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Depuis le scandale du « Doritos Gate » - qui a terni en octobre 2012 l’image de l’ensemble de la presse jeu vidéo - les gamers sont à l’affut de nouvelles révélations qui accréditeraient le sentiment que tous les journalistes sont « vendus » aux éditeurs. Une rupture de confiance brutale qui contraste avec les témoignages d’affection que les gamers expriment pour des revues aujourd’hui disparues (Tilt, Génération 4, Player One, Joypad ou Consoles+).

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Or, les jeunes lecteurs n’hésitent pas à remettre en question les avis publiés actuellement dans la presse papier / web grâce aux outils de communication qui sont à leur disposition. Un regard globalement plus lucide à l’égard de l’économie de la presse, mais 2012 coïncide aussi avec l’émergence d'une poignée de joueuses bien décidées à dénoncer le machisme dans la culture Geek, et en particulier la représentation caricaturale de la femme dans certains jeux et médias spécialisés (le magazine Joystick fut accusé de faire « l’apologie du viol de Lara Croft » dans son numéro consacré à Tomb Raider).

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Le miroir que Mar-Lard et Anita Sarkeesian ont tendu aux « Straight male gamers » (purs joueurs mâles) libéra un flot de haine et d’insultes d’autant plus violentes que les gamers s’abritaient derrière l’anonymat du web.

A titre personnel, j’ai été très attristé que des gamers se déchainent contre les féministes sur les réseaux sociaux, les menacent de viol ou de mort pour avoir osé émettre des critiques concernant le sacro-saint Jeu Vidéo. Et apporter ainsi les meilleures preuves et arguments aux féministes !

La logique à l’oeuvre est la même qu’avec les fanatiques religieux : si vous leur reprocher leur intolérance, ils vous menacent de mort en retour… et montrent au grand jour leur intolérance. En somme, les gamers qui se complaisent dans le harcèlement illustrent parfaitement ce qu’il leur est reproché.

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"L’affaire Zoe Quinn" intervint durant l’été 2014 dans un climat de paranoïa à l’égard des journalistes, et d’agressivité décomplexée à l’égard des joueuses. Le cocktail des deux est bien évidement explosif. Malheureusement pour la créatrice de jeux Zoe Quinn, son ex-petit ami déballa les affres de sa vie privée sur le web. Il l’accusa d’avoir eu des relations sexuelles avec cinq personnes influentes de l'industrie afin que son projet, Depression Quest, bénéficie d’une couverture médiatique favorable dans la presse et les salons spécialisés.

Deux personnalités furent visées en particulier : un journaliste qui travaille pour les sites américains Kotaku et RockPaperShotgun ; ainsi que l’un des membres du jury qui élit les meilleurs jeux indépendants. Et de fait, Nathan Grayson parle de Depression Quest sur Kotaku, et le jeu fut décoré lors du IndieCade Festival 2013. 

Suite à cette polémique, le rédacteur en chef Stephen Totilo prit la défense de Nathan Grayson sur Kotaku, mais il n’y eut aucun démenti de publié. C’est vraiment étrange, aucun des cinq notables travaillant dans le milieu du jeu vidéo n’a déclaré que les allégations de l’ex-petit ami de Zoe Quinn étaient fausses. Pas même la principale intéressée par cette affaire : Zoe Quinn n'a jamais contesté la véracité des faits reprochés, elle a juste déclaré pour sa défense que

-"c'est parce qu'elle est une femme qu'on l'attaque".

-"ses histoires de fesse ne regardent qu'elle".

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Pour le premier point, difficile de la contredire tant les gamers les plus virulents essayent de réduire Zoe Quinn à une vulgaire prostituée. C’est une grave erreur : il ne faut jamais juger une personne en soi, mais seulement mesurer ses actes en tenant compte des circonstances dans lesquels ils ont eu lieu. Et quitte à condamner les autres, attendez-vous à ce qu’on vous juge également : les réactions outrées des joueuses n'ont rien de surprenant. Et les médias grand public de s'emparer de "l'affaire Zoe Quinn" devenue le "Gamer Gate", qui pointe les dérives sexistes du jeu vidéo.

 Si Zoe Quinn est bien victime d’une campagne de dénigrement parce qu’elle est une femme, elle n’est cependant pas arrivée plus bas que terre par hasard. Le second point de sa défense, où elle invoque le droit à la vie privée, est une esquive bien maladroite. Chaque être humain a sa part d’ombre, devoir l’assumer en pleine lumière est une épreuve très difficile - en particulier quand l'un de vos proches cherche à vous humilier.

Il n’en reste pas moins que les soupçons de conflit d’intérêts pèsent fortement sur elle et sur toutes les personnes éclaboussées par ce scandale. Après tout, qu'est-ce qui est le plus condamnable : vouloir faire connaitre son jeu par tous les moyens, ou bien cèder à l'attrait de la corruption ? Tout ce petit monde devrait faire une partie de Depression Quest pour se remonter le moral !