Il existe des fiascos commerciaux associés de manière indélébile à la réputation d'un éditeur. Même plus de trente ans après, la déconfiture E.T. colle à la peau de feu Atari. Et ce n'est pas la récente initiative de Mike Burns, fondateur de Fuel Industries et accessoirement fan de cette légendaire société américaine qui fera tomber dans l'oubli cet insuccès, détonateur du crash économique de 1983. C'est en mai 2013 que ce dernier obtient l'heureuse autorisation de la mairie d'Alamogordo (Nouveau-Mexique) d'organiser des fouilles sur un site identifié comme probable dépôt improvisé des invendus d'Atari. Loin des yeux, loin du coeur dit-on.
 
Son mandat de six mois permettra à Fuel Industries d'immortaliser au travers d'un documentaire son travail de recherche et de filtrer des fantasmes les plus fous, la vérité sur l'un des plus retentissants accidents industriels de l'histoire du jeu vidéo.
 
Tout partait pourtant d'un bon sentiment. En 1982, le film E.T. réalisé par Steven Spielberg est un triomphe aux USA et dans le monde entier. Les jeunes enfants représentent les vedettes de ce conte moderne. La cible privilégiée des éditeurs de jeu vidéo. L'appétit aveugle d'Atari le précipite dans une spirale dangereuse. Le contrat de licence est mal négocié. Le marchandage a traîné en longueur et son coût pour l'assise financière d'Atari est trop élevé. Il ne reste que cinq petites semaines au constructeur pour se consacrer au développement du jeu tandis que les projections de ventes situent le seuil de profit à sept millions d'exemplaires. Howard Scott Warshaw est un game designer de renom, remarqué par des productions comme Yars Revenge ou Raiders of the Lost Ark. Il acceptera l'impossible. Fin juillet 1982, ses supérieurs lui assignent un plan de travail intenable : le jeu doit entrer en production le 1er septembre afin d'être sur les linéaires au mois de décembre, le pic des ventes.
 
 
Un défi à la mesure du tempérament fonceur de Warshaw : "réaliser un jeu en cinq ou six semaines, ce n'est pas comme s'il fallait rabâcher le travail ou emprunter ce qui se fait ailleurs. J'ai développé le code et les graphismes de A à Z" témoignait avec une pointe d'arrogance, le game designer à AV Club. Son orgueil déplacé encaissera une violente gifle. Les chiffres divergent, mais il est communément admis que sur les 7 millions d'unités produites, 500 000 cartouches ont été effectivement vendues. Les critiques au vitriol auront vite fait de dissuader les joueurs avertis. La capitalisation du succès du film n'aura pas suffi et le titre d'Atari sera même frappé du label "pire jeu vidéo de tous les temps".
 
L'année 1983 est celle de tous les dangers. Au lendemain de ce revers, l'industrie dans son ensemble plonge dans un profond marasme. Les décideurs d'Atari sentent le vent tourner. Actionnaires de leur société, ils vendent précipitamment leur part de capital. Le pdg Ray Kassar sera inquiété par la justice pour délit d'initié, car les actions ont été cédées juste avant le dévissage de la valeur boursière d'Atari. Ironie de l'histoire, après avoir été rachetée par l'impotent Infogrames (devenue Atari SA par la suite), la firme américaine s'est placée en janvier 2013 sous le régime de protection de la faillite (Chapitre 11). Nolan Bushnell, l'un des plus charismatiques dirigeants d'Atari, criera son amertume d'avoir laissé sa petite protégée dans les mains de financiers aux dents longues.
 
Fuel Industries est familier "des expériences de marque" comme le présente son fondateur. Cette agence a travaillé pour de grands groupes : Mc Donald, Mattel ou encore Nokia. L'idée de réaliser des fouilles est venue spontanément : "et si nous décrochions la permission de procéder à des recherches ?" s'est interrogé Innitti. La société a été surprise par l'ampleur de son initiative. Relayée par les médias du monde entier, de nombreux acteurs de différents horizons se sont fait connaître pour l'épauler. Le pdg refuse d'en dire davantage, mais il promet plusieurs surprises.
 
Est-ce la fin d'un mythe ?