Notre chère patrie n'est pas réputée mondialement pour la qualité de ses séries (ou de son football d'ailleurs mais ça n'a pas de rapport). Navarro, Julie Lescaut, Louis La Brocante ou Nestor Burma pour les plus vieux, et R.I.S Police Scientifique, L'Hôpital ou je ne sais pas quoi pour les plus récentes. Partout où on regarde, la mollesse des anciens ou la médiocrité des tentatives de copies des américains des jeunots, aucune ne parvient à sauver le paysage audiovisuel français. Alors certes les allemands ou les anglais ne font pas mieux que nous avec leurs éternellement rediffusés au ralentit Derick ou Barnaby, mais franchement notre PAF fait grise mine et de manière général il n'y a presque rien pour relever le niveau...j'ai bien dit presque.

-Vous croyez qu'il va raconter quoi sur nous ce con là?

-Je sais pas mais s'il s'plante...bah je le pends par les joyaux.

Le 3 Janvier 2005, M6 livrait à la France le début d'une série typiquement de chez nous, créée par un génie mental doublé d'un geek. Une série qui non seulement allait connaître un succès extrêmement mérité, mais qui allait parvenir en six Livres à écraser tout ce qui a bien pu se faire chez nous depuis le début de la télé, et entre nous sans chauvinisme une bonne partie de ce qui a bien pu se faire outre-atlantique...cette série c'est Kaamelott.

Il est impossible de parler de Kaamelott sans parler d'abord de son inventeur, Alexandre Astier. Si vous ne connaissez pas son nom vous devriez. Le gars est d'abord membre d'une famille du spectacle. J'entends par là que quelque soit le membre proche de sa famille que l'on regarde, on l'a sûrement vu dans Kaamelott, ou au théâtre, ou dans un téléfilm pour les plus courageux qui regardent encore la télévision française. Lionnel Astier par exemple, son père, est un metteur en scène et acteur de théâtre et dans la série il tient le rôle de Leodagan beau père du Roi Arthur, et roi de Carmélide, tandis que Joëlle Sevilla sa mère est également une actrice de théâtre et joue dans la série de son fils, la belle mère du Roi Arthur, Dame Séli...vous suivez? On compte également Simon Astier, son demi-frère qui campe Yvain (le frère de la Reine Guenièvre), Josée Drevon, sa belle-mère qui joue Ygerne, la mère du Roi Arthur, ou encore sa femme, Anne-Gaëlle Astier, costumière de la série (et c'est pas une manchote). Vous l'aurez compris, Alexandre Astier aime travailler avec sa famille et ses amis également, ou tout du moins des personnes qu'il a déjà vu jouer quelque part. Le nombre de guests impressionnant sur la série en est la preuve mais j'y reviendrais après.

La deuxième chose importante à savoir pour ceux qui prendrait Kaamelott pour une version française beauf du mythe des Chevaliers de la Table Ronde, c'est que le créateur de la série est un geek pur jus. Fan de Star Wars, de Donjons et Dragon, de jeux de rôle papier et doté d'une culture juste ultra impressionnante, croyez moi ses références vous les connaissez. De plus le mec est un diplômé de l'American School of Modern Music de Paris, chose qui transparaît régulièrement dans la série au travers de certains épisodes basés sur la musique.

Quoi qu'il en soit je peux vous assurer que si vous devenez fanboy de Kaamelott un jour, vous deviendrez avec quasi certitude fanboy d'Alexandre Astier également dans la foulée, très bon musicien, acteur, metteur en scène et humoriste. En tout cas moi je suis son travail avec la plus grande attention et le plus grand respect.

Kaamelott est donc la série d'un seul homme. Ca paraît réducteur de le dire comme ça, mais c'est une réalité. Incapable de déléguer, comme il l'affirme régulièrement dans les interviews, Alexandre a écrit seul cette série. Le résultat est sans égal en France c'est une certitude. Et de tout évidence je ne connais pas d'autre série qui propose l'humour décapant de Kaamelott, très basé sur un nombre incalculable de références. Comme je l'ai dit avec la culture du metteur en scène, on peut vite se rendre compte que Kaamelott trimballe des clins d'œil à foison. Entre les titres d'épisodes comme Heat, La Fureur du Dragon, La Menace Fantôme ou encore Le Retour Du Roi, ou leur déroulement il y a de quoi se faire plaisir. L'un des plus mémorable par exemple passe par la découvert d'un portail circulaire qui mène vers un autre monde...la porte des Etoiles oui! C'est Perceval qui se dévoue pour un coup (bah oui ça explose pas donc il n'a pas peur) il traverse la porte et il atterrit sur une planète qui a deux soleils...oui comme sur Tatoïne. D'ailleurs il ramène un sabre laser au Roi Arthur en revenant de là-bas. Le tout sur un seul épisode.

Cet épisode...juste de la bombe!

Il ne faut par contre pas croire que Kaamelott ne tient qu'à cela. La série est d'abord l'histoire d'un chef qui doit mener son peuple vers la lumière divine, mais qui dans cette quête est accompagné par des branquignols. Comment trouver le Graal lorsque ses espions préfèrent parler bouffe plutôt que de leur mission, qu'un chevalier de la Table Ronde jette les clous de la Sainte Croix ou le Saint Suaire à la flotte, ou que son seul appuie fiable fout le camp pour s'installer dans les bois. C'est grâce à ce décalage entre l'étroitesse d'esprit de l'entourage du Roi et la portée symbolique et divine de sa quête que Kaamelott parvient sans cesse à renouveler son répertoire comique. Après tout, la connerie est peut-être l'un des sujets les plus vastes qui soient. Evidemment tout ceci fonctionne parfaitement grâce à la qualité de l'écriture et des dialogues savoureux qui eux même créés des références dans tous les sens. Qui n'a pas ressorti «c'est pas faux» après un exposé formidablement divertissant de philosophie? Personnellement je suis tellement fan de cette série que je connais certains dialogues par cœur, en tête les deux épisodes de la Tarte (aux myrtilles puis aux fraises) juste à se fendre une côte en deux!

D'ailleurs les dialogues sont les meilleurs qu'on est vu en France depuis Audiard et la bonne époque de Gabin, Blier et Ventura, et je dis ça sans aucun doute possible. Entre les glandus de bases comme le tavernier ou le Roi Burgond, les débiles en brochettes comme Perceval et Karadoc ou Yvain et Govain, les bons à nib comme Merlin, Bohort ou le Père Blaise, et les gros malins qui n'aident pas comme Lancelot, Calogrenan, ou encore Leodagan cela nous fait une vraie bande de bras cassés qui se mettent joyeusement sur le citron pour notre plus grand plaisir et laissez moi ajouter que chacun d'eux sait jouer, de la boniche aux personnages principaux en passant par les nombreux guests. D'ailleurs on peut citer Eli Semoun en prêtre sadique de la nouvelle chrétienté, Bruno Salomone en sympathique romain déserteur, Alain Chabat en Duc d'Aquitaine d'une gentillesse aberrante, Axelle Laffont en femme enceinte hystérique et j'en passe un sacré paquet. Le tout toujours avec leurs répliques cultes et leur moment dantesque.

"-Ah bah c'est sûr c'est pas Jo le Rigolo...

-Jo le Rigolo!?! Mais on dit que là où il passe, l'herbe ne repousse pas!

-Y a pas d'herbe dans la salle du trône..."

La diffusion de la série est assez particulière. Le format initial était pensé très court. Un peu moins de quatre minutes et on avait un épisode. Ainsi les trois premières saisons, appelées Livre, sont composées de cent épisodes de quatre minutes. Le format change au Livre IV pour adopter une durée plus longue (à peu près deux fois de mémoire). Ce changement est opéré car c'est avec ce Livre que Kaamelott grâce à son succès (encore une fois vraiment mérité) a pu grandir et gagner en moyens. Tout d'abord les épisodes ne  se passe plus en un seul lieu intérieur, ils peuvent se dérouler en extérieur et suivre les personnages sur une balade par exemple. De plus, c'est avec cette saison que Kaamelott devient ce qu'Alexandre Astier voulait en faire à la base, une épopée épique, une aventure avec un ton un peu plus grave sans délaisser le comique. La perte de Lancelot et de Guenièvre dans la foulée, la trahison de Loth d'Orcanie (interprété par l'excellent François Rollin) tout commence à s'écrouler autour du Roi qui lui même commence à lâcher prise. Ce ton se verra confirmé par le Livre V narrant l'abandon du trône de la part d'Arthur, puis du Livre VI, qui sera une prequel à la série en basant son histoire sur la vie d'Arthur à Rome pendant son éducation militaire. Beaucoup de révélations importantes sont faites durant cette saison qui est la plus aboutit sans contestation possible.

Beaucoup ont regretté ce changement de ton. Personnellement je trouve que les trois derniers Livres sont juste fantastiques que ce soit d'un point de vu des risques pris vis à vis du public, que de la qualité de l'écriture, du déroulement de l'histoire et de sa mise en scène. J'adore sincèrement tous les Livres, mais pas pour les mêmes raisons. La gouaille et les vannes surnaturelles des premiers et le mysticisme, le drame et le côté épique des dernières, il n'y a pas à choisir, je prends tout et j'attends avec énormément d'impatience que l'auteur soit prêt pour réaliser sa trilogie conclusive sur grand écran.