D'une humeur massacrante en ce moment, je squatte la rubrique nécrologique des jeux vidéo. Vous savez, ces jeux très prometteurs qui tombent pour d'obscures raisons capitalistiques dans le cimetière des espoirs déçus. Vous rappelez-vous de Malice ? Cette charmante ado qu'il ne fallait surtout pas chatouiller, son marteau démesuré calmait plus d'un parasite à ses trousses.

C'est Argonaut Software qui était aux commandes. Le jeu était à l'origine prévue sur PSone, il utilisait le splendide moteur 3D de Croc 2, un sympathique jeu de plate-forme en trois dimensions temps réel. Mais en 1999 les consoles PlayStation 2 et Xbox pointaient déjà le bout du nez, le studio pris donc la décision de stopper le développement de Malice et de sauter pieds joints dans cette nouvelle aventure. L'objectif ? Vendre leur nouveau moteur 3D (évolution next gen du Croc Engine) aux éditeurs soucieux d'attaquer le nouveau défi des 128bits avec un outil jugé efficace, promesse de coût de production maîtrisé.

Argonaute n'a pas fait les choses à moitié. Conscient que sur le papier la Xbox première du nom explosait à plate couture la PS2, le studio dévoile en juillet 2000 une démo technique hallucinante tournant sur le prototype d'un kit de développement (il s'agissait en réalité d'un PC censé démontrer la puissance théorique de la Xbox). Il fallait composer avec un nouveau vocabulaire (bump mapping...) pour décrire les premiers pas de Malice dans un univers 3D d'une densité jamais remarquée sur console. La presse spécialisée, le web et les joueurs sont en émois, la bouille sympathique de l'héroïne est associée à la console de Microsoft, son statut de mascotte non officielle est discutée. Microsoft se frotte les mains, le coup médiatique est réussi, la console s'installe dans l'esprit de tout un chacun.

"Les histoires d'amour finissent mal" comme le dit la chanson. Argonaut a eu les yeux plus gros que le ventre. Malice devait être lancé en même temps que la Xbox. Le studio a sous estimé l'effort technique de transposer son moteur 3D amélioré sur la console du géant américain. Vivendi, le distributeur, s'impatiente. Le jeu sera maintes et maintes fois repoussés, le développement sera repris à bout de bras par un éditeur sans moyens (Evolved Games). Malice deviendra un titre multi-plateformes au prix d'une immense laideur et d'un gameplay problématique. Le maître étalon sera la PlayStation 2. Portage oblige, le jeu n'exploitera donc pas les ressources spécifiques de la Xbox. Lancé en catimini en 2004, la presse se chargera de sceller le destin commercial de Malice qui avait pourtant tout pour séduire.