Pur prétexte marketing ou réelle star du jeu de course sur PSone, les opinions se sont confrontées avec véhémence lors de la commercialisation de Porsche Challenge en 1997. L'une des meilleures équipes de SCEE (Studio Soho) s'est mobilisée pour produire un titre d'une rare élégance, sublimé par de nouvelles routines de programmation prédisposant la console à pulvériser les limites techniques d'une 32bits que l'on croyait pourtant acquises.
 
Le désir de Pascal Jarry, la tête pensante de cette production, se revendiquait d'être au diapason des attentes du constructeur Porsche : << Notre souhait ainsi que celui du constructeur était de fournir une simulation aussi réaliste que possible. Je ne voulais en aucun cas réaliser une publicité, mais un jeu qualitatif >> soufflait l'homme au PS Magazine. C'était à l'occasion du lancement du nouveau modèle de la marque allemande, détail qui avait soulevé des craintes légitimes sur la capacité réelle du jeu à développer un gameplay aussi fin que le niveau de détails visuels inédits pour l'époque : << Porsche nous a contactés afin de proposer une licence liée à l'arrivée sur le marché de la Boxter [...] le constructeur automobile souhaitait rajeunir son image. Le jeu vidéo qui s'y rattache s'inscrivait dans cette optique. >> L'une des contraintes majeures en dehors du respect classique du cahier des charges d'un produit sous licence (ne pas présenter une image dégradante des voitures...) << avait attrait au look et aux caractéristiques techniques de la Boxter [...] dans ses proportions comme dans son comportement sur la route >> rassurait Pascal Jarry.
 
 
Quelques anicroches avec la société allemande ont toutefois émaillé le déroulement de la fabrication du jeu, jusque dans le calendrier de lancement : << Porsche désirait que le jeu soit prêt au moment de la mise en vente de leur produit, ce qui n'était pas possible au détriment du jeu. >> Malgré les pressions de l'état-major allemand sur Sony Europe, le studio n'a pas cédé : << Porsche a pris conscience qu'agir de la sorte n'était pas dans leur intérêt. Ils nous ont donc laissé faire à notre guise... >>
 
Pour prendre de la hauteur face à l'embouteillage des jeux de course sur la plus puissante des 32bits du marché, le challenge de Pascal Jarry était relevé. Il fallait non seulement proposer une profondeur de jeu qui fasse mentir les tenants du "titre de commande" dénoncée par une partie des joueurs, mais aussi et surtout surhausser la plastique de Porsche Challenge afin d'attirer l'attention. Tant aussi bien que les meilleurs programmeurs au sein de la filiale européenne de Sony (dont deux élites issues de l'équipe ayant travaillé sur Total NBA, un jeu de basket au graphisme étincelant) se sont associés au projet. Fait rare sur PlayStation, Porsche Challenge proposait un mode deux joueurs en écran partagé alors que le câble de liaison avait les faveurs des éditeurs, mais pas des joueurs. Dans le même esprit, la configuration des circuits rattachée à la difficulté du pilotage << a permis d'aborder cette simulation d'au moins vingt façons différentes >> , s'interdisant ainsi de << concevoir un jeu qui ressemble à une aquarelle mobile dénuée de gameplay. >>
 
Autre subtilité autrement négligée par la concurrence (la référence étant la franchise dominante Ridge Racer), l'Intelligence Artificielle et l'introduction de la capture de mouvement, technique habituellement réservée aux jeux d'action. Fini les sportives qui abordent des tournants à angle droit à plus de 300 km/h sans se soucier du joueur. Les pilotes compétiteurs caractérisés par leur sexe et leur expérience de la conduite usaient et abusaient de tactiques dans le but de gêner la progression du joueur. Le studio a même été jusqu'à matérialiser l'attention que l'IA porte au joueur. Chaque compétiteur était modélisé en 3D mappée et capable de reproduire une gestuelle (mouvement de braquage agressif, regard et mouvement de la tête "suivistes", les protagonistes s'invectivent à haute voix ...) afin d'accentuer de manière supplémentaire le réalisme des courses. Au niveau sonore, le rythme des courses était également variable : << la musique était interactive .>>
 
<< Sans le Profiler (cf. texte) on n'aurait jamais pu réussir cette prouesse . >> Les progrès rapides des middlewares créés en interne ont en effet apporté une ressource révolutionnaire à Sony Europe, soucieux de conjurer l'idée embarrassante que la PSone avait atteint un plafond technologique. Au terme de ses trois années d'existence, beaucoup de suites laissait apparaître une faible progression visuelle alors que la concurrence organisait derrière le rideau sa riposte et promettait une rupture graphique aussi brutale que le passage des 16 bits aux 32 bits (ce qui en réalité pris les allures d'un saut de puce). Porsche Challenge annonçait l'inverse : << nous avions passé les deux premiers mois de développement à dessiner chacune des parties du jeu [...] notre titre ne se résumait pas à un point ou une suite de polygones qui se déplace dans un univers 2D comme la plupart des jeux de ce type à l'heure actuelle. >> Effets de lumière et ombrages temps réel ont également contribué à le nantir d'un spectacle tape-à-l'oeil. Le budget alloué à la fabrication de cette licence commune à Sony et Porsche est de surcroît resté dans la moyenne des jeux de courses sur 32bits (1,5 million d'euros environ), un investissement peu onéreux en comparaison du gain visuel produit.
 
 
La réception critique assurée, le public n'a pas pour autant adhéré à ce régime d'images publicitaires néanmoins séduisant. Malgré l'appui marketing massif (un concours mettait en jeu une vraie Boxter), l'absence de sensation de vitesse, alors que le propos du jeu vantait la vélocité du nouveau modèle des usines Porsche, a dérouté plus d'un joueur. Porsche Challenge ne connaitra pas de suite (en dépit des ventes officielles de 500 000 unités en Europe), mais deviendra le chantre d'une nouvelle classe visuelle sur Psone que Gran Turismo consacrera un an plus tard.