J'essaye depuis plus d'un mois d'écrire quelque chose de potable sur les suites dans le jeu vidéo. J'ai de grosses difficultés à trouver quelque chose de généralisable. Quand je pense trouver ce qui me plaît dans de manière un peu globale dans les suites vidéoludiques, je trouve toujours un contre exemple qui suit les directives que je pensais bonnes, mais qui au final ne me satisfait pas, ou inversement, je trouve un exemple qui contre-carre complètement ce que je pourrais attendre initialement d'une suite et qui pourtant me plaît.

Le souci vient, je pense, de la disparité du type de suites. Pour malgré tout essayer de tirer quelque chose de ce qui est aujourd'hui considéré comme un problème (les nouvelles IPs triple A se faisant trop rares aux goûts de certains) je vais essayer de prendre trois piliers qui de mon point de vue peuvent évoluer ou non d'une suite à l'autre et qui influence, ce que je peux bien en penser.

Pilier I - La structure

Premièrement, on la structure du jeu. Je ne parle pas simplement du gameplay qui parfois peut être modifié par touches, mais bien de la façon dont se déroule le jeu. Assassin's Creed II ou Dead Rising 2 sont des jeux qui confirment la structure globale du premier volet. Il y a des modifications, comme la façon dont se déroule les assassinats dans la licence d'Ubisoft, ou la création des armes dans celle de Capcom, mais globalement, on est toujours dans une map ouverte (dans les deux cas d'ailleurs) et on fait peu ou prou la même chose ; aller d'un point à un autre en courant sur les toits dans Assassin's Creed, et courir après la montre pour sauver des survivants dans Dead Rising. Une vraie modification de structure serait par exemple Fallout 3 par rapport à Fallout 2. Non seulement la vue change du tout au tout, mais le jeu ne se base pas sur le même système de combat, de dialogue, de loot etc. Tout le jeu est revu de fond en comble dans sa structure.

Fallout 2 sorti sur PC en 1998.

Fallout 3 sorti sur PC, Xbox360 et PS3 en 2008. Dix ans d'écart et un grand écart structurel.

Il existe comme toujours l'école du milieu, la demi-mesure, ceux qui changent une bonne part de la structure mais conservent certains éléments clés. Par exemple Mass Effect 2 qui conserve les trois éléments de gameplay de base, à savoir dialogue, shoot et exploration, mais les dose de manière complètement différente et en occultant une partie du premier. La structure est la même sans l'être vraiment. Splinter Cell Conviction est également dans cette zone. On reste dans une certaine mesure dans l'infiltration ; le noir est toujours un allier précieux, on doit toujours dans la mesure du possible rester caché. A côté de ça, certains passages nous mettent en lumière obligatoirement, le jeu va beaucoup plus vite et il n'y a pas de récompense particulière (aussi basse soit-elle comme un rang à la fin d'une mission) pour y jouer « bien ».

Pour ce premier pilier, j'ai tendance à préférer le vrai changement ou la vraie stagnation. Je n'aime pas la sensation d'être trahis en tant que fan, ce qui est plus ou moins irrémédiable quand on modifie des choses qui font partie de la structure d'un jeu qu'on aime (le fait de ne pas pouvoir bouger les corps dans Conviction par exemple). D'un autre côté, j'ai plutôt tendance à m'adapter au vrai changement, et à le trouver bienvenu de manière général, d'autant plus si ce changement est justifié, soit par le fait que le précédent opus est sorti il y a un moment et que forcément les jeux vidéos évoluent vite, soit par un effort ou une justification scénaristique. En revanche, il est une chose que je déteste par dessus tout et qui bien souvent a tendance à me mettre de très mauvaise humeur pour aborder un nouveau épisode d'une licence, c'est l'acte de délation des développeurs envers ce qui a pu se faire auparavant. Il n'est jamais besoin, pour valoriser son travail, de dénigrer celui des autres.

 

Pilier II - Le cadre

Le second pilier est pour moi le cadre. Le cadre rassemble l'univers, les personnages et le scénario. Uncharted est une série qui par exemple, d'un épisode à l'autre, ne conserve qu'une poignée de personnage et renouvelle le reste du cadre avec de nouvelles destinations, d'autres protagonistes ou antagonistes et un scénario neuf qui n'est pas en rapport direct avec le précédent. Metal Gear Solid en revanche, s'il renouvelle les décors, s'appuie sur un scénario en suite directe et des personnages qui, s'ils ne sont pas systématiquement apparu dans les épisodes précédents, font écho à d'autre personnages, comme les BB de Metal Gear Solid 4.

Ce que j'essaye de dire, c'est que c'est ici qu'il y a une vraie disparité à juger au cas par cas. Prenons l'exemple de la série de Bethesda ; que The Elder Scrolls V : Skyrim soit dans le même univers que The Elder Scrolls I, II, III ou IV, c'est important. En revanche qu'aucun personnage ou scénario des opus précédents ne trouvent de référence, à part dans quelques livres, personne ne s'en sentira floué. Par contre si la série des Metal Gear Solid ne colle pas, ne lie pas sur l'histoire, les épisodes entre eux, à ce moment là, on a un souci. Si le jeu s'appelle Metal Gear ''Solid'', il doit parler de Solid Snake, sous une forme ou sous une autre (MGS3 et Peace Walker ne parlant pas exactement de Solid Snake).

Grand Theft Auto: San Andreas sorti en 2004.

Grand Theft Auto IV, sorti en 2008. Les deux trames n'ont rien à voir, sauf dans le thème. Idem pour les personnages et les décors.

Pour le dire franchement, la continuité scénaristique, quelque soit la série, ça me passe vraiment par dessus la tête, à de rares exceptions près. La plupart des jeux que j'aime énormément, je ne les aime pas pour l'histoire qu'ils prodiguent, mais la façon dont ils la délivrent. Avec mon ami BlackLabel, nous avions d'ailleurs eu une discussion autour de la faiblesse d'écriture du jeu vidéo d'une manière générale, que lui trouve vraiment abominable (ce que j'approuve globalement) mais qui moi ne me choque pas outre mesure. Je reviendrais sur cela dans un article dédié. Toujours est-il qu'à part peut-être Mass Effect ou Shenmue qui prodiguent l'expérience très particulière de continuer réellement l'histoire de son personnage, en important ces précédentes décisions dans l'épisode suivant, je ne suis pas très attaché à la continuité scénaristique. Les développeurs peuvent donc conserver ou non les personnages, continuer ou nom l'histoire entamée, et espérons le, terminée dans l'épisode précédent. Je n'ai pas de préférence particulière. Tout au juste aurais-je tendance à penser qu'un jeu qui s'appuie sur la même structure ferait peut-être mieux de changer de cadre pour éviter la redondance. Typiquement Assassin's Creed est une série qui n'est pas complètement sauvée par le changement de décors, puisque le reste du cadre (les personnages et le scénario) suivent ce qui a été fait auparavant et que structurellement il est identique. Pourquoi jouer à Brotherhood si j'ai déjà fini le second ?

 

Pilier III - Le rythme de sortie

Le dernier pilier et pas des moindres, c'est la fréquence de sortie. Ce n'est pas lié au jeu à proprement parler, même si cela affecte bien entendu le résultat final, mais de mon point de vue, c'est ce qui va faire relativiser les deux piliers précédents. J'ai la sensation que plus une série est attendue, parce que le dernier épisode en date est sortie il y a longtemps, plus le joueur veut retrouver la sensation initiale. Inversement, plus le dernier épisode est sortie récemment, plus le joueur veut de nouvelles sensations. Par « sensation » j'entends à la fois la structure et le cadre. Par exemple, depuis Brotherhood, Assassin's Creed est décrié par une frange de joueur qui apprécie la série aussi (peut-être pas autant que les fans certes) mais qui reprochent aux derniers de ne pas assez innover comparé à l'année précédente, l'effet de redite jouant ainsi son rôle. A l'inverse, Deus Ex Human Revolution était attendu en espérant qu'il aurait exactement la même structure et exactement le même cadre que le premier épisode sortie onze années auparavant. C'est d'ailleurs ce à quoi travaillaient d'arrache-pied les équipes d'Eidos Montréal qui ont voulu rester fidèles au premier volet avant tout.

Sur ce troisième pilier, je n'ai qu'une chose à dire : pas tous les ans. Une seule année pour jouer, apprécier, digérer un jeu vidéo et en désirer vraiment une suite, ce n'est pas assez. Je ne me lasse pas facilement d'un jeu, mais quand cela arrive, c'est pratiquement irrémédiable. En ce qui me concerne, il n'y a qu'une règle absolue concernant les suites des jeux, c'est qu'elles ne doivent pas arriver trop souvent. Assassin's Creed II est parmi les titres que j'aime le plus sur cette génération de console, mais Brotherhood est arrivé trop tôt en proposant presque la même chose et en ne variant pratiquement rien. J'étais déjà abreuvé de missions secondaires, que j'avais finis moins d'un an plus tôt, et je n'étais pas prêt à recommencer (en moins bien en plus). A l'inverse Rockstar a le dont de faire monter la sauce avec une formule qui évolue à chaque fois mais en demeurant finalement la même ; leurs jeux sont rarement de nouvelles IP (sur cette génération, il n'y a que L.A Noire et un jour peut-être Agent) mais le résultat est toujours attendu. Une suite d'une grande qualité, qui pousse un concept de gameplay et un univers jusqu'au bout mais qui malheureusement est le troisième ou quatrième rejeton en trois ou quatre ans s'expose irrémédiablement à une grande lassitude, malgré les qualités. D'ailleurs le phénomène transforme une série en une licence...comme Resident Evil et cela touche un autre sujet avec l'exploitation de licence.

 

Partant de ces trois piliers, je pense que je peux dire plus ou moins avec certitude pourquoi j'ai aimé ou pas une suite d'un jeu, si tant est que le premier volet m'ait plu, bien entendu. Je préfère de manière générale les suites qui privilégient les évolutions de cadre à celles de la structure. Je préfère donc ce que j'appellerais les suites « structurelles » ou parfois spirituelles si elles n'ont pas le même nom ; Dead Rising 2, GTAIV, Skyrim, Falout New Vegas, Dark Souls, Splinter Cell : Double Agent, Silent Hill 2, Resident Evil 2, Assassin's Creed II, Halo Reach et j'en passe, sont des suites que j'apprécie parce qu'elles ne bouleversent pas ce que j'ai aimé et me propose la même chose, sensiblement améliorée et avec un cadre sinon neuf, au moins varié et un tant soit peu différent de l'épisode qui les précède. A l'inverse je n'apprécie pas énormément que l'on me change mes habitudes, surtout quand on prétend le faire pour parer à des lacunes de jeux que j'ai apprécié une première fois. Quitte à faire du changement, je suis prêt à ce que le titre change vraiment et ne se contente pas simplement de vouloir contenter tout le monde. En cela, j'appréhende notamment énormément la venue au monde des gamers du prochain Code 47 qui s'annonce comme une tentative de rallier de nouveaux joueurs, tout en conservant calme la base de fans installée. Je me serais très bien contenté d'une suite structurelle qui exploiterait le concept du jeu sans y toucher fondamentalement, à savoir l'utilisation tactique de la map et du déguisement pour abattre une seule et unique cible de la manière la moins visible. C'est ce qui explique mes réticences premières sur Conviction ou sur Mass Effect 2...ils veulent changer quelques choses, mais ne renversent pas vraiment la table de thé. Du coup, ils ne font que tâcher la nappe.