Je me souviens parfaitement du jour où j'ai entendu parler de GTAIII pour la première fois. J'étais en vacances en Normandie chez mes cousins et l'un d'entre eux m'a dit, lorsque j'entamais une partie de Driver 2 : « J'ai lu dans Console+ qu'ils allaient faire un GTA en 3D comme ça... ». On est en 2000 à ce moment là et je n'en crois simplement pas mes oreilles. Immédiatement, la machine à rêve se met en place et je m'imagine pouvoir parcourir une vaste ville en 3D, comme dans Driver, mais surtout pouvoir sortir, tirer dans la rue, le tout avec la puissance graphique de la PlayStation 2 qui vient de faire son entrée fracassante au Japon et qui arrive sous peu pour les fêtes de fin d'année aux États-Unis et en Europe...et puis j'oublie.

Une idée qui fait rêver!

J'oublie parce que la PlayStation 2 sort à un prix exorbitant pour moi et que son line-up ne me séduit pas ; j'en profite même pour me moquer, par jalousie aussi sans doute, d'un ami qui l'achète à sa scandaleuse sortie au Virgin Megastore des Champs-Élysées. Ceci dit, je suis au collège, je travail bien, je suis gentil et j'ai surtout le privilège d'être fils et petit-fils unique du côté de ma mère. Alors quand se profile Noël 2001, je fais un caprice téléphonique à ma grand-mère dont je ne suis pas fier, même douze années plus tard. A force de conviction et de « mamie chérie » j'obtiens la garantie financière que j'aurais pour mon anniversaire (le 30 Novembre) une PlayStation 2. Il ne me reste qu'à choisir le jeu...et là, c'est le petit dépliant de ScoreGame qui me sauve la vie en m'annonçant que la ludothèque de la seconde console de Sony va prendre une toute nouvelle allure. Le 26 Octobre 2001 sort, dans toute l'Europe, Grand Theft Auto III et un mois plus tard, je mets moi-même la main dessus du haut de mes 12 ans...la claque du début des années 2000.

GTAIII, une nouvelle dimension au propre comme au figuré.

Malgré une jaquette alternative pour certaines versions PAL, GTAIII adopte le style graphique distinctif pour le reste de la série (à l'instar des FF par exemple), avec un visuel cartoon et des cases entourées de noir. Le logo de DMA Design change et c'est sa dernière apparition sur une jaquette de jeu.

Encore une fois réalisé par DMA Design et édité par Rockstar Games, GTAIII est l'une des plus grosses avancées qu'on ait pu voir en terme de liberté dans le jeu vidéo. C'est également la naissance d'un genre, le GTA-like. Cette fois-ci, l'apport de l'environnement en 3D change complètement la donne. Liberty City, n'a strictement rien à voir en terme de grandeur et d'architecture avec sa représentation dans le premier volet de la saga. Cette fois-ci, elle est calquée sur New-York pour son allure, son central-park, son métro et ses différents quartiers, les proportions restant beaucoup plus petites que l'originale, pour des raisons évidentes de limitations techniques et de savoir faire au démarrage de la PlayStation 2. Elle est divisée en trois îles auxquelles on n'aura pas accès dès le début du jeu. Scénaristiquement, cela se justifie par la première séquence du jeu qui montre un fourgon de police exploser sur le pont reliant la première et la seconde île. De ce fourgon s'échappera d'ailleurs le personnage principal et son premier contact à Liberty City. Le joueur incarne donc un repris de justice qui va tenter de se faire un nom dans la mafia locale afin de gagner richement sa vie.

Belleville Park et Central Park...


...ou encore Bedford Point et Times Square. Liberty City est clairement inspirée de New-York.

Pour traverser la ville, on est au commande de "Claude"...enfin ça on ne le saura que dans GTA:San Andreas.

Le scénario est là cette fois-ci. Il n'est pas parfait, loin s'en faut, la faute déjà à l'anonymat de l'avatar du joueur qui n'est vraiment qu'une coquille sans voix et sans volonté. Il est d'ailleurs intéressant de noter que son nom ne sera évoqué que dans GTA : San Andreas ; on apprendra lors d'une cinématique qu'il s'appelle Claude. Il y a d'ailleurs un doute sur le fait qu'il puisse s'agir du même Claude (Speed de son nom de famille) que dans GTA2. Ceci étant dit, le jeu mélange assez habilement les références aux films de gangsters les plus célèbres, en piochant notamment dans the Godfather et the Goodfellas pour donner des missions mêlant les méthodes de braquages les plus basses, aux sabotages à coup de bombes les plus vicieux, en passant par des courses-poursuites effrénées dans divers véhicules face à la police. Dans ce premier épisode en 3D, on conduit d'ailleurs principalement des véhicules à quatre roues. On trouve également le Dodo, un avion sans véritables ailes qui ne peut que planer (ou voler avec une maniabilité exécrable), quelques bateaux ou le Rhino, un char d'assaut. Toutes les voitures sont destructibles et subissent des dégâts physiques...parfois on a presque l'impression qu'elles sont en papier tellement elles se plient au moindre choc.

Pour des raisons évidentes de licence, aucun véhicule réel n'apparait dans la série GTA. Néanmoins, on trouve beaucoup de clones de modèles existants, copiant même le nom. La Stallion par exemple est une réplica d'une MustangGT, et la Sentinel fait beaucoup penser à une berline de chez BMW.

GTAIII ne propose pas de moto, d'hélicoptère ou de véritable avion, seulement des voitues et des bateaux. Le dodo est le seul véhicule "volant".

Si je mentionne le Dodo ainsi que les autres véhicules, c'est pour une raison ; il paraît étrange que les développeurs aient inclus un véhicule volant bridé dans leur Liberty City, et on pourrait penser que si c'était une question d'affichage de la ville par exemple, il aurait été plus simple de l'enlever. Cependant, bien qu'il n'en soit pas fait mention explicitement à ma connaissance, il faut rappeler que GTAIII est sorti en fin Octobre 2001 aux États-Unis...seulement un mois après les attentats du 11 Septembre. Faire voler un avion au milieu d'un pastiche de New-York ne semblait plus une feature des plus délicates à ce moment là. Si on trouve une liste de modifications apportées au jeu sur Wikipedia ou des sites de fans par exemple, il faut bien dire que Sam et Dan Houser, qui sont passés producteurs, scénaristes et directors sur ce volet, n'ont jamais divulgué entièrement ce qui avait été modifié avant la sortie du titre, à l'époque repoussée de trois semaines. La plus grosse modification cependant semble la disparition d'un personnage anti-capitaliste lié à une mission consistant à faire exploser le plus de civiles possibles. En remettant cela dans le contexte, on comprend aisément que DMA Design n'ait pas osé conserver cette mission bien que le jeu fourmille de piques envers la culture américaine, la libre circulation des armes en tête.

Initialement, les voitures de la LCPD (Liberty City Police Department) devaient être bleues et blanches pour ressembler à celle de New-York, renforçant encore le pastiche de la ville américaine.

Finalement, elles sont noires et blanches, à l'instar des voitures du LAPD (Los Angeles Police Department). C'est un des changements opérés suite aux attentats du 11 Septembre. Il y en aurait d'autres qui n'ont pas été divulgués.

Pour en revenir au jeu en lui-même et laisser un peu les polémiques qui l'entourent, GTAIII a surtout été une révolution pour son aspect bac-à-sable. Effectivement, les plus fervents joueurs de Elder Scrolls par exemple pouvaient déjà s'essayer à Daggerfall depuis quelques années. Pourtant GTAIII a apporté une nouvelle manière de faire les missions principales ; une manière non-linéaire. Par exemple, l'une des missions du jeu nous demande d'éliminer un chef de gang (chinois si ma mémoire ne me fait pas défaut) qui automatiquement fuit en voiture lorsque l'on tente de s'approcher de sa personne. Il est possible de lui tirer dessus de loin pour l'avoir, de le poursuivre et de ruiner son véhicule (pour peu qu'on arrive à le rattraper) ou...de piquer sa voiture, d'y poser une bombe dans un endroit adéquat puis de la remettre en place et de forcer le chef à courir s'y réfugier pour le voir exploser. Même si ces missions ne sont pas légions, leur présences a su donner un goût particulier à la progression dans le jeu et a mené à de nombreuses discussions sur la façon de les résoudre, comme Deus Ex a pu le faire un peu plus tôt.

De plus, GTAIII a également apporté le plaisir de ne pas faire les missions principales. La faiblesse du scénario était en effet le moindre souci du joueur qui trouvait avant tout son plaisir dans les missions annexes. Ces dernières donnaient au jeu un ensemble de gameplay différents sur la même base, parcourir la ville à pied ou en voiture avec une bande-son géniale passant sur différentes ondes radios. Entre la possibilité de faire le taxi, l'ambulancier, le pompier ou encore le policier, GTAIII donnait largement le change à une histoire pas forcément passionnante. Même une fois le scénario et ces différentes quêtes annexes sucés jusqu'à la moelle, on trouvait encore son compte dans la folie des cheat-codes. Je pense sincèrement que personne n'a vraiment joué à GTAIII, s'il n'a pas utilisé au moins une fois les cheat-codes pour débloquer des armes, des véhicules ou de la vie comme par magie. Liberty City n'était pas simplement un décors à la météo changeante (très bien réalisée pour l'époque) pour des missions parfois inventives et propice à du gameplay émergent, c'était aussi un lieu de chaos total quand le joueur se lançait dans un massacre en règle de civils, puis des forces de l'ordre qui tentaient d'intervenir. La seule entrave à ces émeutes urbaines restait le système de visée peu précis qui malheureusement n'a pas été beaucoup amélioré par ses deux suites.

Les à-côtés sont nombreux et les easters eggs sont légions. GTAIII est déjà un jeu avec un gros contenu.

Surtout, l'utilisation des cheat-codes (que personnellement je ne déclenchais qu'après avoir fini une fois le jeu) permettait d'utiliser la ville comme défouloir géant. Entre explosions à gogo, fusillades sans fin et courses-poursuites rappellant les films d'action les moins fins réalisés dans les années 80-90, le joueur pouvait largement oublier les faiblesses techniques et la maniabilité des gunfights un peu tendue.

Avec sa proposition de liberté cadrée habilement par de nombreuses missions scénarisées et référencées autour du thème de l'ascension criminelles, d'une ville accessible partie par partie et non pas entièrement dès le début, et un ensemble d'éléments comme les cheat-codes ou une physique des véhicules un peu étrange, GTAIII s'est immédiatement imposé comme un canon ludique jamais vu. Malgré ses graphismes aux modélisations faibles, même pour l'époque, compensées par la taille de la ville et le système météorologique, malgré son scénario pas forcément fantastique et son héros sans intérêt, GTAIII avait définitivement prouvé qu'il ne manquait que la 3D pour transformer le jeu débile et grossier en apparence en quelque chose de ludiquement fort et en vrai phénomène...surfant toujours, il est vrai, sur une tendance provocatrice.

Pour ma part, GTAIII a été l'une des plus grosses claques de ma vie de gamer, avec des jeux comme Resident Evil 2, Shenmue, Metal Gear Solid 2 ou plus récemment Red Dead Redemption. C'est le tremblement de terre qui m'a fait aimer les mondes ouverts par dessus tout, c'est le séisme qui m'a fait développer un sens de l'orientation aujourd'hui hors du commun et c'est surtout le jeu qui a lancé mon amour inconsidéré envers ceux qui passeront de DMA Design à Rockstar North. Pour l'anecdote, sachez qu'au vu du prix de la PlayStation 2 accompagnée d'un jeu, je n'avais pas de carte mémoire pour mon premier mois avec cette fabuleuse console. Ainsi, je connais la séquence d'introduction par cœur, parce que tous les jours, je devais recommencer le jeu à zéro. Un très grand jeu, et mieux encore, un vrai moment marquant pour le jeu vidéo.

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