Être en quête d'une réalisation plus intimiste après avoir supervisé des superproductions multimillionnaires représente une étape naturelle dans le parcours professionnel des créatifs. Si c'est de l'ordre de l'incantation verbale pour Shigeru Miyamoto ou Hideo Kojima, Patrick Plourde a d'ores et déjà franchi le pas. Je vous l'accorde, son patronyme a beaucoup moins d'élégance que les deux monstres sacrés suscités, mais il est amené à briller avec presque autant d'éclat que son collègue de travail Michel Ancel.
 
Patrick est directeur créatif au sein d'Ubisoft. Il n'a pas compté ses heures lorsqu'il a eu la charge de mener à bien le développement de deux piliers du portfolio de l'éditeur français, Far Cry 3 et Assassin's Creed Brotherhood. Le succès galvanisant de ces deux titres est pourtant responsable d'une véritable remise en question de son implication dans de grandes équipes : "est-ce que je suis un créatif dévoyé parce que je me dissimule derrière 600 personnes ? Ai-je la capacité d'être au diapason d'un Jenova Chen ? (du studio Thatgamecompany)" s'interroge Patrick dans les colonnes du site Gamasutra.com.
 
 
Il lui est urgent de revenir à des projets de taille humaine où chacune de ses prises de position artistique ne serait pas diluée par l'intervention d'une multitude d'intervenants. Child of Light est donc né de ce besoin d'oxygénation. C'est une oeuvre intimiste où chaque thème visuel est pensé comme une succession de tableaux de couleurs très naïves, aux tons pastel. La taille de l'enveloppe financière nécessaire à la création du jeu est aux antipodes des triples A que signe habituellement l'éditeur. Si bien que la relative faiblesse du budget de développement a provoqué l'étonnement du PDG Yves Guillemot, qu'il a fallu convaincre d'accorder une petite pause créative à cette valeur montante, grimpant deux à deux les marches de l'escalier hiérarchique.
 
L'homme revendique une culture ludique instruite par le JRPG, en premier lieu duquel Final Fantasy 6 jouant un rôle important dans la structuration des composantes de gameplay de Child of Light. Son titre emprunte au joyau de Square Enix le système de combat, les arbres de compétences en saupoudrant le tout d'énigmes environnementales et d'une option deux joueurs vivement encouragée par le créateur. Cette oeuvre minimaliste est en totale rupture avec les dernières réalisations dont il critique l'obéissance aveugle au "fan service". Il semble très marqué par ce qu'il appelle "l'été du nouveau millénaire" lorsqu'ont été commercialisés pèle-mêle sur PSone Chrono Cross, Vagrant Story, Legend of Mana et Final Fantasy IX. Cette succession de jeux a ouvert le champ des possibles, débridant l'imagination des créatifs. Il cite également une piste musicale de FFX "Beyond Zanarkand", Tolkien, Yoshitaka Amano, Arthur Rackham comme sources d'inspiration : "avec de l'imagination, vous n'avez pas de limites."
 
 
Grâce à la puissance du nouveau moteur graphique 2D (UbiArt) qui a sublimé l'univers de Rayman, Patrick Plourde a enfin l'opportunité de préserver ces fabuleux travaux graphiques préparatifs (concept art) destinés à valider une direction artistique, de la précision technique responsable d'une formidable froideur visuelle. Le travestissement artistique contenu, ce sont de véritables croûtes picturales, d'esquisses féériques, de fresques graphiques qui défilent sous les yeux. Un titre à suivre !