"Après toutes ces années, je ne sais pas s'il existe des joueurs qui ressentent encore de l'affection pour James Pond".
 
C'est avec cet avant-propos mal assuré que Chris Sorrell s'adresse à tout un chacun afin d'annoncer dès le 20 septembre, le lancement d'une levée de fond publique sur le réseau de financement participatif Kickstarter. Cette campagne est destinée à préparer le retour de James Pond, une légende du jeu vidéo qui a connu le succès sur micro (Amiga, Atari ST...) et console Mega Drive au début des années 90 avant de se perdre successivement dans des adaptations ratées (le dernier opus sur iOS a essuyé de sévères critiques).
 
Ce surdoué de la programmation n'a que 18 ans lorsqu'il se lance dans le développement d'un projet personnel au sein de la petite équipe de Vectordean. Chris souhaitait d'emblée sortir des sentiers battus. Il écarta l'idée de s'inspirer d'un animal "en faveur de quelque chose de jamais vu avant, dont les caractéristiques physiques et l'environnement naturel pouvaient apporter quelque chose de neuf aux mécanismes de jeu ainsi qu'à l'aspect visuel" témoigne le bouillonnant créatif à Retrogamer. C'est à l'aide de Deluxe Paint qu'il dessina la silhouette prototypaire d'un poisson rouge aux yeux globuleux. Le prétexte à l'évolution d'un avatar dans un milieu aquatique donnait un aperçu des idées novatrices de gameplay dont regorgeait le concept. Poussé par ses collègues de travail, il présenta son ébauche à l'éditeur Millénium : "son titre provisoire était Guppy, ils l'ont changé en James Pond [...] parce que cela faisait plus vendeur [...] j'avais trouvé ce nom ringard, mais plus j'y pensais" plus le créatif lui trouvait des justifications.
 
 
Ce sera la seule entorse qu'il accepta d'un tiers. Chris est en effet un programmeur multitâches. Il s'occupe à lui seul du "graphisme, du design et du code" se complimente-t-il. Sept petits mois auront suffi pour réaliser le jeu, attirant l'appétit d'Electronic Arts : "ils nous ont donné la possibilité de porter notre titre sur MegaDrive". Il traversa l'Atlantique pour signer les derniers paragraphes du contrat et revint dans les locaux du studio les bras chargés d'un précieux kit de développement de la 16 bits de Sega : "James Pond était le premier jeu européen à être commercialisé sur Mega Drive" se félicite Chris. La presse spécialisée a accueilli favorablement le premier volet des aventures aquatiques de James Pond. Dans les colonnes de Tilt, notre AHL national saluait d'un 16/20 les versions Amiga et Atari ST tandis que Cyril Drevet accordait un 87% à l'adaptation console. Les joueurs lui prêtèrent une attention toute relative, mais jugée suffisante pour lancer une suite. 
 
Chris chercha à renouveler ce titre devenu franchise en s'inspirant des têtes d'affiche du cinéma hollywoodien. Robocop avait marqué la jeunesse du créatif. En plus de son apparence d'agent secret, le design du poisson rouge fut gratifié d'un semblant de combinaison métallique alors que le sous-titre de cette suite (James Pond 2 Robocod) explicita la référence cinématographique. Ce second volet "représente l'un des plus précieux à mes yeux" clame le créatif, c'est aussi celui qui réalisa le meilleur score de ventes. Le troisième épisode s'inspirait aussi du cinéma, avec "le calembour Splash Gordon, je voulais témoigner de ma passion pour le cinéma de science-fiction". L'homme admet que le lancement de "Super Mario World a totalement redéfini mes attentes en matière de profondeur d'un jeu de plate-forme" ainsi que "la vitesse et le clinquant de Sonic" ont façonné la réalisation de James Pond 3. Les niveaux deviennent immenses compliquant la sauvegarde de progression du joueur et les idées empruntées finissent par lasser : "nous avions perdu l'identité et l'innocence de James Pond en nous inspirant de Sonic et Mario" glisse Chris.
 
 
Avec l'arrivée en fanfare de la PlayStation, Chris s'attaqua à d'autres projets, dont l'excellent MediEvil. Sony ne se fit pas prier pour racheter le studio de ces surdoués du jeu vidéo. Millenium fut rebaptisé Studio Cambridge quelques jours après l'acquisition. Bien des années plus tard, on retrouve sa trace dans une superproduction, Prototype. Malgré deux volets, le jeu ne soulève pas l'enthousiasme. Il quitte Free Radical et caresse l'espoir de donner une nouvelle chance à sa première création malmenée par des éditeurs peu regardants sur la qualité des jeux à licence James Pond : "je suis amer" s'étrangle Chris d'avoir cédé les droits à des sociétés peu scrupuleuses.
 
Avec Kickstarter, ce dernier semble vouloir réparer les affres de ce "marché impitoyable" en réhabilitant le statut d'icône légendaire du jeu vidéo la création qui lança sa carrière professionnelle. Cette fois en prenant à témoin les joueurs que le moindre euro dépensé sera affectés à son élaboration et non engloutis en dépense marketing superflues.
 
Top départ le 20 septembre. En seriez-vous ?