Ingénieur inspiré qui a évolué dans le sillage de Ken Kutaragi, Teiyu Goto a dans un premier temps travaillé sur la confection de la coque des PlayStation, des manettes et de certains accessoires complémentaires. C'est au printemps 1993 qu'il fut enrôlé dans l'aventure PS-X. La communication avec Kutaragi était permanente, le design étant une prérogative dévolue à une élite au sein du groupe de travail piloté d'une main de fer par le père de la PlayStation.
 
 
Les premières ébauches n'étaient pas convaincantes, mais toutes tendaient vers une certitude "un cercle dessiné sur une boîte pour les besoins du CD-Rom", confia-t-il au magazine Famitsu. En réalité, une contrainte économique imposa cette conception. Exempté d'un coûteux tiroir à moteur, l'accès au CD s'orienta basiquement vers le choix d'un couvercle s'ouvrant sous la pression d'un ressort. Ce n'étaient pas les lignes filiformes de la PS-X qui posèrent à Goto le plus de tracas. "Le département Engineering ne voulait pas que l'on s'éloigne trop de la manette NES", la finition parfaite du pad de la console de Nintendo avait effectivement pesé subtilement dans la confection de celui dédié à la plate-forme de Sony. "C'est un standard, rapporte-t-il, les joueurs n'accepteront jamais que l'on s'en écarte".
 
 
N'écoutant que lui-même, il présenta au PDG de l'époque (Norio Ohga) une variation du modèle inventé par Nintendo. Deux boutons de tranches supplémentaires démarquaient la manette PS-X. Pas seulement par nécessité esthétique. L'avènement de la 3D conditionna leur existence : "leur présence a permis au PDG de mieux appréhender l'espace 3D". Toutefois, leur validation n'était pas pour autant gagnée. Le reproche principal ? La faible adhérence desdits boutons. Si bien que les recherches en ergonomie s'étaient réorientées vers une conception aplatie du pad, ce qui provoqua la colère noire du PDG de Sony : "Ça ne va pas du tout ! Pourquoi avoir abandonné le concept que vous m'avez soumis auparavant ?" rapporte Goto.
 
 
Ce soutien inattendu, Goto le mis à profit, non sans mal. Il ne suffit pas d'avoir raison contre tout le monde ni d'obtenir le soutien le plus solide qui soit. L'équipe Kutaragi ne jouissait pas - et ce houleux épisode le démontra une nouvelle fois, d'une coopération idéale. Autre écueil qu'a dû relever Goto, l'agrégation des boutons : "c'était tout aussi épuisant de convaincre notre département de tutelle. Les conventions de l'époque étaient d'attribuer des lettres de l'alphabet ou des codes couleur". Déterminé à imposer une singularité propre au design du pad de la PlayStation, Goto opta pour des formes géométriques facilement mémorisables : "j'ai voulu associer aux symboles triangle/rond/croix/carré une couleur distincte et une signification imaginaire qui leur soit propres. Le triangle évoquait la perspective [...] le carré symbolisait un morceau de papier [...] la croix et le cercle, la prise de décision (oui/non)".
 
Ses aspirations étaient une nouvelle fois taxées d'incongruités, mais l'homme fit preuve de patience et de persévérance qui auront fini par être payantes. Avec le recul et en dépit des multiples soubresauts qui ont émaillé son expérience professionnelle, l'homme se dit heureux d'avoir construit l'identité d'une console vendue à plus de 100 millions d'exemplaires dans le monde.