Air connu : le visage rond comme un ballon, il picore des citrons, c'est lui... Hideki Kamiya, le volubile créatif derrière l'extravagante production The Wonderful 101. Bien qu'il déteste les protocoles, le voilà pourtant contraint d'accepter d'être torturé de questions (consensuelles) avec le passage obligé des Iwata Asks. Ce personnage très talentueux, mais indiscipliné, est mal connu du grand public.
 
Piqué dès son plus jeune âge par la passion du jeu vidéo, il raconte son parcours du combattant pour assouvir cette soif qui ne le quittera plus. Ses parents désargentés et stricts ne pouvaient lui offrir les consoles de salon du moment (Intellivision, Atari 2600...). Ces produits d'importation étaient en effet hors de prix. Alors, ce petit dégourdi écumait les grands magasins voire se faufilait à l'intérieur de lieux réservés aux classes supérieures (non sans subir des taquineries) pour jouer. Il lui arrivait de jouer des poings également, son copain de quartier possédait l'objet de toutes ses convoitises et malgré son comportement tyrannique avec le jeune Kamiya, l'envie de jouer était la plus forte. Ce n'est qu'à son entrée en cours moyen que ce dernier s'offrit une Famicom. Avec le petit pécule gagné à chaque passage en classe supérieure, il acquit un trésor de guerre.
 
Le jour de la commercialisation de la console de salon de Nintendo, il se leva à 4 heures du matin avant de constater sur place qu'une file indienne s'était déjà constituée. Revenu bredouille de son escapade matinale, un ami de la famille lui proposa de le dépanner d'une Famicom accompagnée de quinze jeux pour 30 000 yens (230€). Il restera silencieux sur l'origine de cette offre providentielle (tombée d'un camion de livraison ?).
 
mmmmm... je perçois des bioparticules...
 
Est-ce par obligation contractuelle ou par sincérité, Kamiya déclare avoir passé ses plus belles années sur la toute première console à vocation internationale de Nintendo. Son éveil au processus de développement d'un jeu vidéo se manifesta à la lecture d'un entretien entre Shigeru Miyamoto et le créateur de Xevious, Masanobu Endo paru dans la publication officielle Famicom. Cette vocation s'affirma au collège. Ses premiers pas furent hésitants. Sans savoir par où commencer, il acheta un ordinateur Nec PC-8801 dans le but d'apprendre à programmer. Mais très vite, le démon du jeu prit le dessus avant qu'un sursaut provisoire ne vînt lui rappeler ses premières intentions. Ses efforts furent laborieux, le découragement le gagna rapidement. Mais à force de tâtonnement, le créatif réussit son examen d'entrée chez l'éditeur Capcom (il postula chez Nintendo qui rejeta sa candidature). Chaperonné par Shinji Mikami qui embrassa peu ou prou le même parcours initiatique sinueux, l'homme prend ses marques grâce au succès colossal de Resident Evil.
 
Il travailla en tandem dans la réalisation de l'épisode deux de la franchise montante de l'éditeur. Cette expérience professionnelle se révéla extrêmement douloureuse. En effet, rien ne se passa comme prévu "j'avais totalement foiré. Je disais oui à tout ce que l'on me proposait, le résultat s'était avéré catastrophique. Nous avions dû reprendre tout depuis le début et dire adieu à un an et demi de travail". Kamiya endossera l'entière responsabilité de cet écueil : "c'était l'une des licences qui focalisait toute l'attention de Capcom". Les soubresauts qui ont émaillé le développement de cette suite s'étaient propagés dans la société comme une trainée de poudre. L'homme dit en avoir profondément souffert : "les collègues me fustigeaient du regard en chuchotant 'c'est lui ! C'est le gars qui a coulé Resident Evil 2'. Ce fut un choc très dur".
 
Bien que la pilule reste amère, il dit avoir tiré les leçons de ces troubles professionnels : "je prenais des décisions sans planification préalable, je subissais toutes sortes de pression, j'avais baissé mes propres critères qualité pour gagner l'approbation (de ses pairs). Mais au-delà de tout ça, il était important pour moi de le ressentir intérieurement". Okami et Viewtiful Joe ont également connu sous sa direction, une refonte totale de leur direction artistique et conceptuelle. Le style graphique si particulier d'Okami fut changé en cours de production tandis que pour Viewtiful Joe : "alors que j'avais terminé la carte, les problèmes de conception étaient survenus bien plus tard." C'est en usant de trucs et astuces décalés dans le but de corriger ses erreurs que ce titre déjanté gagna en maturité et cohérence.
 
Un pastiche d'Iwata reprenant sa gestuelle de chef de gare SNCF
 
Beaucoup de chemin parcouru avant de servir sur un plateau d'argent The Wonderful 101. Grâce à toutes ces méandres, l'indomptable Hideki Kamiya est devenue une valeur sûre de cette industrie.