Arc System Works tient bon la vague et tient bon le vent. Le studio de création derrière l'inusable Guilty Gear fête ses vingt-cinq années d'existence. Un quart de siècle à promouvoir sans sourciller la 2D en dépit des progrès visuels considérables de la troisième dimension. À ce stade, cette constance n'obéit pas un effet de mode, mais résulte d'un véritable dévouement. Minoru Kidooka le sait bien, il pilote davantage par amour que guidé par un sens aigu des affaires, ce studio hors norme.
 
L'homme fort d'Arc System Work n'a pas le sentiment d'avancer à reculons à l'intérieur d'un secteur abandonné au déterminisme technologique. "Vous savez, les épreuves n'ont pas été nombreuses" atteste Kidooka dans la dernière livraison de Famitsu. Il précise qu'en 1988, les conditions d'exercice de son métier étaient très favorables : "lorsque nous avons fondé cette société, les jeux se vendaient à la pelle." À ses débuts, ASW était sous-traitant pour de grands éditeurs. Des dizaines de titres ont été réalisés "sans même que nous en soyons crédités" regrette-t-il.
 
Cette première entrée dans le monde irrespectueux du développement suscita une salutaire prise de conscience : "c'était en 1993, la PlayStation venait d'être officiellement annoncée. Sony faisait les yeux doux aux éditeurs. Je me suis présenté à une réunion pour y acquérir un kit de développement. J'y suis allé en douceur. Ainsi, une des raisons pour laquelle Arc existe, c'est parce que Sony Computer Entertainment a créé les conditions environnementales et financières pour que les petites structures puissent devenir concurrentielles". Le studio prend donc les habits d'éditeur afin d'avoir le contrôle sur ses propres créations : "le statut de développeur indépendant est épuisant".
 
 
Attaquer de front les géants de l'édition n'effraie pas le dirigeant. La très prolifique productivité du studio témoigne de cet optimisme. Douze jeux ont été commercialisés cette année. La 3DS a gagné les faveurs d'Arc, surtout le dématérialisé sans toutefois y tirer une grande satisfaction : "l'ensemble de l'industrie s'oriente vers le contenu téléchargeable et le free to play [...] nous sommes aux avant-postes en plus d'avoir un pied dans la branche arcade [...] bien que ce ne soit pas la plus belle des manières de fêter nos 25 ans, nous démontrons notre efficacité à nous adapter à différents modèles d'affaires et de croissance des revenus."
 
Kiddoka prépare activement la fin de la transition de marché avec la promesse de commercialiser à un rythme soutenu, un titre tous les deux mois dès 2014. En tête d'affiche, la version PS3 de BlazBlue Chronophantasma qui sera appuyée par une série animée en octobre prochain au Japon. Le responsable espère que cette boulimie n'entamera pas l'énergie créative nécessaire à la réalisation "d'un nouveau Guilty Gear [...] Daisuke Ishiwatari (directeur du jeu) travaille d'arrache-pied pour mettre à profit ses quinze années d'expérience" souffle Kiddoka. Très appréciée pour sa direction artistique débridée (personnages comme décors), Guilty Gear poursuit sa mue en côtoyant "la 3D" comme une perspective visuelle 2D "cela ne devrait pas décevoir les fans" présume le dirigeant.
 
 
Si jusqu'à maintenant, Arc est resté réfractaire au polygone c'est à cause de ses carences : "c'est difficile de réaliser des mouvements fous en 3D, tels les bras d'un personnage qui s'étire en longueur [...] nous devons nous en tenir à la 2D." Quand bien même cette identité visuelle n'attire qu'un marché de niche, Arc System Works s'en satisfait. Et ce ne sont pas les consoles de prochaine génération qui pointent le bout du nez, avec leur cortège de nouveautés telles que le coud gaming, qui changeront quoi que ce soit : "nous faisons ce que nous avons envie de faire depuis 25 ans [...] tout ce que j'ai à faire est de conserver cet environnement de travail".
 
Une belle preuve d'authenticité saupoudrée d'une pointe de militantisme. La 2D vivra !