vu, même furtivement durant ses déboires et qui cherche à déceler et à déchiffrer tous les secrets de l'Île. Dans cette optique, j'en viens même à me dire que quelque chose de ludiquement plus intéressant avec mettons, un camp où Lara devrait ramener ses reliques et les analyser pour découvrir des informations cachées, auraient transcendé cette fin qui pour le reste de la saga fait sens et pour cet opus apporte enfin une personnalité à Lara, à savoir la même qu'avant.

 

Tomb Raider est donc un jeu à double face. Si l'on y cherche le grand spectacle de surface, la réussite plate et technique, le jeu se laissera faire sans sourciller. Beau, aisé à prendre en main mais bon en sensations, on prendra un certain plaisir à le parcourir en solo comme en multijoueur. Il apportera pour les joueurs PC et Xbox360 une alternative intéressante sur le plan du gameplay à la proposition de Naughty Dog exclusive à la PlayStation 3. Maintenant sur le fond et l'histoire, le jeu laisse perplexe. Partant sur une idée peut-être saugrenue pour certains mais pas forcément idiote de radicalement changer de genre (cinématographique finalement), passant de l'aventure à l'horreur, Crystal Dynamics manque le coche. Pas assez jusqu'au-boutiste dans la refonte, le studio a préféré taper dans un genre pour le gameplay et dans un autre pour l'histoire donnant à la fin un micmac dont rien de vraiment bon ne ressort. Les stéréotypes ne sont pas utilisés judicieusement, l'héroïne est trop fade et pleurnicheuse et le tout ne s'accorde pas à la structure globale qui supposerait du temps pour la recherche quand Lara est dans un rush permanent. Finalement, le plus grave dans ce Tomb Raider, ce n'est pas d'avoir fait un jeu juste bon pour les standards actuels. Le plus grave c'est d'avoir à la fois loupé la refonte de Lara et de nous obliger à attendre l'après générique de fin pour retrouver l'ancienne...

*Oui je fait des références à Aznavour dans mes tests ? Qu'est-ce qui se passe ? T'as besoin d'un problème ?

PS: Je vous conseille aussi la lecture des critiques de NemesisPGBirganj et de Cinemax.