... ou faut-il abolir le game over dans les platformers ?

Braid :

Tout le sens caché de l'histoire, à un
premier niveau de lecture du moins, consiste à dire que l'erreur est bonne à prendre. Dans la vie on apprend de ses erreurs, et on est plus riche d'en avoir commises, aussi douloureuses soient-elles
(la princesse ne semble pas disposée à pardonner). Les erreurs font
partie des options, on tâtonne jusqu'à trouver la bonne façon de faire.
On aimerait pourtant tellement pouvoir les effacer !
Dans le gameplay de Braid c'est la même chose : on essaie, on se trompe, on meurt. On appuie sur le bouton de « rembobinage » et on revient au
moment précédent l'erreur, pour tenter autre chose. Mieux, il faut
parfois obligatoirement passer par ces phases d'annulation des actions
pour trouver la solution, puisque certains éléments sont insensibles à
l'annulation. On crée alors une sorte de dimension alternative dans
laquelle certaines choses sont la conséquence d'actions qui n'ont pas eu lieu. De quoi offrir un gameplay profond et plein d'énigmes, en défiant les traditions du jeu de plateformes.

 

Lego Indiana
Jones
:

... ou Star Wars, etc., mais Indiana Jones est mon préféré. A moins d'un excellent entraînement, voilà un jeu où
on passe son temps à mourir, et où pourtant il n'y a pas de game over. Après tout, les personnages sont des bonshommes Lego,
ils peuvent s'éparpiller en pièces de plastique et revenir à la vie la
seconde d'après. :) Dans chaque niveau de jeu, il faut collecter un
certain nombre de pièces spéciales ressemblant à des diamants ou des
pièces d'or et d'argent ; cela remplit une jauge qui déterminera si vous avez l'étoffe d'un vrai aventurier / Jedi / etc. Chaque fois que son
personnage meurt, on perd une bonne partie de ces pièces, ce qui réduit
l'espoir de remplir la jauge avant la fin du chapitre. Mais c'est la
seule pénalité, le jeu ne marque aucune pause en cas de mort, le héros
démembré réapparaît presque aussitôt entier et vaillant pour poursuivre
l'histoire. Ce procédé en fait un jeu très agréable à jouer : le joueur n'est pas pénalisé, ni coupé dans son élan. Il conduit
l'histoire jusqu'au bout quel que soit son niveau, libre à lui d'y
revenir pour améliorer sa performance. C'est aussi appréciable en jeu à
deux, la mort de l'un ne risquant pas de pénaliser l'autre.


New Super Mario Bros. :

Traditionnellement, les jeux Super Mario ne pardonnent pas l'erreur. Ou si peu : on rétrécit le personnage qui a malencontreusement loupé une marche ou dérapé sur un goomba, on lui
retire une « vie »... Mais au final si on se trompe une fois de trop c'est la mort irréversible, le game over et sa mise en scène punitive :
musiquette narquoise, rire vainqueur du méchant, fondu au noir, vue de
la dépouille du héros...
Pourtant la tendance actuelle chez Nintendo semble être l'ouverture vers un public novice et impatient : pas de long apprentissage des
manipulations, pas de risque d'échec trop grand, pas d'itérations
interminables du même niveau jusqu'à l'apprendre par coeur, en bref pas
de risque de frustrer ou de lasser. Quelles innovations
permettraient au joueur de Mario de ne pas mourir en boucle ? De quelle
façon le gameplay d'un Mario peut-il être modifié en ce sens ?

En réalité, il ne l'est pas. Toujours le même système de décompte
implacable du nombre de vies à chaque faux pas, toujours le même
rétrécissement du héros pour figurer ses blessures, toujours le même
game over. En revanche deux choses inédites ont été ajoutées.
Premièrement si on joue à plusieurs, l'un des personnages peut se mettre à l'abri dans une bulle le temps de laisser les autres passer pour lui
une étape difficile. En revanche si tout le monde se met en bulle, tout
le monde meurt. Et deuxièmement, si on bute sur un niveau sans réussir à le passer, on peut à certaines conditions débloquer une « solution » :
la façon de parvenir au bout est révélée, et on peut au choix retenter
le niveau ou passer au suivant.
Dans les deux cas, il s'agit simplement d'esquiver une partie du jeu, de ne pas la jouer. Le gameplay conserve son côté un peu
archaïque « subis ou passe ton chemin », sans créativité. C'est un peu
dommage, mais peut-on vraiment toucher à la nature d'un jeu qui est un
remake de la suite de la suite d'un classique ? Avec un peu d'audace, il y aurait tout de même sûrement de quoi inventer quelques variantes au
canon. Après tout le monde de Mario est fait d'innombrables tunnels,
dimensions parallèles, mondes cachés et warp points. Pourquoi ne pas
imaginer qu'un Mario super trop rétréci par les attaques ennemies
atterrirait dans un autre monde le temps de regagner de la force, à la
façon d'Alice au pays des merveilles passant la petite porte après avoir bu le flacon. Ou au contraire le game over est-il un concept-clef à
conserver ?