Beaucoup de personnes m'ont posé cette question à la fin de mes études en 2008 : "Pourquoi tu pars pour Madagascar ?"

Ma réponse était simple.

Tout d'abord si j'ai fait une école de jeu vidéo, c'est pour faire des jeux vidéo et dans le meilleur des cas les miens. Sous cet argument qui peut sembler arrogant de prime abord, j'ai passé 2 ans à écrire le business plan nécessaire pour rendre cette expérience possible. J'en avais ras-le-bol qu'on me répète sans arrêt que l'avenir d'un game designer fraîchement sorti d'école c'était les jeux casuals et que la Wii et la DS étaient les messies d'un nouveau monde. Je n'y ai jamais cru pour un développeur tier (et l'histoire me donnera finalement raison) et il fallait donc trouver d'autres pistes de sortie.

Je suis originaire de Madagascar et une chose qu'on nous avait appris c'était de réfléchir constamment ce qui pouvait tourner à notre avantage dans la création.

J'ai donc travaillé pour étudier le terrain et je profite d'un stage à Madagascar en 2006 pour voir si c'était possible ou non. Et voici ce que j'ai pu y découvrir :

- Un grand nombre d'école de programmation pour un marché du travail vraiment restreint.

- Une école d'animation 3D pour un marché du travail encore plus restreint.

J'avais donc à disposition des bonnes formations (voir excellentes pour certaines) qui me permettait de former le coeur d'une équipe pour la production de jeux vidéo.

Premier essai

De 2006 à 2008, je suis attentivement l'évolution de ces jeunes au travers de ceux que j'ai pu croiser à Madagascar. Et notamment l'évolution des salaires et tout ce qui pouvait être dans les charges fixes.

En 2008, avec le diplôme en poche, je rentre à Madagascar et je réunis un premier noyau dur pour produire un jeu. Malheureusement les évènements à Madagascar, l'instabilité politique que je ne voyais pas venir si tôt (et que j'avais pourtant prévu dans le business plan) éclate dès début 2009. La situation était devenue floue, trop floue.

C'était donc avec beaucoup de peine et dans la peur de ne plus pouvoir tenir les dates des milestones que je suspend les activités de cette petite équipe. Car oui, il y a de l'argent qui est engagé dedans. Le pari était bien trop gros, et j'ai préféré prendre un souffle pour continuer plus tard.

La crise, la traversée du désert

Après cette crise politique, revenir en Europe touchée par une crise financière avec des studios qui mettent la clé sous la porte un par un était difficile. Trouver du travail au niveau de ma petite expérience n'était pas évident. Les seniors étaient prioritaires (à juste titre d'ailleurs) et des seniors il y en avait un bon paquet sur le marché du travail.

Une chose importante c'est que cette crise que nous avons traversé m'a fait mettre des personnes au chômage. Et j'ai pu voir beaucoup de jeunes frappés impunément par la crise. C'est en voyant l'emploi des uns et des autres se détruire que je me suis décidé à faire quelque chose. Il ne fallait pas attendre, il fallait agir.

C'est donc ainsi que je me présente au Ministère de la Jeunesse et des Loisirs du gouvernement du pouvoir de la transition chargé de nous mener vers la IVe République. Je présente un plan d'emploi pour les jeunes au ministre. C'est ainsi que je suis nommé conseiller technique dans les Nouvelles Technologies et les Relations Internationales.

Le programme que j'avais présenté avait deux parties majeurs :

- Création d'emploi dans le domaine agricole (Madagascar n'étant pas auto-suffisant dans ce domaine là pourtant les ressources sont à notre disposition).

- Création d'une caisse pour la jeunesse.

Cette caisse pour la jeunesse devant financer des projets de jeunes et ainsi permettre la création d'emploi par les jeunes pour les jeunes. Sachant que les 15-35 ans représentent 80% de la population à Madagascar, c'est loin d'être discriminatoire selon moi.

Cette caisse pour la jeunesse devait être financée par diverses sources et la production du jeu vidéo était l'une d'elles.

Madagascar est aussi à un tournant important de son histoire au niveau technologique car nous venons d'être branché au réseau mondial par 2 câbles optiques qui traversent le pays dans deux sens différents. Toujours dans le cadre de mon travail pour l'Etat, il fallait trouver une utilisation de cette opportunité qui nous est offerte.

Parallèlement à cela, la vente de jeu vidéo sous forme dématérialisée explose sans compter le monde du jeu vidéo indépendant qui refait surface d'une bien belle manière. Si le cinéma ou encore la musique malgache sont difficilement exportables au delà de la diaspora, le jeu vidéo lui est encore bien ouvert. Et ce n'est pas dans 10 ans qu'il faut se lancer, c'est maintenant.

Ce n'est pas tous les jours que nous avons une crise financière mondiale qui est pour une fois à notre avantage, et dans 10 ans le marché dématérialisé sera bien différent.

Ainsi commence ce que beaucoup considère comme une utopie : l'un des pays les plus pauvres du monde qui se lance dans le jeu vidéo pour en sortir ses jeunes de la misère.

 

Deuxième essai

C'est aujourd'hui en 2010, lorsque j'écris ces lignes que je me lance à nouveau et que je laisse de côté les affaires de l'Etat :

- J'ai travaillé pour communiquer l'importance du jeu vidéo à Madagascar au sein du gouvernement de transition. J'ai été entendu par beaucoup, mais ignoré par ceux qui n'y trouvaient pas leurs intérêts personnels.

- Les élections pour déterminer la IVe République sont lancées. Mon travail s'achève ici car je m'étais promis de ne pas aller au delà de la transition. Etre dans le privée a été mon premier but. Est-ce que mon message restera ou non pour ceux qui viendront gouverner ? Je ne sais pas, j'ai fait ce que j'ai pu et je continuerai l'effort que j'ai commencé avant la crise dans le privé.

- L'Etat est lent pour mettre en place des choses. Nous sommes écroulés sous des procédures d'un autre temps hérité de la colonisation et de la IVe République Française. Seul aujourd'hui le privé me permet de continuer le chemin pour atteindre des objectifs prioritaires.

- Avant que des investisseurs étrangers s'aventurent dans ce pays qui leur est inconnu, il faut qu'une personne se lance et dise : "Hé, on sait faire des choses pas dégueulasse du tout !"

Je relance donc l'investissement pour un studio de développement.