Fragile, lent, coûteux, inopportun... En 1993, le CD-ROM n'avait pas bonne presse chez Nintendo. Échaudés par la conduite hasardeuse des partenariats noués avec Sony puis Philips, et confortés par les échecs cuisants des CD-i, PC-Engine et Mega CD, les lieutenants du maître de guerre Hiroshi Yamauchi avaient été sommés de trouver une solution de substitution. Malgré le vieillissement du support cartouche, ses avantages restaient intacts aux yeux de l'homme fort de Nintendo. Toutes les ressources du pôle Recherche & Développement étaient donc mobilisées pour réaliser l'impossible (une routine sous sa présidence) lorsqu'au beau milieu de l'année 94, les ingénieurs annoncèrent avoir mis au point une méthode de compression de données révolutionnaire.
 
 
Grâce à de puissants algorithmes, une simple cartouche Super Famicom pouvait contenir théoriquement jusqu'à 100 Mo de données (contre un maximum de 8 Mo commercialement autorisé sur cette 16bits). Avec l'aide de la puissance du hardware du Project Reality (N64), la capacité de traitement rehaussée des processeurs appuyée par une plus grande bande passante avait considérablement facilité la compression. Nintendo était donc en mesure de lancer sur le marché, une console dénuée de lecteur CD-Rom. Un avantage compétitif que le fabricant avait été en mesure de répercuter sur le prix de vente de son format nouvelle génération.
 
 
Mieux encore, les temps d'accès quasi inexistants sur ces super-cartouches (Doom 64 et Resident Evil 2 contrediront cette vérité) se démarquaient avec ceux très agaçants du support CD. Nintendo s'était empressée de déposer son brevet aux autorités de régulation compétentes afin de protéger sa découverte de la prédation des concurrents. En premier lieu desquels Sega qui contre toute attente, lança un périphérique cartouche 32X dont la prétention était d'offrir les premiers titres 32bits en 3D mapée du marché (sur support cartouche). Proprement vantée dans les publicités, manette en mains la réalité graphique tridimensionnelle était bafouillante. Une telle innovation dans le principe de compression des données d'un jeu ne pouvait qu'attirer l'attention de Sega. Mais ce dernier était hésitant à l'idée de reverser des royalties à son ennemi intime. Et se lancer dans cette recherche en interne prendrait beaucoup trop de temps et d'argent. Le PDG de Sega of America Tom Kalinske, partageait donc l'opinion d'Hiroshi Yamauchi sur la technologie imparfaite du CD-ROM. Cependant, celui-ci fut désavoué par ses homologues de Sega Japon. Il saborda la 32X au profit de la Saturn qui aura fait du support CD sa force de frappe commerciale (multimédia, jeux vidéo...).
 
L'homme à la tête de la branche américaine de Sega se sera converti bon gré mal gré aux désidératas de ses supérieurs, tandis que Yamauchi n'aura souffert d'aucune contestation interne ou si peu. La Nintendo 64 fut la dernière console du constructeur à proposer le support cartouche.