Sur fond de crise du leadership nippon, le magazine Famitsu continue au fil de ses numéros de mettre en exergue les valeurs sûres ou montantes de l'industrie du jeu vidéo japonais. Il s'agit de valoriser les symboles dans un contexte où les créatifs n'ont été que l'ombre d'eux-mêmes pendant la majeure partie de ce cycle HD. Cette semaine, Kaname Fujioka et Yohei Kataoka (lire le billet précédent) partagent l'affiche avec Keiichiro Toyama, auteur de Silent Hill, Siren et Gravity Rush, excusez du peu.
 
"Je suis tombé dedans lorsque j'étais étudiant", fait observer le game designer. Dans son esprit, jeu vidéo et travail étaient alors deux sacerdoces inconciliables jusqu'à ce que : "un représentant de Sega avait organisé un séminaire dans l'école d'art où j'étudiais. C'est à ce moment que j'ai pris conscience qu'une fois mon diplôme décroché, je pourrais travailler pour un éditeur de jeux vidéo." Parmi toutes les offres d'emploi à sa disposition, il choisit Konami.
 
C'était en 1994, la PlayStation faisait l'événement au Japon. Les jeux de combat étaient plébiscités par les joueurs, mais ce sont les survival-horror qui trouvèrent grâce aux yeux de Toyama. Doctor Hauzer sur 3DO avait en effet éveillé en lui une profonde attirance pour les ambiances dévorantes, toutefois Konami l'orienta vers des productions aux antipodes de ses aspirations. Bon gré mal gré, Toyama accepta de travailler sur la simulation sportive Track & Field avant que la concurrence ne chamboule les plans de Konami.
 
 
Resident Evil raflait tous les suffrages lors de sa sortie. En réponse, l'éditeur mobilisa ses jeunes recrues "je venais juste de terminer ma période d'essai au moment où l'état-major réunissait les forces vives en une seule équipe. C'était pendant la transition 3D. Les choses s'étaient rapidement accélérées après ça. Différents documents circulaient entre nos mains, j'ai fini par choisir un concept qui allait devenir Silent Hill". Son expérience dans ce domaine était quasi nulle, mais il disposait d'une solide culture cinématographique : "j'avais vu la majeure partie de la filmographie de David Lynch. Je n'avais qu'à me saisir de ce qui trônait sur mon étagère pour trouver l'inspiration [...] je ne voyais pas en Silent Hill un véritable jeu d'horreur, mais cela fut une surprise pour moi quand les joueurs m'ont rapporté avoir eu très peur".
 
Quelques mois après le triomphe réservé au jeu, Toyama prit ses distances avec Konami pour finalement rejoindre Sony Computer. Il s'en explique ainsi : "prendre le poste de directeur fut une décision trop précipitée. J'y ai laissé quelques plumes pendant le processus de production. J'étais entouré de personnes talentueuses, cependant j'ai eu l'intime conviction que mon travail de conception s'est limité à brider leur virtuosité". En intégrant une structure plus large, le game designer avait l'intention de "réapprendre mon travail". Une promesse faite à lui-même qui engendrera Siren et bien plus tard Gravity Rush : "mon appréhension était presque identique dans la réalisation de ces jeux. Vous créez une ville avant d'ajouter un personnage innocent évoluant dans un contexte de crise."
 
Bien qu'il lui soit impossible de s'épancher sur son nouveau projet en cours de développement, Toyama laisse filtrer quelques indices : "à chaque fois que je travaille sur un thème éloigné du jeu d'horreur, les idées fusent. J'aimerais réaliser un nouveau survival horror [...] malheureusement, les budgets exigés sont de nos jours sans commune mesure avec ceux du passé. C'est de plus en plus délicat de rentabiliser ce genre de jeu." L'avenir du survival horror est donc scellé ? Il existerait une alternative selon le créatif : "si j'avais la chance de réaliser un titre comme Journey opposant deux ou trois heures de challenge intense, j'adorerais tenter l'expérience".
 
 
En pleine période d'alternance technologique synonyme de nouveau départ, la publication référence offre une lecture nationale des forces en présence.