Le regard bleu perçant et vêtue d'un pull col V noir de marque Lacoste qu'elle ne quitte pratiquement jamais, Julie Uhrman se pose là. La fondatrice de Ouya rêve de canaliser l'offre pléthorique de jeux en provenance de la scène des indépendants vers le téléviseur roi. Et ce n'est pas la commercialisation imminente des consoles nouvelle génération, elles-mêmes totalement éprises de ce nid de créativité, qui changera quoique ce soit à sa feuille de route : "j'ai toujours considéré le format Ouya comme un plus produit. Il s'agit d'une plate-forme à prix compétitif à partir de laquelle nous proposons en accès libre un avant-goût de tous les jeux", précise cette dame de fer.
 
Et ce ne sont pas uniquement les exclusivités Fists of Awesome ou Towerfall arrachées à la concurrence qui conforteront la dirigeante dans son opinion : "dernièrement, j'ai pris connaissance d'une statistique selon laquelle la Xbox One coûtera en moyenne 1000$ (725€) sur l'année si l'on ajoute la souscription à l'offre Xbox Live et l'achat d'un ou deux jeux". Un coût discriminant qui en période de crise économique aigüe interpellera le joueur désargenté. Un argument corroboré par John Riccitiello, ex-dirigeant du puissant Electronic Arts dont la dernière sortie médiatique pointait l'inconvenance "du prix élevé des jeux". Cette petite console se faufilerait ainsi entre les problèmes structurels et conjoncturels nés d'une maximisation des coûts de développement des machines dites traditionnelles répercutés in fine sur le prix de vente des jeux.
 
Un cercle vicieux auquel s'attaque Julie Uhrman : "les développeurs sont en capacité de tester leur jeu (sur Ouya) puis de le porter sur une console de leur choix sans payer des droits d'entrée infranchissables." Sans parler de l'apport d'une plus grande visibilité impossible à obtenir auprès des plates-formes mobiles dorénavant embouteillées par plus d'un demi-million de titres ou sur les portails des consoles de salon de Sony et Microsoft dont les critères de sélection prêtent à discussion.
 
Mais tout n'est pas rose dans le pays chatoyant d'Ouya. La présidente reconnaît officiellement des impairs et assume l'entière responsabilité des ratés de la communication à destination des joueurs comme des développeurs : "nous sommes une jeune entreprise pas bien organisée [...] nous évoluons parce que nous sommes constamment à votre écoute". À côté des maladresses de sa campagne marketing (vulgaire et immorale), des bourdes ergonomiques du matériel (manette), il y a ce fonds d'investissement (Fund the Games, une réserve d'argent pour les développeurs) dont les médias soupçonnent malgré les démentis officiels qu'il est alimenté par une partie de l'argent récolté par la campagne Kickstarter terminée avec succès.
 
Le manque de maturité d'Ouya est à l'image de ce jeune marché peu structuré, en quête d'un modèle économique viable qui reste encore à être adopté par le public.