Un nouveau film d'Andrew Niccol, ça a beau ne pas être un événement pour grand monde, c'en est un pour moi. Andrew Niccol, on lui pardonnera son faux pas en 2002 à la réalisation du pas terrible S1m0ne avec Al Pacino qui mettait en scène une actrice virtuelle dont ce dernier ne pouvait contenir le succès. On lui pardonnera parce qu'Andrew Niccol c'est le mec qui est à l'origine de Gattaca, ce fantastique film d'anticipation qu'il a réalisé en 1997 avec à l'affiche Ethan Hawk et Jude Law, accompagnées d'Uma Thurman; un film qui pose la question de la sélection génétique de manière vraiment intelligente. On lui pardonnera aussi parce qu'il a des idées brillantes comme The Truman Show, ce paroxysme de la télé-réalité à la fois dramatique et drôle qu'il a écrit pour Peter Weir en 1998 (un an avant que le phénomène n'éclate aux États-Unis...ce génie). On lui pardonnera enfin parce qu'il est quand même encore une fois au scénario ET à la réalisation de Lord of War, l'un des meilleurs films dans lesquels Nicolas Cage ait pu jouer (et malgré sa filmo bien en dents de scie il a joué dans de sacrés perles) qui nous évoquait encore une fois intelligemment et sans parler de manière manichéenne, la vie d'un trafiquant d'armes.

Ce génie mental! Un Nolan en puissance...

Trois réalisations dont il est aussi scénariste et un scénario dont il laisse le soin à un autre réalisateur de le porter à l'écran. Trois réussites sur quatre...un plutôt beau quota de mon point de vue. Si seulement la réussite n'était pas qu'artistique, mais aussi commerciale. Parce que s'il y a une chose que j'ai appris récemment (en feuilletant le Première spécial 35 ans de ce mois ci) c'est que malheureusement, c'est un réalisateur qui a enchaîné les bides commerciaux avec ses réalisations. Un ridicule 12,5 Millions de dollars seulement pour Gattaca et un très mou 24 Millions de dollars sur le sol américain pour Lord of War. Pour deux films cultes, ça fait très chiche! Quoi qu'on pourrait discuter du fait qu'un film devient culte aussi par son bide commerciale. Alors si le réalisateur relativise ses échecs en affirmant « le film (Lord of War) a heureusement connu une seconde vie en DVD. Il fait aujourd'hui l'objet d'un petit culte, un peu comme Bienvenue à Gattaca » il reste extrêmement dommage de constater que des films si bons passent complètement inaperçus.

Après l'affront fait à Lord of War en 2005, il revient enfin derrière la caméra pour nous proposer l'alléchant In Time (ou Time Out dans sa traduction moisie en VF) qui se propose de monnayer le gène de la vieillesse. Le synopsis étant, comme toujours chez ce monsieur, extrêmement ambitieux, on aura ici affaire à un film d'anticipation où l'obsolescence programmée est appliquée à la race humaine sous forme d'un compteur de temps incrusté dans le bras. Après 25ans de sérénité, chaque être humain se verra offrir une seule année supplémentaire...s'il veut plus de temps, il devra travailler. Alors le film est-il vraiment aussi bon que le scénario le laisse penser? Oui et non.

J'ai bien l'impression que M.Niccol a vraiment souffert de ses échecs commerciaux. Alors In Time ressemble étrangement à un film ressort, destiné à faire de l'argent par le moyen le plus simple, l'action hollywoodienne, afin de prouver qu'il peut être bankable et ainsi s'assurer une prospérité à venir pour des projets de films plus intimistes (ou moins grand public plutôt) comme l'était Gattaca. Ça n'en fait à mon sens aucunement un mauvais film, mais le constat est là. Au casting on a l'homme en forme du moment...non pas Ryan Gosling, mais Justin Timberlake qui après avoir prouvé qu'il était un bon acteur dans Black Snake Moan ou The Social Network revient en tête d'affiche pour la seconde fois cette année. Ici ce n'est pas aux côtés de Mila Kunis mais de sa concurrente au concours de celle qui a les plus beaux et grands yeux verts, ma chère Amanda Seyfried (qui pour le coup devait réparer la supra boulette Red Riding Hood du début de l'année). Des acteurs potentiellement capables de ramener du monde en salle donc et un film qui rapidement passe de la réflexion éthique à une sorte de Bonnie and Clyde dystopique. Andrew Niccol aurait-il cédé à l'appât du gain?

C'est plus compliqué que cela. Le film démarre très rapidement. On a clairement peu de temps pour nous expliquer ce qui se passe; 1h41 c'est très court pour ce genre de projet. Le temps c'est de l'argent dans In Time. Plus on est haut dans l'échelle sociale plus sa vie est longue et abstraite, plus on est bas, plus celle-ci est ramassée et quotidienne. Le film ne s'embarrasse pas vraiment d'expliquer comment techniquement cela fonctionne, mais ce n'est pas bien grave. Ce qui compte c'est que quelques minutes, heures, jours, semaines, années peuvent être demandées pour tout et n'importe quoi. Pour constamment savoir où l'on en est de sa ligne de vie, un compteur vert fluo est activé sur le bras gauche de chaque habitant, faisant défiler en temps réel la vie de son porteur. Alors on donne dans le premier quart d'heure beaucoup de temps (littéralement) à Will Sallas le héros, et dans la foulée on lui donne une raison de l'utiliser pour changer les choses.

Ils ne sont pas en train de synchroniser leur montre, mais bien de s'échanger un peu de vie sous forme de précieuses minutes.

Avec cette donation (on peut par contact de la paume récupérer ou donner du temps à quelqu'un) Will se permet de quitter son ghetto au prix fort et de se diriger vers New Greenwich, le quartier de la haute société, celle qui a du temps à ne plus savoir qu'en faire et qui se complaît dans le luxe et dans la lassitude; le billet d'entrée coutant un an de sa vie. C'est là qu'il y rencontre Sylvia (Amanda Seyfried) qu'il va devoir prendre en otage pour arriver à ses fins.

Amanda Syfried en rousse?! You've got to be f***ing kidding me!

Amandaaaaaa!!!!

Bon okay, ça passe pour cette fois...

C'est alors que commence la seconde partie du film, une course-poursuite effrénée entre le désormais couple Will/Sylvia et Raymond Leon (Cillian Murphy) le très zélé Time-Keeper qui représente la Loi. C'est ici aussi que réside en partie le problème du film. Il faut certes un enjeu dramatique mais c'est fait dans la précipitation et souvent des scènes qui sembleraient logiques en terme de déroulement arrivent de manière saugrenue et spectaculaire, probablement pour à la fois aller vite et faire plaisir à celui qui n'attendait qu'un film d'action. Au delà de ça, le film souffre de quelques erreurs de débutants qui spoiles un peu le fun (l'histoire des combats notamment) et qui sont assez surprenantes quand on constate leur absence dans les précédentes réalisations du monsieur.

Mine de rien le film a pas mal de courses poursuites véhiculées ou à pieds assez tendues (sans compter sur le suspens du manque de temps qui en rajoute une couche).

Pourtant, pourtant...pourtant j'ai adoré. J'ai vraiment adoré. Cela tient au fait que malgré l'apparent ratage, ou du moins le partiel gâchis de ce qu'aurait pu être le film avec un scénario aussi brillant, beaucoup de choses sont stupéfiantes et le dégagent clairement de mon point de vue des autres films d'anticipation ou action moyen (genre Surrogates avec Bruce Willis ou I Robot avec WIll Smith). Des petites touches qui nous rappellent que si effectivement, un producteur avait la gentillesse de vraiment faire confiance à Andrew Niccol, il en aurait encore sous le pied pour créer un chef-d'œuvre dans le domaine; l'idée par exemple que le compteur au moment de son démarrage bloque l'être humain, le fige à ses 25 ans en arrêtant le fonctionnement du gêne du vieillissement, donnant ainsi une société uniformisée, rasée de ses imperfections de vieillesses mais créant par la même des décalages très glauques dont Freud aurait friand. La première scène du film où Will rejoint sa mère (interprétée par Olivia Wilde) est à ce sujet assez surréaliste puisque sa mère est une femme tout à fait attirante et de son âge en apparence. C'est également de nouveau mis en avant plus loin dans le film à la première apparition de Sylvia qui deviendra sa partenaire. A-t-elle 25 ans? 40? 80?

Alors voilà Kiflam, imagine que c'est ta mère.

Renforçant aussi l'univers, le personnage principal se sent obligé de bouger, de courir, de faire les choses vites, une réminiscence de son statut de presque mort repoussé quotidiennement. Dans son quartier on court parce qu'on a pas de temps devant soi, c'est à ça qu'on reconnait les pauvres...tandis qu'à New Greenwich on fait tout avec lenteur, parce que le temps n'est pas un problème.

Dans un autre ordre d'idée la réalisation est globalement solide sans jamais confiner au génie. Malgré un accident de voiture en CGI assez pauvre, l'univers visuel est sympathique et proche de nous (très très peu dans le futur) et se permet quelques métaphores colorées bien vues. Le quartier pauvre, où les gens meurent faute d'avoir pu trouver plus de temps est relativement coloré, tandis que le quartier riche est d'une incroyable froideur et surtout voit 90% de sa population porter...du noir, la couleur du deuil.

C'est ce genre d'ingéniosités qui me font croire en l'avenir d'Andrew Niccol et surtout qui me font croire que In Time n'est pas un film qui est pleinement le sien. Certains questionnements sont explicitement donnés par les personnages notamment par Phillipe Weis, le PDG de la Time Banque de Dayton et père de Sylvia, vraiment bien interprété par Vincent Kartheiser (rien que dans son regard et son maintien, on jurerait un vieil homme, malgré sa tête de poupon). Ces questionnements qui dans Gattaca et Lord of War étaient amenés avec beaucoup plus de subtilités.

Ce mec joue à la perfection son rôle de presque centenaire.

En bref, In Time n'est pas le film culte que je mourais d'envie de voir. Il est notamment freiné par de la précipitation et un running time un peu court pour les ambitions du scénario qui mine de rien met les deux pieds dans le plat et démonte les rouages du système capitalisme de manière parlante avec des enjeux très immédiats et terre à terre. Malgré tout, je lui trouve un vrai charme et plein de bonnes choses qu'on sent réfléchies, à tel point que j'ai envie de le pousser et d'en parler malgré son manque d'aboutissement. Je pris pour que le box-office américain lui réussisse, afin que ce réalisateur ne mette pas de nouveau 6 ans à s'exprimer encore. Bon et puis comme je suis toujours honnête avec vous...Amanda Seyfried n'est pas complètement étrangère à mon plaisir non plus. Au global donc, il est de ses films que je reverrais avec la plus grand joie...dans mon top SF tout personnel, mais il aurait pu être le Inception de 2011.