"La véritable histoire de cul de Zoé Quinn" ...

Bon, OK le titre est supra aguicheur. OK, le sujet est brûûûlant comme une chatte qui se dore au soleil une après midi de Juillet (sauf en 2014). OK je ne suis pas vraiment un journaliste (ce qui ne fait pas de moi un paria non plus). Mais le sujet principal cache tellement de thèmes croisés qu'il met en exergue tous les défauts de notre société à défaut de parler de jeu vidéo, et ça j'avoue que ça me plait. Et si ce sujet était impossible à traiter sereinement et en intégralité? 

Mes faits

De mon point de vue personnel, les faits commencent ici, sur Gameblog, au sein d'un article de blog dont le titre me fait machinalement cliquer, tout être masculin faible et obsédé que je suis.

Une indé couche avec un journaliste de kotaku en échange de faveurs

D'abord intrigué, la lecture commence à me donner la nausée. On y accuse, on y juge, on y profère et on y tire des conclusions dignes du KGB. J'ai du mal à discerner le vrai du faux, la rumeur des faits. L'article est 100% à charge, totalement orienté contre cette Zoé Quinn qui n'active aucune case de ma mémoire.  En fait, ce n'est pas le fond du problème qui me rend malade, c'est son traitement. L'attaque et la défense ne sont pas équitables et ça me gêne profondément. J'ai naturellement tendance à opter pour une position d'avocat de la défense, mais comme je n'ai pas vraiment tous les éléments, je fonce me renseigner, enquêter. Ca passe évidemment par la lecture des nombreux articles sur le sujet.

Les faits

L'affaire commence le 16 Aout 2014, sur le blog tout fraichement créé par Eron Gjoni, un développeur qui a partagé quelques mois avec Zoé Quinn. Le post qui décrit l'affaire vue par ce monsieur est long, explicite et rempli d'une colère qui est compréhensible. Il a été trompé dans sa relation intime et compte bien se venger en délivrant un portrait de son ex-compagne, anecdotes croustillantes à l'appui. L'article comporte plusieurs chapitres et explique grosso-modo l'historique vue par l'intéressé des derniers moments de sa relation avec Zoé Quinn, comment il a découvert qu'elle l'avait trompé, comment elle lui a menti à plusieurs reprises. Petit à petit et au fil des différents chapitres de ce blog, ce qui ressemblait au règlement de compte d'un amoureux déchu se transforme en enquête à charge.

En prenant de la distance avec ce qui est décrit par Eron Gjoni comme de la paranoïa de la part de Zoé Quinn, on se rend compte que c'est peut être finalement l'auteur lui même qui ressasse les évènements pour leur donner une valeur calculée et non émotionnelle.

La polémique qui monte

Parmi les prétendus amants de Zoé, figure un certain Nathan Grayson, journaliste chez Kotaku. De son côté, Zoé est une développeuse qui a participé à Depression Quest. L'étincelle nait lorsque le rapprochement se fait entre cette histoire de draps et la couverture médiatique offerte par Nathan Grayson dans le magazine Kotaku.

Une couverture médiatique monstrueuse !!!!!! Quoi? Vous voulez des preuves? Mais avec plaisir. Voici l'unique article de Nathan Grayson dans Kotaku traitant de Zoé Quinn ou d'un de ses jeux:

L'article incroyable qui remet toute la presse en question

Un article écrit en Mars 2014, soit 1 mois avant le début de leur relation, qui ne traite même pas du jeu de Zoé Quinn mais d'un évènement indie auquel elle a participé. Notez que depuis cet article, Nathan n'aurait jamais réécrit sur Zoé ou sur un de ses jeux. Jamais. Au point que le rédacteur en chef de Kotaku se sente obligé de renouveler pleinement sa confiance à son rédacteur dans cet article.

Quant à l'éventualité d'une influence de la part de Nathan sur ses collègues pour augmenter la visibilité du jeu, il faut noter que le jeune rédacteur est arrivé au mois de Mars au sein de la rédaction de Kotaku et à mi-temps et qu'aucun de ses collègues ne rapporte la moindre tentative à ce sujet.

La machine qui s'emballe

Pour être tout à fait honnête, j'ai arrêté là mes recherches sur les affaires reprochées à Zoé Quinn après avoir découvert que le fait principal n'était pas aussi "prouvé" que certains l'affirmaient. D'autres hommes, d'autres relations intéressées, d'autres mensonges, tous supposés et avec peut être une part de vraie ... mais qui suis-je pour juger de qui couche avec qui?

Par contre, du côté des forums et même de certains journalistes, c'est une véritable maîtrise de l'art de la lapidation. Heureusement que personne ne sait qu'il m'est arrivé de découcher, sinon on pourrait me traiter de fille de mauvaise famille. Pire s'y j'y avais trouvé le moindre intérêt. En attendant, coupable ou pas, Zoé Quinn morfle plus que de raison. Son adresse personnelle est diffusée sur le net, avec des photo d'elle dénudée. Ce qui évidemment n'est pas plus grave que ce qui l'accuse. La présomption d'innocence passera bien évidemment après toute la souffrance qui doit découler d'une telle exposition négative sur le net. Les vidéo sur Youtube s'enchainent, les commentaires déplacés se multiplient et s'écrivent encore aujourd'hui. Menaces de mort, de viol et tout ce qui va avec évidemment…c’est tellement plus facile derrière un écran. Mais c'est certainement la rançon de la gloire, à laquelle n'importe quelle développeuse indépendante se doit d'être préparée.

Et puis quand elle se défend, cherchant de l'aide du côté des féministe dont elle est une activiste, ou jouant de ses connaissances dans la presse pour obtenir un peu de calme, on saute sur le mot "censure" pour en faire un étendard de la liberté d'être un connard (ou une connasse hein, pas de sexisme dans la bêtise). En gros, Zoé Quinn est coupable, c'est prouvé par internet.

Mon cul, c'est pas du gateau

Comme le souligne parfaitement Epyon dans son article paru sur jeuxvidéo.com, la suspicion est déjà bien présente autour des journalistes du jeu vidéo. L'affaire des Doritos qui a touché la presse anglo-saxonne dessert régulièrement ceux qui en vivent. Le monde des gamers serait-il touché par la médiocrité humaine au même titre que le cinéma, la musique ou la politique? Une développeuse machiavélique pourrait elle mettre au point un stratagème complexe intégrant sa vie sexuelle pour obtenir les faveurs journalistiques et promotionnelles de son milieu? Cette théorie trouve en tout cas bien plus d'écho dans la tête des lecteurs que la simple attirance physique qui peut toucher des personnes travaillant dans le même environnement, se côtoyant régulièrement autour d'un verre ou d'une interview.

Mais en même temps, il faut voir ce qui est reproché. On suppose que Zoé Quinn a obtenu des articles que son jeu ne méritait pas. On imagine que les prix de Depression Quest auraient du être donnés à d'autres titres plus méritants. On se dit, en tant que joueur que l'on a été floué par la presse qui nous a mis ce jeu en avant et nous a donc forcé à l'acheter. Ouais sauf qu'on est quand même pas nombreux à avoir succombé à ce jeu et bon nombre de râleurs n'ont même pas approché la petite perle vidéoludique, certes imparfaite mais très intéressante. En gros, les forumeurs balancent leur rage sur un sujet qu'ils ne connaissent pas, ne faisant que supposer à tous les étages, de la rumeur de coucherie jusqu'à la qualité du jeu.

Et puis quand l'oeuvre a le malheur d'être Greenlighté par Steam quelques jours après la diparition de Robin Williams, voilà qu'on traite encore Zoé Quinn de profiteuse...sans avoir la moindre idée du temps nécessaire à la pateforme Greenlight pour faire passer un jeu. Mais quand la masse crie, l’information déformée passe.

Gameblog mérite ma colère

Plus le temps avance, et plus l'article du blogueur mis en avant par Gameblog sur facebook me titille. Déjà parce qu'il n'est pas au niveau de ce que devrait être une analyse complète, mais aussi parce qu'il manque encore l'article officiel pour contre balancer. Ce dernier tarde à arriver et est écrit par Dopamine, un auteur dont j'apprécie la plume et en général l'avis. Son axe est simple: si Zoé Quinn se fait lyncher à ce point, c'est peut être aussi parce qu'elle est une femme. Le texte est posé, complet, ouvert au dialogue, laissant la possibilité de débattre tant de l'affaire elle même que de son traitement par les joueurs. Mais non, ça n'empêche pas les débordements extrêmement violents dans les commentaires. On insulte l'auteur, Gameblog et évidemment Julien Chièze et sa ligne éditoriale. Le pire, c'est que les attaques se fond sur tous les fronts.

D'abord le traitement de l'affaire par la rédaction, évidemment, comme s'il était possible de contenter tout le monde avec un article, comme si chacun ne s'était pas déjà fait un avis bien tranché. Ensuite l'accusation d'éviter le sujet principal, à savoir la corruption du monde des journalistes et l'influence des développeurs sur eux. Et pour finir, l'incroyable paradoxe qui consiste à pointer du doigt le sexisme tout en étant capable traiter des sujets plus léger, paires de lolos à l'appui. Non vraiment, ni Gameblog, ni Dopamine, ni Julien Chièze ne méritent le moindre respect de la part des commentateurs. Tous pourris, tous immatures, tous vendus, tous dénués de talent, tous ne méritant ni confiance ni intérêt…mais quand même un petit commentaire acerbe !

Féminisme entre 4 murs

Dépité, abandonnant mes tentatives inintéressantes de participer au débat à la liesse des contradicteurs, je me suis retourné vers tweeter pour essayer d'y trouver la moindre clé. Et évidemment (suis je bête à ce point), j'y ai trouvé encore plus de rage et d'imbécilité, et même de la part de féministes qui, plutôt que d'éclairer le débat et de le relancer, s'amusent finalement à défoncer chaque phrase, chaque citation de l'article de Dopamine, chaque tentative de dialogue de Julien Chièze. On s’enferme finalement ici aussi dans une guerre des réparties, sport hautement considéré sur internet et qui distribue autant de points qu’il écrase les débats sous le poids de la bêtise en 140 caractères.

Dommage parce que dans l’équipe de Gameblog on trouve Carole Quintaine. Une fille qui a le mérite d’encaisser les attaques constantes avec autant de force et de sourire que Julien Chièze, et même parfois avec encore plus de panache. Une fille qui doit accepter, ou pas d’ailleurs, qu’à chaque apparition elle ait droit à des commentaires graveleux, parce que la gente masculine ne peut pas lutter contre son deuxième cerveau. Une fille qui vit au quotidien le poids de son sexe, de ses choix dénudés, et les remises en question constantes de sa légitimité au sein de la rédaction, sans pour autant pleurer sur son statut de femme. Peut être parce qu’au sein de cette rédaction justement, elle n’est pas considérée comme une femme avant d’être une rédactrice ?

Conclusion

En gros, il en ressort ce qui restera mon avis sur cette affaire: il est impossible d'en discuter en public sur internet. Il y a du cul, du rapport homme/femme, du jeu vidéo, du journalisme, bien trop de paramètres sensibles pour que seules des personnes capables de discuter simplement y participent. Le flot d'abrutis, de hurleurs, d'insultants et de convaincus est bien trop important pour que le partage et le débat se fassent sereinement. Il y a trop de « désignés coupables », trop de rumeurs portées au niveau de preuves, trop de sous-entendus et finalement trop d’esprits fermés pour que cette histoire, comme des milliers d’autres, se referme finalement en toute quiétude. La vie de Zoé Quinn est à jamais marquée par cette déferlante, sa réputation à jamais bafouée par les internautes, son corps à jamais jeté en picture dans les disques durs et personne ne payera jamais pour le mal qui a été fait. Ainsi va l’internet moderne, celui que vous alimentez chaque jour.