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Né en 2005 sur une PS2 au bout de ses limites, retranchées grâce à l'équipe de Sony Santa Monica, à l'époque dirigée par David « big mouth » Jaffe, God of War est désormais une série iconique de la marque Playstation. Aujourd'hui, en 2013, nous en sommes déjà au sixième épisode, dont deux épisodes PSP, développés par Ready at Dawn (muet depuis quelques années). GoW : Ascension, de son petit nom, arrive sur une PS3 à bout de souffle, qui malgré un catalogue encore assez conséquent à venir va devoir passer le flambeau à la PS4. Ainsi, une génération de consoles sépare GoW et GoWA... Un symbole loin d'être anodin.

Quand y en n'a plus, y en a encore

Il a fallu gratter le fond du pot à créativité pour sortir cet épisode de God of War. Pour se remettre en situation, rien de tel qu'un récapitulatif scénaristique. Kratos n'est pas qu'un type qui veut se venger des Dieux qui l'ont manipulés et trahis. L'histoire du premier épisode est certainement la plus travaillée de toute la saga et loin d'être banal. Kratos est un fier capitaine spartiate conduisant son bataillon de mille soldats à travers les territoires jusqu'au jour où il subit une défaite contre les nordiques. Plus que la défaite des siens, c'est son ego et sa fierté qui en appellent à supplier Arès le Dieu de la Guerre de l'aider. Le mal était fait, Arès accepte et fait de Kratos son champion. Plus les combats passaient, plus la rage de Kratos l'aveuglait jusqu'au jour où, sur demande de son Dieu, il décime un village d'innocents où se trouvaient sa femme et sa fille. Quand il comprit son acte, il tenta de briser le pacte de sang avec Arès pour errer tel un fantôme. En cherchant à se faire pardonner des Dieux, il devient leur « homme de main » si l'on peut dire. C'est ainsi que se déroule les évènements de GoW 1 où Kratos renverse Arès, décidé à prendre le monde des hommes d'assaut, ainsi que le premier spin-off Chains of Olympus où il effectue une mission avant GoW 1. Ascension s'intègre avant tout ça et est chronologiquement le premier épisode de la saga. Un prologue en bonne et due forme puisqu'il va nous narrer comment Kratos réussit à briser son pacte de sang avec Arès.

Ne vous attendez surtout pas à des surprises dans cet épisode. Tant sur le plan scénaristique où vous n'apprendrez rien de bien de neuf, si ce n'est le plaisir (ou non) de découvrir les Erinyes, des anciennes déesses dont le rôle est de faire payer la trahison envers les Dieux actuels. Évidement, Kratos va avoir à faire à elles pour se libérer de leur emprise puisqu'il a tourné le dos à Arès. Ascension est plus une illustration de la façon dont Kratos retrouve ses esprits après ses multiples carnages. Du coup, on a là un épisode qui n'a pas grand chose de très dramaturgique, même si le souvenir douloureux de sa famille y est ancré, l'ensemble reste très convenu. Ce GoW ne va pas chercher très loin : scénario de trois lignes et action à gogo avec trois grands mondes à tout casser. La direction artistique de ce GoW s'essouffle très vite et n'a franchement rien de grec... Couleurs lumineuses, chaudes, décors orientaux, des combattants éléphants, beaucoup de verdure, on se retrouve même avec des décors de construction à base de rouage géants et de cuivre en provenance du steampunk. Beaucoup de plans aériens avec escalades semi-automatisées sur des bâtisses remplies d'accroche en surbrillance qui rappellent beaucoup la méthode Uncharted. Bien sûr graphiquement, le jeu reste techniquement très beau, même si on notera quelques textures en basse res ou qui n'ont pas le temps de se charger complètement lors de courtes cut-scenes. Cependant, on voit le Kratos briller d'un halo lumineux, les décors sont remplis de lumière fixes, des couleurs très chaudes, des effets spéciaux en veux-tu en voilà, un peu comme si on en faisait des caisses. Un développement en roue libre pour torcher un épisode de commande pur et simple ? Ça en a tout l'air. Formellement, ce GoWA assure toujours, avec des plans de caméra larges et fixes pour privilégier le spectacle visuel, entrecoupés de scènes d'action gigantesques où Kratos éventre les centaures et scalpe les éléphants, tout en s'agrippant à ses lames sur des kilomètres de pente. Mais conceptuellement, le background devient décousue, on s'emmêle les pinceaux à force d'être dans le too much, des décors orientaux, un boss issu de Total Recall (oui oui), le level-design peu inspiré où l'on passe et repasse plus d'une fois au même endroit montrent un certain manque de caractère et de finition. Vous n'aurez d'ailleurs aucun boss mémorable, sauf la mise en scène du boss de fin à défaut d'être classieux. Dans la construction, c'est à dire dans la façon dont le héros récupère ses magies à l'arrache, dans la façon dont les boss sont expédiés, dans la façon où l'on s'autorise de l'exotisme visuel, tout nous rappelle à un spin-off de développeur-tiers. Personne n'aurait crier au scandale de voir cet épisode sur portable... Au hasard, sur une Vita qui a besoin de soutien. Ce n'est pas mauvais, attention, mais on sent la lassitude des développeurs et l'absence de grande ambition. C'est un titre de comblement et cela transpire dans les choix artistiques, disons le franchement, « freestyle », en sus d'un script très léger.

Kratos, dieu du sommeil ?

Le petit problème, quand on en arrive au sixième épisode d'une franchise et que ce sixième épisode n'a plus grand chose à raconter et à montrer...Ben on doit s'attaquer à son gameplay. Un gameplay qui n'a pas bougé d'un iota depuis ses débuts PS2 (si ce n'est l'inclusion d'arme secondaire et une gestion de magie légèrement modifiée). Sans remettre en question l'impact de ce gameplay puissant, fluide et spectaculaire sur PS2, ni l'ampleur que cet ensemble a pris sur PS3, force est de constater qu'aujourd'hui, tout ceci commence à être redondant. Comme d'habitude, vous allez marteler rapidement carré et puissamment triangle afin que les chaines de Kratos étripent la petite dizaine d'ennemis par zone. Pas tout à fait beat'em all pur comme peut l'être DMC ou Bayonetta, God of War nous fait passer par un tout petit peu de plate-forme à la Uncharted (même si historiquement, la plate-forme spectacle, c'était plutôt GoW qui l'avait amené sur PS2) et des énigmes à base de leviers et caisses à bouger. Enfin, Kratos doit récupérer des artefacts qui lui donnent des pouvoirs pour compléter les énigmes. Une recette très classique donc qui ne surprendra personne où l'on fera vieillir ou rajeunir des pans de décors, la possibilité de se dédoubler pour activer des leviers à chaque extrémité d'une même pièce et enfin un artefact pour révéler des zones cachées : un classicisme à la Darksiders ou n'importe quel jeu 90's. Le but étant de rythmer ses parties équitablement entre bastons, jolies plate-formes et quelques casse-têtes. La recette est si maitrisée qu'elle en devient routinière. On ne sera jamais pris au dépourvu dans cet épisode, on passe, on repasse dans la pièce, en sachant que les ennemis vont apparaître, on voit les éléments interactifs comme le grappin permettant de profiter d'une belle vue dynamique, on enchaine tout ça sans trop se poser de questions. Certaines énigmes restent néanmoins assez bien pensées et nécessiteront vraiment de réfléchir. Cependant, on pestera par certains plans de caméra plaçant certains passages ou certains éléments interactifs hors-champs, un problème qui ne date pas d'hier et qui devient difficilement pardonnable aujourd'hui.

Les batailles QTE deviennent, elles, assez lourdes, dans le sens où elles ne sont plus là pour achever un ennemi mais sont présentes même pour certains séquences entières. Il y en a trois sortes : les finishing moves classiques, les finishing moves qui ne sont pas QTE mais où vous devez marteler le bouton d'action tout en évitant - d'une seule direction possible - avec votre joystick certaines attaques et enfin les séquences intégrales assez lourdes et surtout pas toujours intuitives au point où l'on se demande à quelle sorte de QTE va t-on avoir. Ce mélange de combat dynamique avec séquences passives devient de plus en plus déséquilibré, là où le QTE de GoW était originellement conçu pour simplement boucler une action. On vous a déjà parlé de cette tendance contemporaine à couper l'action du joueur pour une cut-scene de trois secondes. God of War a sa propre façon de le pratiquer puisqu'il ne va pas nous blinder de cut-scenes narratives pour nous raconter que son héros a avancé de trois pas, mais le jeu va se stopper sans arrêt pour montrer chaque nouveau décors, soit pour la beauté de la chose, soit pour montrer la direction à venir, soit pour montrer l'importance d'une énigme, bref, la petite coupure qui va ralentir le tempo de l'aventure pénalisant sa fluidité. Même quand vous repassez devant un passage existant, vous aurez la caméra qui va zoomer sur le petit truc qui a changé, vous devrez rouvrir des portes aussi de temps en temps, des petites choses qui hachent complètement le tempo. Or, nous en sommes au sixième épisode, le joueur a quand même bien compris comment ça fonctionnait et quand bien même il y a toujours une « première fois », ces multiples cassures alourdissent les sensations du joueur. Bien que Kratos soit souple à manier, ses esquives rectilignes commencent à prendre un sacré coup de vieux, tout comme l'impossibilité d'annuler une action pour amplifier l'esquive ou la garde. La gestion des collision est aussi assez large, privilégiant le spectacle à la subtilité. Ce n'est pas nouveau mais au bout de six épisodes, l'utilité de cette gestion de collision large fait un peu tâche lorsque passé janvier et février à jouer à DMC et MGR, nous pensons naïvement pouvoir être aussi dynamique que ceux-là. Loin de nous de remettre en question cette différence ancestrale de culture (cette différence occidentale/orientale dans les masques de collision existe depuis les premiers jeux de baston), c'est juste que ce sixième épisode de GoW montre que son gameplay basé sur la puissance et le show atteint ses limites. Les temps passent et lorsqu'un gameplay est essoré, cela se ressent.

Le multi qui voulait être important

Pour enfoncer le clou du remplissage, Santa Monica a développé un mode multijoueurs. Sony a beau avoir mis le paquet pour nous informer que ce mode était très important dans cet épisode (plus que le solo, l'argument passe-partout pour justifier un petit 6-7H de jeu fade ?) au point de demander à la presse professionnelle de ne pas «noter » le jeu avant d'avoir mis la main au dit mode... Ce même mode étant actif seulement le jour de lancement empêchant la majorité des rédactions de sortir ses articles en avance. Il doit être foutrement bien ce mode dit donc... Les développeurs nous annonçaient même qu'il était intégré au solo. Diantre ! Un mode multi cohérent ? Que nenni. Lors de l'aventure, Kratos croise un quidam prisonnier qui, au moment de se faire écraser, implore la pitié des Dieux. Le mode multi reprend cette scène et alors qu'il meurt dans le solo, ce personnage chauve et quelconque arrive sur l'Olympe et doit prêter serment à un des quatre dieux : Zeus (magie), Poseidon (défense), Arès (offensif) et Hadès (agilité). En choisissant un serment (modifiable à tout moment), le héros dirigé par le joueur privilégie telle ou telle statistique avec les magies qui l'accompagnent pour se fritter en ligne. Le mode multi reprend le même gameplay de Kratos, excepté qu'il est équilibré différemment selon un concept de buff/debuff en fonction de votre choix de Dieu ainsi que vos choix d'armure (gain de puissance au détriment de la défense, par exemple). Plus vous jouez, plus vous gagnez de l'exp et plus vos points de vie augmentent ainsi que vos stats et la possibilité d'acheter de meilleurs items et magies. Si sur le papier, cela semble intéressant, en pratique, nous avons du classique deathmatch et capture the flag, ainsi qu'un mode survival à deux. C'est ultra classique, d'autant que malgré ces différents styles , on nous amène vers du grobillisme pur et simple (plus vous jouez, plus vous êtes meilleur, c'est tout). Le gameplay en lui même est très bourrin quand vous jouez à 8 contre 8 et que vous êtes enfermé seul contre trois ou trois contre un, ça tourne à la boucherie simple. Déjà qu'en solo, on jugeait les chorégraphies limitées, c'est même pas la peine d'y songer en ligne. Les arènes du jeu sont intéressantes puisque vous pourrez traverser des portails pour atteindre tel ou tel endroit de la zone, utiliser le grappin pour monter à différents étages, etc. C'est plutôt ouvert. Surtout dans le mode principal où il faut gagner des points, non seulement en éliminant l'équipe adverse mais aussi en actionnant des pièges ou gagner des coffres. Du coup, même si les arènes sont petites (on en fait le tour en 40 secondes), elles offrent différents niveaux et différentes interactions sympathiques. Conscient que mettre 16 bodybuildés à la testostérone en ébullition dans un corridor allait être illisible, les développeurs ont ajouté une surbrillance de couleur pour savoir quand tel ennemi est vulnérable par exemple. Probablement pour inciter à sa la jouer subtil... Même si dans les faits, tout le monde se met sur la gueule comme dans un gag d'Astérix. Enfin, problème et pas des moindres : un netcode que l'on a jugé instable. Beaucoup de perte de connexion chez l'hôte, parfois un matchmaking un peu longuet (mais c'est le propre du matchmaking console à de rares exceptions près). Malheureusement, ce genre d'incidents en ligne est très aléatoire. Cela marchera nickel chez l'un quand on se tapera une déconnexion de l'hôte (ou un ragequit ? Pas toujours évident de le savoir) une partie sur deux, chez un autre. Pas catastrophique, mais pas parfait non plus pour soit disant un mode qui retient l'attention. Le menu en ligne est même très succinct, avec zéro option pour ouvrir des sessions par exemple... On a vu mieux. On a aussi vu pire. Ce n'est qu'un mode multi hors-sujet et stéréotypé comme il en pullule depuis plusieurs années, tout simplement. Il y a un marché pour cela, sinon les éditeurs n'en commanderaient pas autant mais c'est objectivement très superficiel et dessert malgré tout l'ambition de départ de cette histoire de héros grec.

God of War : Ascension n'est en aucun cas un mauvais jeu vidéo. En aucun cas, il n'est un mauvais produit comme en atteste son spectacle visuel, sa qualité graphique, sa musique traditionnelle (qui ne nous a pas franchement accroché l'oreille - sauf le plaisir d'entendre l'acteur Eric Legrand (Seiya, Vegeta, entre autres) en version française ; dommage que son personnage soit un vieillard dont la voix ne correspond pas du tout), son gameplay rôdé et son mode multi (in)dispensable. En revanche, fondamentalement, il n'a aucun intérêt. Son scénario tient en trois lignes, voir en quelques mots (« Comment Kratos brise son serment avec Arès »), sa direction artistique part dans des mouvances hétéroclites, allant aux décors exotiques en passant par des constructions presque contemporaines n'ayant de grec que quelques termes. GoWA n'est pour autant pas ce que l'on appelle « l'épisode de trop », dans le sens où il ne rabaisse pas (encore) la saga. Mais c'est un épisode de remplissage créativement inutile bien que commercialement nécessaire en cette fin de PS3. Cet épisode met en lumière le manque de renouvèlement de son gameplay, ainsi que ses défauts, autrefois minimes. L'épisode de l'avertissement, l'épisode qui crie « je vous surveille » pour GoW IV. Ne vous méprenez pas, il y aura bien un GoW IV. Sony ne peut pas laisser sa série se terminer avec un tel épisode bouche-trou et fade, d'autant qu'elle reste commercialement rentable. A défaut de nous surprendre, GoWA a le mérite de mettre la pression sur l'épisode next-gen... Oh et accessoirement, il contentera les fans.

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