En apparence, Rikuo Nura ressemble à
n'importe quel garçon de son âge. Pourtant, il n'est qu'en partie
humain. En effet, il est, de par son père, un quart yōkai - êtres
surnaturels, monstres, esprits qui font partie intégrante de
l'imaginaire japonais depuis les temps les plus reculé. Rikuo habite
dans la petite ville d'Ukyoe - nom qui désigne également les estampes
japonaises, littéralement il signifie « dessin du monde flottant » -
dans une large demeure peuplé d'innombrables esprits et créatures
étranges avec sa mère, humaine, et son grand-père yōkai Nurarihyon, le
grand maitre du clan Nura, le plus puissant rassemblement de yōkai de la région de Tōkyō. Bien que son grand-père veut faire de lui son
successeur à la tête du clan, Rikuo préfère de son côté vivre sa vie
tranquille de collégien. Il refuse de se mêler au milieu des yōkai, au
grand désespoir de ses proches, jusqu'à ce que les circonstances
l'amènent pourtant à réveiller cette part de lui-même. Pour protéger
ceux qu'il aime, il se doit de faire face à ses responsabilités de
petits-fils de Nurarihyon (en japonais Nurarihyon no Mago, titre
original du manga) et de réunir, sous l'étendard de sa « peur », sa
propre parade de démons (Hyakki Yakō : cortège de cent démons). Et très
vite, cette situation va exacerber les différents clans, au point que
certains vont finir par passer à l'action et ne vont pas faire dans la
demi-mesure !

Tout au long du premier tome, les deux facettes du jeune Rikuo font que nous avons un peu de mal à discerner le personnage. La nuit, il prend sa
forme yōkai et se révèle être le digne successeur de son grand-père, et
le cri même haut et fort. Tandis que le jour, ne se souvenant pas de sa
transformation de la veille, il redevient un simple écolier et a
tendance à passer pour le larbin et le boulet de service aux yeux de ses camarades de classes, et martèle à tout bout de champ au sein de son
clan qu'il ne deviendra jamais le commandant suprême. Cette totale
contradiction du personnage a même légèrement tendance à agacer à la
longue. Il faut bien attendre d'être à la moitié du tome 2 pour voir se
rejoindre ces deux antipodes. Mais au final, on retiendra surtout un «
Rikuo yōkai » très charismatique et qui en jette graphiquement, et des
camarades adorables, la petite Kana, loufoques, le très singulier
Kiyotsugu (qui, soit-dit en passant, a des airs de Michael Jackson),
rigolos, Yuki-Onna (Tsurara en public), qui a tendance a vouloir
surprotéger le jeune maître, et inattendus, l'onmyoji (spécialiste en
magie et en divination, capable de contrôler des shikigamis : esprits
invoqués afin de combattre les yōkai) Yura qui côtoie Rikuo.

Des yōkai, des yōkai et encore des yōkai ! Nura : Le Seigneur des Yōkai
nous plonge dans le folklore japonais avec brio. Plutôt que d'utiliser
par parcimonie des références aux yōkai, Hiroshi Shiibashi nous livre
ici un manga sur les yōkai adapté à la sauce shönen. Et ça fonctionne !
Ainsi on y découvre que le monde des yōkai est organisé à la manière
d'une société féodale japonaise : un chef, des protecteurs, des soldats
et des clans, le tout teinté de valeurs telles que le respect ou
l'honneur. Derrière chaque personnage se cache une référence à la
mythologie japonaise, ce qui nous permet d'en apprendre un plus sur ces
fameux yōkai, dont on nous rabâche les oreilles dans pas mal de manga
sans pour autant nous en dire d'avantage sur eux. Ainsi, dans les
légendes japonaises, Nurarihyon est réellement considéré comme le grand
maître de tous les yōkai, le Kappa est un démon des eaux, Yuka-Onna est
la personnification de l'hiver, et plus particulièrement des tempêtes de neige et Karasu-Tengu est un dieu mineur du folklore japonais et est
représenté sous forme de corbeau, pour ne citer qu'eux. Côté graphisme,
nous retrouvons des yōkai très soignés et fouillés, des décors tout à
fait honorables, un Rikuo parfois légèrement brouillons et des combats
dont l'intensité est très bien retranscrite. Noté également que le
premier volume de Nura est disponible en une édition collector, dont le
contenu est le suivant : le tome 1, un poster et des post-it à l'effigie du jeune Rikuo, et qu'aucune page couleur n'y est présente.

Nura : Le Seigneur des Yōkai s'inscrit donc dans la plus pure lignée des
shönen d'action, et malgré sa lenteur au démarrage, le récit se veut
passionnant et prend beaucoup plus d'ampleur par la suite. Un récit
accompagné de dessins légèrement brouillons, mais plus que corrects dans l'ensemble. Bref, un manga (très) prometteur à découvrir si ce n'est
pas encore fait !
 

[8]