On continue notre plongée dans le sombre et dérangeant univers de Lynch en s'attaquant aujourd'hui à Mulholland Drive, sorti en salle en fin d'année 2001. Film restant tout de même un peu moins hermétique que pouvait l'être Lost Highway, tout en gardant toutefois la richesse symbolique des films de Lynch

Grand film donc, dont vous pouvez admirer les récompenses sur l'affiche du film. 

Synopsis :

Hollywood, suite à un accident dont elle sera la seule survivante, Rita se retrouvera amnésique. En quête d'identité, sans aucun repère ni ami, elle fera la rencontre de la jeune Betty cherchant à devenir une grande actrice. Aidée par celle-ci, Rita tentera de retrouver enfin sa mémoire. 

Cast' et Réal' :

Naomi Watts, Laura Elena Harring ou encore Justin Theroux, un excellent casting et donc d'excellents acteurs. Naomi Watts étant tout simplement bluffante en jeune femme en quête de célébrité et de reconnaissance. Laura Elena Harring n'est pas en reste et s'avère être brillante en femme fatale amnésique. Un casting irréprochable donc, les seconds rôles n'étant pas en reste, la plupart s'inscrivant dans la veine des films de Lynch à savoir du personnage trouble, mystérieux ou complétement malade. 

Badalamenti signe encore une fois la parition musicale et encore une fois il fait de l'excellent boulot. Jouant sur ce que l'on pouvait voir sur Twin Peaks, l'utilisation à contre emploi de la musique. Le tout se veut étrange mais diablement réussi. 

C'est au niveau de la réalisation que l'on peut être perturbé de prime abord. Il faut savoir qu'à la base, Mulholland Drive devait être un téléfilm et peut être par la suite une série télé. Comme avait pu l'être Twin Peaks et son film Fire walk with me. Le problème étant que la chaine refusera ce pilote ainsi que l'idée d'une série. Il faudra compter sur l'aide de Canal qui décidera de croire en ce projet. Changement radical toutefois, cela doit sortir au cinéma. 

Ainsi le téléfilm ayant été déjà tourné, Lynch doit retourner d'autres scènes pour que le format colle avec le cinéma. Ceci expliquant le grain purement télé lorsque l'on voit Mulholland Drive pour la première fois. 

Hormis cette petite anecdote, le tout reste du Lynch pur et dur. Une réalisation anxiogène au possible pour les néophytes et hautement symbolique pour les autres. Chaque plan, chaque scène et chaque geste est, avec Lynch, lourd de sens. Rien n'est fait au hasard. 

Une critique acide :

Jouant avant tout sur les symboliques, Lynch nous présentera ces deux jeunes femmes que tout semble opposer au départ. L'une est blonde, l'autre est brune. L'une est pure, incarnant la naïveté, la sortie de l'enfance, encore pleine de rêve et d'espoir. La brune quant à elle, semble sombre, tout droit sortie d'un roman policier, sans passé, brisée en quelque sorte, elle semble représenter le résultat des attentes de la blonde. L'une est le rêve, l'autre la réalité. 

Au même titre qu'un Romero critiquant l'american way of life d'un Reagan dans son magnifique Day of the Dead, Lynch s'attaquera aussi à cette vision purement américaine par le biais de ses deux héroïnes. Cherchant ainsi à représenter la désillusion que peut provoquer cette Way of Life. 

Cette critique continuera notamment par le biais d'acteurs secondaires. Lors, notamment, de la discussion dans le café de deux jeunes, l'un racontant son rêve. Son rêve étant sa rencontre avec un monstre hideux au détour d'une ruelle. Rêve que son ami voudra lui faire revivre, sorte de thérapie, en l'amenant dans une ruelle derrière le café. Un monstre surgira bien au coin d'une ruelle, faisant s'évanouir par la même occasion le jeune homme. Mais lorsque l'on regarde d'un peu plus prés, ce "monstre" n'en est pas un, ce n'est qu'un SDF, dont les vetements et la saleté le font passer pour un monstre aux yeux de certains. 

Il est ici question du décalage entre ce monde, riche et bien pensant et l'autre monde, celui de la réalité et de la pauvreté.

 

Une vision du cinéma : 

Il en sera de même pour le cinéma où Lynch nous donnera sa vision de son fonctionnement. Une vision nous présentant le cinéma comme un marché régit par les producteurs, imposant leurs choix sans discuter avec le réalisateur. Ces deux hommes étant à la solde d'un nain vivant handicapé, vivant seul dans une grande salle rouge. Lynch abordant ainsi le système complétement absurde qu'a le cinéma et la création de film. 

Il en est de même pour cette jeune actrice se voyant refuser le rôle du film sous pretexte que les producteurs en ont décidé autrement. 

En developpant sa vision du cinéma, Lynch nous présente un système complexe, briseur de rêve et de carrière. Système allant au delà du concept de talent et ne cherchant avant toute chose quà satisfaire la production. Production pensant avoir toutes les clés en main pour satisfaire le spectateur. 

 

Un fil narrateur plus simple à suivre :

Même si moins complexe que pouvait être Lost Highway dans sa construction narrative, Mulholland Drive reste quand même assez obscur lors d'un premier visionnage. Le film restant assez clair durant toute la première partie, on cible les enjeux ainsi que les liens entre les personnages sans trop de difficulté. Ce n'est quà l'ouverture d'une certaine boite bleue que le film commencera à prendre des tournures plus étranges.

Alors que Lost Highway posait la question de la schyzophrénie, Mulholand Drive se place dans le rêve. Jouant sur ce qui est révé par le personnage principal et ce qui ne l'est pas. Choisissant une narration simple pour commencer, Lynch la rendra beaucoup plus complexe et abrupte une fois la boite ouverte. 

Dès lors, le film se perd en flashback, retour au présent et vision fantasmée. De là, facile de perdre le spectateur ne sachant plus trop où commence la réalité et s'arrête le rêve. Chaque scène prenant alors un tout autre sens, une toute autre symbolique. Et ce n'est qu'une fois interprété que l'on comprend le drame se déroulant devant nos yeux. L'histoire d'un rêve brisé, une carrière ratée ainsi qu'une histoire d'amour impossible en ce milieu. 

Conclusion :

Il serait facile de continuer encore et encore sur la portée symbolique du film mais ce serait aller à l'encontre de la vision de Lynch, laisser au spectateur la possibilité d'y voir ce qu'il veut y voir. 

Mulholland Drive est donc un film exceptionnel, moins troublant que Lost Highway mais tout aussi profond et beau à la fois. Un film à voir absolument.