Delivrance...encore un film culte, complexe et peu simple à chroniquer. Un de ces films d'une grande richesse, ne dévoilant ses clés de compréhensions que petit à petit. 

1972. Les Etats Unis s'enlisent dans la guerre du Vietnam depuis une dizaine d'année. Pourquoi vous parler de ça ? Le traumatisme laissé par cette guerre que ce soit pendant ou après, se vit retranscrit de bien des manières. Cinéma  pour certain, livre ou encore musique pour d'autres. Chacun donnant sa vision du conflit, sa conception du rapport à l'autre en temps de conflit. Delivrance est une de ces oeuvres.

Il est bon de rappeller que le film est une adaptation du livre homonyme de James Dickey. Livre que je n'ai pas lu... 

Synopsis : 

C'est en voulant rendre un dernier hommage que Ed, Lewis, Drew et Bobby décident de partir faire une descente en canöe sur sur une rivière du Nord de la Georgie. Rivière qui se verra bientôt coupée par un barrage. C'est en pensant passer un bon moment dans la nature que nos quatres amis partent en forêt...

Un réalisateur, des films et des acteurs, du talent et un peu de controverse  :

John Boorman, réalisateur surtout connu pour ce film et l'excellent Excalibur de 1981. Il est aussi le responsable de la sombre purge L'Exorciste 2 : l'hérétique, faisant un lien direct avec le premier en reprenant la jeune fille et le stress post-traumatique. Un film manquant de rythme, de bons acteurs, d'ambiance et de pleins d'autres choses...Mais là n'est pas le sujet ! C'est à Boorman que l'on doit la forêt d'emeraude ainsi que Rangoon. Delivrance étant au final le chef d'oeuvre de ce réalisateur. 

Au casting, il suffit de voir l'affiche du film pour se rendre compte qu'il y a du beau monde dans Delivrance. Jon Voight que l'on connaitra par la siute dans Mission Impossible le film ou bien Tonerre sous les Tropiques. Burt Reynolds, un vieux de la vieille qui fera des choix de films un peu limite par la suite. Ned Beatty, que l'on a pu  voir dans The Killer Inside me et enfin Ronny Cox, que les amateurs de Dexter ont pu voir dans l'épisode 3 de la saison 6. 

Notons aussi que tous les personnages secondaires, à savoir les villageois, sont joués par des...villageois. La population locale assumant le role par souci d'économie, le budget du film étant un peu serré. 

Petite apparition de l'écrivain dans le film en tant que sherif mais aussi du fils du réalisateur en tant que fils d'Ed joué par John Voight.

Niveau réalisation, le film ( j'ai l'impression de le dire à chaque film que je chronique...faites moi penser à faire un film de merde la prochaine fois) est toujours aussi envoutant visuellement. Profitant de décor naturel, les paysages restent magnifiques, à la fois beau et mortel. Il se dégage une impression de nature accueillante à l'extérieur mais angoissante et sournoise une fois entrée en son sein. Même remarque pour la photo, retranscrivant à merveille l'immensité du paysage. 

Le film fit sensation à sa sortie, véritable choc pour certains à cause d'une seule scène, celle du viol. Filmant un viol en fôret par deux villageois sur un des héros, le réalisateur dérange. Première scène de viol entre deux hommes, humiliante et le tout filmé sans aucun artifice. Le tout en plein jour. 

Il est aujourd'hui culte pour plusieurs raisons mais avant tout pour celle là : 

Magnifique scène musicale mais aussi scène possédant une symbolique assez forte, je reviendrai dessus plus tard.

 

L'Homme et la Nature :

Le rapport à la nature est sans doute la première idée qui vient à l'esprit une fois le film terminé. Le message semble clair, il est question de l'homme et sa confrontation avec ce qu'il croit maitriser, la nature. Mettons de côté tous les personnages secondaires pour se concentrer sur ce point. 

Le postulat de base est simple, des amis, des canöes et de l'eau avec pleins d'arbes à côté. De plus n'oublions pas que c'est la dernière fois que le cours d'eau sera pratiquable avant l'installation du barrage. Tout le film s'articulera de cette manière, les héros découvrant la fôret et le cours d'eau sur lequel ils navigueront et la confrontation entre la nature et les héros pensant pouvoir la maitriser. 

De cette nature chatoyante du début ne restera qu'une fôret remplie de piéges, de faux semblants amenant à la mort. Que ce soit l'eau et son courant incontrolable ou bien la capacité de pouvoir se perdre en l'espace de quelques secondes ou encore faire voir des individus aux héros pour mieux les tromper par la suite. La fôret apparait comme instrument de vengeance de la nature, faisant payer à ces hommes cette volonté de la modifier, la détruire. Comme si elle se vengeait de ce barrage en construction, ultime acte de défense.

L'atitude de nos héros n'aide pas. Au départ, conscient des modifications que subira le cours d'eau par la construction du barrage, il semble s'en révolter. Mais le masque tombe vite, il suffit d'une situation, une perte de chemin ou bien un incident technique pour que le desinterêt de l'homme pour la fôret ressorte. Ces héros étant plus au moins le reflet de ce que l'on est, fasciné par la nature lorsqu'elle devant nous mais aveugle devant sa destruction la plupart du temps, incapable d'agir ou même de la voir en face. 


"C'est pas ma guerre" : 

 

Et là on rentre dans une autre interpretation du film. En effet une fois le film vu et assimilé, il est simple de faire un parallèle avec la guerre du Vietnam. Que ce soit les rapports humains du conflit ou bien le combat à proprement parler, tout fait penser à cette guerre. 

Tout commence dès le début du film, ce groupe d'américain arrivant dans un petit village pour déposer leurs voitures et les faire conduire plus bas pour qu'ils puissent les récuperer une fois leur tour en canöe finit. On observe le comportement du groupe, prenant les villageois de haut, arrivant en vainqueur, n'ayant rien à apprendre de ces paysans. Cela commence par quelques remarques sur le style d'un individu, puis sur leurs têtes jusqu'à faire des blagues sans grande discretion. Le rapprochement se faite vite, le groupe d'ami pouvant se remplacer par des soldats arrivant dans un petit village, arrivant en vainqueur dans un lieu calme et sans problème. 

Cette impression se renforce une fois le duel de banjo. D'un simple duel découle cette idée de l'américain arrivant fort de ses connaissances et de sa maitrise pour apprendre à l'étranger, le paysan. Alors que l'américain pense apprendre quelques notes à ce jeune enfant, il se rend bien compte de la supériorité technique de l'enfant, plus rapide, plus doué. De là à dire que l'on peut y voir l'incapacité de l'armée américaine à voir l'autre ( ici les vietcongs, villageois etc.. ) en égal, il n'y a qu'un pas. 

Au delà de la guerre du Vietnam, il est possible de n'y voir que l'idée que l'on se fait de l'autre, nos préjugés prenant le pas sur la simple découverte d'autrui. Il est donc aussi question de l'eternel affrontement ville/campagne, jeune génération/ancienne génération. 

Le réalisateur centrant sa première partie sur le rapport humain, privilégiant cela pour pouvoir laisser place à un tout autre type d'affrontement dans la deuxième partie. 

"C'est pas ma guerre"- La vengeance :

La deuxième partie centre l'intrigue au sein de la fôret. Ici, le rapprochement à la guerre se fait beaucoup plus clair. 

On commence par l'arrivée du groupe d'américain en fôret, confiant, pensant connaitre les lieux, ne demandant aucune aide. Bien vite ils vont se retrouvés piégés par cette nature qu'ils pensaient si bien connaitre. Le parallèle est clair et renvoit directement à cette armée arrivant en guerre pour mieux se prendre les pattes dans une nature qu'elle ne connait pas, qu'elle n'a jamais vue. Ces hommes perdus dans la fôret, devenant soudainement remplis de pièges  renvoit à ces soldats victimes d'un trop plein de confiance, mourrant sur le terrain qu'il pensant pouvoir apréhender.

Il en est de même pour les autochtones, eux que les américains voyaient comme incapbles et inutiles, deviennent les gardiens de ce lieu, connaissant chaque recoin et chaque raccourci. Ces villageois ne devant par leur mort à cette nature qu'ils connaissent mais à ces hommes qui voient tout ce qui est différent comme une menace. 

Il est aussi possible d'y voir un questionnement entre l'idée que l'on se fait de nous et la nature. Le trop plein d'importabce que l'on peut se donner nous Homme. La Nature rappellant vite où notre se trouve.

 

"C'est pas ma guerre"- Le retour :

Sorte de vision prophétique de la part de l'auteur ou du réalisateur, la dernière partie du film recentre l'intrigue sur le retour des survivants dans le monde civilisé. Alors que la guerre du Vietnam ne se terminera que 3 ans plus tard, la fin du film sonne comme une annonciation de ce que les soldats vivront à leur retour. Que ce soit le retour traumatisant, forçant nos héros à redevenir humble, à accepter ce qu'ils ont vus et à vivre avec. 

Et donc vivre avec les traumatismes, les horreurs vécus dans cette fôret, cette survie de chaque instant en son sein. Ce que devront faire bien des soldats de retour du Vietnam. De retour de chaque guerre.

Sonne comme vision prophétique aussi cette dernière scène, cette parole du sheriff ordonnant à nos héros de ne plus revenir. Le message est clair, "vous êtes venus, vous avec perdus, ne revenez plus". 

Il est donc assez fascinant de voir à quel point cette dernière partie semble être une réponse à ce que s'apprête à vivre les soldats, chaque scène semblant faire écho à un stade de rétablissement, un processus pour faire face à l'aprés guerre, l'aprés conflit. 

Conclusion :

Certains me diront que je vais peut être trop vite en conclusion mais pour ce film je vous laisse seul juge de l'analyse, abordez le film comme vous l'entendez, vous y trouverez des réponses, une vision peut être différente, là est toute la force de Delivrance. Un film exceptionnel.