Une accroche journalistique (Joypad anyone ?) qui sentait le souffre, mais terriblement révélatrice d'une frustration insupportable. La Nintendo 64, maintes fois promises était une nouvelle fois repoussée en France à une date indéterminée... Les performances commerciales explosives de la console de Nintendo au Japon et États-Unis étaient pointées du doigt par une presse exaspérée. Ce retard de trop succédait à d'autres, révélant un degré de fébrilité que personne n'aurait prêtée à ce géant de l'industrie des loisirs interactifs.
 
 
L'annonce officielle du Project Reality avait été faite en octobre 1993 par le PDG de NoA, Howard Lincoln, tout heureux d'annoncer un partenariat précieux avec Silicon Graphics, société en pointe de la technologie 3D. La suite ? Une simple photo de la machine jetée en pâture en lieu et place d'une démonstration en bonne et due forme au printemps 1994. Ce rendez-vous manqué en appellera d'autres biens plus agaçants. Lors de l'édition 95 du Shoshinkai, Nintendo présente enfin sa prochaine génération en version jouable. La presse papier jubile, la proposition du numéro un mondial force le respect (en vitrine Super Mario 64) en dépit du manque de finition des jeux dévoilés, témoignant aux yeux des observateurs avisés d'un défaut de préparation annonciateur d'une probable temporisation. Au-devant des médias, les porte-paroles du fabricant balaient d'un revers de main ces spéculations. Ils appellent à la raison et donnent invitation à tous les prescripteurs au mondial du jeu vidéo de mai 1995 pour prendre connaissance du plan de lancement international de la N64.
 
Joueurs comme journalistes rongent leur frein, mais s'agacent tout de même de ces ajournements continus. La conférence d'ouverture de l'E3 donne entière satisfaction et calme les plus grincheux. La Nintendo 64 dispose enfin d'une date ferme : Noël 1995 aux USA et quelques mois plus tard dans notre doux pays. Le monde du jeu vidéo jubile pour quelques semaines avant que Nintendo change sans préavis son calendrier de lancement. La console est repoussée en Amérique du Nord (avril 96) comme au Japon. L'Europe attendra. L'exaspération est à son comble, le fabricant devient la cible parfaite d'un déchaînement de protestation. La rubrique du courrier des lecteurs des magazines fait écho à la nervosité contenue des journalistes. Ils n'étaient pas au bout de leur peine...
 
 
Je me souviens d'une promenade dans le centre commercial de La Défense. Les bras chargés de course, je tombe sur une affiche posée en évidence devant la porte d'un point presse. Elle reprenait la couverture d'un mensuel de jeu vidéo dont le nom m'échappe (merci à Schlurri pour le tips). L'accroche était assez violente, néanmoins elle traduisait l'exacerbation d'un mécontentement général : PUTAIN UN AN !!
 
Il faut dire que Nintendo avait tendu la perche pour se faire battre. Le constructeur avait lancé une campagne publicitaire massive dissuadant le joueur de succomber aux charmes des consoles 32bits, l'imminence de la sortie de sa machine nouvelle génération devait calmer les plus impatients. Ce fut l'inverse de l'objectif recherché.
 
 
Via un laconique communiqué de presse dont le département marketing & communication de Nintendo a le secret, le délai de trop est dénoncé à l'unisson par les médias. La date de sortie était dorénavant fixée à mars 97 en Europe (contre sept. 96 aux USA). De ce qu'il convenait légitimement d'appeler Haine 64, ne restaient à son égard que ressentiment et moquerie. Sony et Sega avaient montré la voie avec des écarts de calendrier entre régions du monde réduites en peau de chagrin. Nintendo restait fidèle à sa réputation, en effet, la Super Nintendo a été commercialisée avec deux ans de retard sur le Japon. Les spécificités télévisuelles hexagonales (seul territoire SECAM) ne nous ont pas épargnés d'un atermoiement révoltant. La console sera finalement disponible en France en septembre 97 alors que nos voisins allemands et anglais disposaient d'elle en mars 97. Ces piétinements à répétition avaient fini par user la patience d'une bonne partie des joueurs, la PlayStation faisait finalement consensus.