Sega marque des points. Les jeunes adultes, segment de marché négligé par Nintendo, plébiscitent la Genesis. Mais il lui manque une identité forte. Un symbole cristallisant les ambitions du fabricant : plus vite, plus haut, plus fort. À cette période faste, le rôle d’une mascotte était d’incarner l’esprit d’une console de salon. La gouvernance du fabricant dépêche ses meilleurs créatifs dans le but de concevoir l’anti-Mario. La proposition d’un duo de brillant game designer se détache : « Dans un premier temps, nous nous sommes orientés vers un lapin... ensuite nous avons expérimenté tout un tas d’animaux comme un tatou ainsi qu’un hérisson, déclare Yuji Naka. Les croquis réalisés par Naoto Ohsima, illustrant un hérisson stylisé représentaient parfaitement la vélocité que nous recherchions imprimée. »
 
Une préversion du jeu est envoyée à la branche américaine. La réception est plutôt froide : « Nous n’avions jamais entendu parler de ce projet. Nous l’avons testé et les appréciations étaient négatives. C’était très beau, mais après quelques minutes de course effrénée l’envie de poser le pad était forte. Après un ou deux mois de développement, Sonic était devenu addictif. On se battait pour y jouer » se remémore Craig Stitt de Sega Technical Institute. Bien que le scepticisme était grand parmi l’état-major américain, le jeu était présenté en grande pompe lors du CES de 1991 alors que Nintendo dévoilait la SNES. « Après le 1er jour, un journaliste d’un grand magazine m’a interpelé sur la palette de couleurs gérée par la SNES autrement plus importante que la Genesis (32 768 contre 512). Il m’a alors lancé : “Qu’avez-vous à répondre ?”. Je lui avais demandé de m’accompagner dans une salle où nous avions installé côte à côte deux téléviseurs branchés à une SNES et une Genesis. Mario et Sonic étaient en démonstration. Et je lui ai rétorqué : “Bien, quel jeu est le plus coloré ? Ce n’est pas une question de nombre de couleurs, mais ce que vous pouvez en faire” ».
 
 
Kalinske avait immédiatement perçu le pouvoir d’attraction de Sonic. Pour ce dernier, l’arrivée de la SNES sur le marché américain est synonyme de concurrence accrue. Une idée traverse l’esprit du dirigeant, elle est fraîchement accueillie par ses homologues japonais. Pour cause, il propose de baisser le prix de la Genesis et de lancer un pack console+Sonic. « Ils ne m’ont pas pris au sérieux. Ils m’ont dit, “Bon sang, nous vendons déjà notre console à perte. Si nous nous aliénions notre meilleur titre, nos profits disparaîtront. C’est dingue !” ». Toutefois, Nakayama avait saisi très tôt les arrières-pensées de Kalinske : « le ratio était de 3 jeux possédés par console. SoA était persuadé qu’une vente à perte pouvait être rattrapée sur la vente de jeux supplémentaires. » Nakayama était furieux que ses collègues rejetaient cette proposition. « Au terme de cette réunion, Nakayama se dirigeait vers la porte puis a tourné ses talons et s’adressa en ces termes à ses homologues, “Je me moque de ce que vous pensez. J’ai embauché cette personne dans le but de changer les choses. Je lui ai promis carte blanche, nous allons suivre ce qu’il dit”. Il était déterminé » témoigne Kalinske.
 
Sa fine connaissance des rouages du marché nord-américain n’est plus à démontrer grâce aux performances exceptionnelles du bundle. 15 millions de packs s’arrachent...
 
La suite se trouve dans cet ouvrage écrit en collaboration avec Sega !