L'histoire du développement de Lollipop Chainsaw n'a pas grand chose de passionnant à raconter en guise d'intro. Goichi Suda doit se refaire après des participations de développement de jeux vidéo quelques peu flegmatiques : un NMH2 pas impliqué et un Shadows of the Damned où lui et Shinji Mikami éculent leur recette respective. Lollipop Chainsaw est... un énième jeu utilisant son nom à des fins mercantiles. Le bonhomme étant crédité vaguement comme « directeur créatif » au sein de Grasshopper Manufacture mais dont la réalisation et la direction artistique ont été attribués à d'autres. Suda51 n'a rien écrit de ce jeu, il n'a que tout au plus vaguement donné son approbation dans ce délire. La recette ? Prenons un gameplay reconnu et efficace : allez hop beat'm all, ce n'est pas compliqué, ça a été fait sur NMH et bon, faire spammer du carré et triangle, ça n'a rien de sorcier. En plus ça ne nécessite pas forcément de level-design trop précis. Utilisons un effet de mode « cool » : des zombies. Ajoutons ce qui a fait vendre chez Grasshopper : humour, sexe, sang, grossièretés et multicolor. Mais... Pour ça, plutôt que de viser maladroitement l'otaku local pour lui soutirer son fric, essayons de viser l'international... Une blonde pulpeuse et une tenue d'écolière ? Non, écolière, les occidentaux sont trop prudes pour ça... Oh ! Cheerleader ! Trop sexy et les américains adorent qu'on mette en avant leur sous-culture ! Beat'm all + cheerleader + sang/humour/grossièreté = Lollipop Chainsaw ! Un produit bien calibré comme il faut, certifié sans risques ! Du tout benef'!

Une histoire de petite culotte

Lollipop Chainsaw ne fait pas dans la subtilité. Une histoire ? A quoi ça sert ? On débute le jeu sans chichi. Juliet se présente vite fait : aujourd'hui est un grand jour. Elle va présenter son petit ami Nick à sa famille. Un moment souvent tendu... Sauf que chez la famille Starling, on est tueur de zombies, de père en fille. Et ça, le petit Nick va l'apprendre à ses dépens au moment où la ville est attaqué par... des zombies. Pas le temps de mettre en scène tout ça, la Juliet arrive avec sa tronçonneuse et voit le pauvre Nick se débattre des zombies. Mais mordu, elle va devoir le sauver en lui décapitant la tête ! Nick est chanceux : il va être attaché à la ceinture de sa copine, le nez sur ses fesses toute cette foutue journée !
Le dernier jeu de Grasshopper ne s'embête pas d'un semblant de cohérence ou de narration, même second degré : on va se balancer des petites vannes pour aller buter 5 rois zombis amateur de musique rock qu'un pov gosse martyrisé a invoqué (saleté de gothique).
L'histoire tient sur un timbre-poste et surtout n'essaie même pas de nous amuser à nous surprendre ou à jouer décalé. C'est à dire que toute l'attention de l'histoire et donc du jeu se focalise sur l'héroïne Juliet et son petit cul. Chaque scène du jeu consiste à abuser de plans culs et autres « upskirts » entrecoupés de dialogues soit sexy, soit drôles, soit les deux mais ne cherchez pas à avoir une histoire passionnante et rythmée. Vous avancez avec la même dynamique, entrecoupée de rencontres avec la fameuse famille Starling, propice à quelques loufoqueries rigolotes.

Lollipop Chainsaw n'est pas aussi « nanardesque » tel que l'on aurait pu s'attendre, tel un One Chanbara tellement WTF qu'il en devient fun. Il n'est pas non plus là pour jouer sur l'érotisme léché et décalé tel un Bayonetta. Il est là tel un teen-videogame qu'on a mis en scène avec un très léger second degré passe-partout pour éviter d'être too much. Un background jamais assumé et un cliché gigantesque à lui tout seul. Tout le jeu repose sur les épaules de Juliet qui n'a rien de bien exaltant à raconter à part buter du zombie... Peu importe ce à quoi vous vous attendiez avec Lollipop mais ce n'est ni « hot », ni « charmeur », ni « vulgaire » mais juste « teen ». Du coup, le jeu vidéo ayant globalement tendance à ne pas voler très haut, on ne peut pas dire que l'approche « sexy héroïne » soit original. Parce que faire fantasmer, donner envie, aguicher est tout un art, à base de pose, de contexte, d'animations, de dialogues, de voix, bref, c'est tout sauf empiler les « plans cul ». Sauf que c'est tout ce que le jeu propose. Ça et une histoire basique à base de héros qui va taper du méchant très méchant et très très con ne dépassant jamais ce vague concept minimaliste.

Ça giiiiicle... ... ... de sang

Lollipop est donc un beat'm all se jouant avec une tronçonneuse pour buter du zombie. Techniquement, ça aurait pu être une épée, une batte de base-ball ou un gode géant, ça n'aurait rien changer au gameplay. Vous tapez légèrement avec carré, vous tapez durement avec triangle, vous esquivez avec rond et vous frappez au sol avec croix. Lorsque vous débutez le jeu, vous n'avez même pas accès à un simple combo carré, carré, triangle... Tuer des zombies vous rapporte des pièces, vous permettant d'acheter des techniques, souvent au prix fort. Et en fait, ne cherchez pas la technique d'un Bayonetta car vous allez plus spammer triangle qu'autre chose... En effet, si Juliet peut accéder à quelques mouvements différents, vous vous rendrez compte que ces combos sont faibles car seul le bouton triangle permet d'arracher les têtes, donc faire tomber les pièces, donc gagner. En pratique, vous utiliserez des combos basiques à base de spams ou un coup de pied sauté permettant d'assommer l'adversaire... Pour lui trancher la tête d'un coup. Les ennemis sont certes nombreux mais faibles et désordonnés, il suffit de sauter partout et Juliet esquivera la plupart des coups. La gestion de collision du titre est cependant des plus approximatives et vous taperez souvent dans le vide ou vous serez, comble de l'ironie, si proche d'un ennemi que vous passerez au travers... Un peu rageant car en plus de ne pas trop varier vos combos car rares étant efficaces (en plus de s'acheter le long de l'aventure), vous ne pouvez profiter d'une technique précise.
Le level-design du titre est aussi des plus mal fichus, car composés souvent de couloirs étriqués, même lorsque vous quittez le lycée des premiers chapitres. En gros, vous n'avez qu'un gros tas d'ennemis à foncer dans le tas. Le jeu souffre aussi d'une caméra des plus étranges. Elle est déjà assez lente mais surtout a la fâcheuse tendance de se déplacer toute seul lentement n'importe comment. Elle vous amènera souvent à mal cadrer l'ennemi, au point où vous devrez les rechercher en utilisant le joystick droit. Dans les espaces ouverts, elle gênera beaucoup dans les quelques scènes où l'ennemi nous surplombe la tête. Comme si ça ne suffisait pas, la tronçonneuse de Juliet peut lancer des obus. Pour ça, il suffit de viser avec L2. Or, L2 est muni d'un lock automatique (désactivable dans les options) qui va cadrer toujours le mauvais ennemi, jamais l'ennemi le plus proche de la cible... Dans certaines scènes où vous devrez protéger un allié, ce sera gênant... Dans ce cas, retire le lock ! Me souffle-ton. Oui, mais la caméra est assez mollassonne à se déplacer aussi, ce qui dans un cas comme de l'autre provoque une bien mauvaise ergonomie.
C'est d'ailleurs le plus gros reproche ludique du jeu : l'absence d'ergonomie, de confort, de bien être, de plaisir... Caméras un peu à l'ouest, collision merdique, etc. Mais surtout une utilisation du script lamentable.

Restons vite fait dans le jeu en lui-même. Le bouton sert à « esquiver » mais pas « sauter ». Ca veut dire qu'un tout petit obstacle de rien du tout comme une barrière arrivant aux genoux ne peut être franchi ! Si un ennemi se trouve derrière, il faut le contourner... Pas très souple... Il vous arrivera donc parfois de buter bêtement face à un obstacle normalement évitable. Ou alors, il faut que le bouton s'affiche à l'écran pour le franchir, consistant juste à changer de zone. On est en 2012, c'est assez incroyable de se farcir des niveaux en béton armé. Mais surtout, vous serez sans arrêt interrompu en plein jeu. Cut-scenes toutes les 5mn de jeu, toutes les (très petites) zones à nettoyer, quand il n'y a pas de temps de chargement affreusement long avant la cut-scene en question... Exemple typique de rythme dans Lollipop Chainsaw : vous éliminez 15 ennemis en 2 minutes dans un 5 mètres carré > cut-scene narrant un événement en arrière-plan > loading de 10 à 30 secondes > cut-scene tout aussi dispensable > baston. C'est vite pénible car vous n'avez pas le temps d'enchainer, pas le temps de vous mettre dans le bain, pas le temps de prendre plaisir. Et si ce n'est pas une cut-scene qui gênera, ce sera un foutu plan de caméra que l'on ne peut zapper pour vous montrer quelle porte prendre... Avec un level-design pourtant linéaire.
Enfin, les développeurs se sont dit : « tiens, notre beat'm all est quand même faiblard, rajoutons des séquences de gameplay intermédiaire pour meubler ». Alors, vous vous taperez quelques séances de QTE où la tête de Nick ira sur un corps de zombie pour débloquer le passage par exemple. Il y aura des mini-jeux comme jouer au basket avec les têtes de zombies, s'agripper à une barre de danse et spammer triangle pour faire la toupie, ou encore des QTE pour marcher sur la tête des ennemis... Enfin, un chapitre entier est consacré à quelques variantes du jeu en référence au monde du jeu vidéo (un niveau Pac-Man par exemple). En gros, des séquences qui n'ont rien de beat'm all, qui sont très faciles, répétitives et finalement servent surtout à masquer la pauvreté du gameplay initial.

En fait, le jeu est toléré surtout car il est étiqueté « Suda51 », mais il ressemble beaucoup à ces beat'm all cheap comme X-Blades et sa récente suite Blades of Time. A une chose près, Lollipop Chainsaw a la décence d'essayer d'en rire via son background coloré et surtout ses dialogues sympathiques.

Juliet, the sex friend

On l'a dit dès le premier chapitre de cette critique, Lollipop Chainsaw mise tout sur son héroïne. L'histoire en elle-même est médiocre, et n'essaye même pas de créer un semblant de dynamisme ou faux-suspens, ou bref, une histoire quoi avec un début, un milieu, une fin. D'ailleurs, vous avez deux fins très courtes, faisant plus office de clin d'œil. Et vu qu'il n'y a même pas de début étant donné que le jeu démarre comme un cheveu sur la soupe... On le sait, plus c'est gros plus ça passe mais là, c'est quand même pas mal pour un jeu aussi décousue sur tous les points.

Reste que le personnage de Juliet est vraiment craquante. On ne fait pas un jeu avec ça mais vu le démarrage plus que correct du titre au Japon et aux Etats-Unis, faut croire que si... Cette Juliet n'a pas la pose attitude et l'espièglerie d'une Bayonetta (et certainement pas son gameplay) mais n'est pas pour autant aussi vulgaire que les filles d'One Chanbara. On est là avec cette super cheerleader toute mignonne, qui joue son rôle de nana faussement naïve qui se paie le luxe d'avoir un sens de l'humour très pince-sans-rire et second degré. Les fois où vous décrocherez un sourire seront lors des dialogues doublées en anglais avec Nick, attaché à ses fesses. Évidement, ça donne droit à des vannes de sexe, des doubles-sens, mais surtout un joli couple à écouter à se renvoyer des réparties en osmose. On comprend ainsi mieux d'où est venu la signalisation PEGI 18+. Pas dans le sang puisqu'il n'y en a pas pas, juste des giclées roses bonbons (...oui heuu bref) mais dans les « fuck », « dick », « shit », « bitch », « whore », j'en passe et des meilleurs. Ça sent le défouloir dans les dialogues et c'est surtout ce qui donne du cachet à ce personnage de Juliet. Il ne s'agit pas seulement de mater
son cul, il s'agit surtout d'avoir cette blonde pétillante, touchante et craquante pour d'un seule coup vanner et ridiculiser les boss débiles. Un peu comme si elle vous tenait par les couilles et pouvait serrer selon sa volonté. Les boss, parlons-en puisqu'à part la famille Starling (tout aussi déglingué que Juliet) ce sont les seuls personnages que l'on verra. Ce ne sont que des boss faisant du rock : un punk, un metaleux, une hippie, du disco (oui, il fait tache dans le décors) et du rock'n roll. Ils auraient pu être dans Brutal Legends de Tim Schaffer à peu de choses près. Ils se démarquent surtout pour leur style visuel et la musique unique qui les accompagne car ils n'ont rien de bien marquant et n'auront aucune punchline... Ce qui est dommage. Un bon héros doit avoir un bon boss et on n'en aura pas. Même si le boss hippie vaut vraiment le détour pour son jeu de couleurs psychédéliques aux motifs indiens et ses attaques venus de nulle part. Le reste étant très limité.

Graphiquement, le jeu est vraiment... très moyen. Le filtre cell-shadé masque la pauvreté des détails, l'absence de textures malgré ses surfaces de jeu très étroites. Si l'on ajoute à ça, l'absence total d'interaction et de gestion de collision digne de ce nom, le titre est clairement cheap. Il fait illusion par sa couleur, l'abus de scripts et cut-scenes lumineux, d'effets de style très lourds comme des étoiles et des petits cœurs explosant de partout. Mais concrètement, on voit le manque de finition. Par contre, on l'a dit le doublage est vraiment fun en anglais, mais surtout la musique est bien sympathique... Si vous aimez le rock et le métal. On y trouve avant tout des titres existants, probablement facilité par l'édition occidentale de Warner Bros Interactive (dont une bonne partie des groupes sont liés à Warner Music). Ça passe par les thèmes comme « Lollipop » des Chordettes, comme vous écouterez du DragonForce (si vous aimez la musique ET le jeu vidéo, vous connaissez le groupe depuis Guitar Hero III) ou le groupe Dead or Alive avec « You Spin me Round ». Vous l'aurez compris, c'est une chouette tracklist. Sauf que... ... ... Ben in-game, comme vous serez sans cesse interrompus par les cut-scenes, loadings et séquences de jeu intermédiaire, n'espérez donc pas en profiter pleinement.

Enfin, notons que le jeu pas très difficile nous donnera la possibilité de débloquer pleins de tenues pour Juliet (vous ne la verrez pas se déshabiller, cherchez pas), des images et des musiques, et donne accès à un mode de difficulté supplémentaire.

Que retenir de ce Lollipop alors ? Voyez ça comme un beat'm all quelconque, muni de séquences intermédiaires difficilement appréciables, skinné tant bien que mal en sexy background.
Le jeu manque cruellement de subtilité et surtout d'angle créatif. C'est un fourre-tout basique dans ce game design et un fourre-tout au niveau du background : du rock, une cheerleader (sérieux, depuis quand les cheerleaders et le rock oldschool vont ensemble, c'est quoi le rapport ?), des couleurs... Est-ce que c'est amusant ? Est-ce que c'est sexy ? Est-ce que c'est gore ? Non. C'est un peu de tout ça. Lorsque nous avions écrit sur No More Heroes, la question qui nous taraudait à la fin était : c'était quoi le but ? On n'avait pas compris car Suda 51 était censé tendre des perches scénaristiques intéressantes. C'était un hommage au monde d'otakus ? Ou plus une grosse moquerie sur le ridicule de la chose via son héros looser ? A l'heure actuelle, j'en sais foutrement rien mais vu sa suite sans queue ni tête, ça ressemble plus à un bon gros mix d'idées « funs » ou « second degré » et basta.
C'est exactement ce qui se passe avec ce Lollipop Chainsaw ici. Sauf que cette fois, c'est sûr tant le manque de cohésion saute aux yeux : le but est juste de mixer quelques idées « bankables » ou « cools » et nous servir ce qui en ressort. Soyons honnêtes, il y a des cocktails bien pires que ceux de Grasshopper, mais il n'existe rien de tel qu'une bouffe parfaitement cuisiné.

12/20

(Re)lire l'article, mis en page, sur PG Birganj : en Une ou dans la rubrique "Critiques".

 

Note : Comme je n'ai pas réussi à faire de dessin pour la MàJ de la semaine (en retard) de PG Birganj, je poste directement l'article de Lollipop Chainsaw, comme ça, ce sera fait et j'aurais même pas à vous inviter à y aller comme à chaque billet "dessin de la semaine".