Ceux qui me
connaissent un peu le savent : il m'arrive régulièrement de mettre une robe pour me rendre dans des endroits bizarres et y prononcer des mots étranges, en
me faisant appeler maître. Pas de doute sur ma véritable nature : je suis
avocat. 
Avocat, oui,
mais pas que. Je suis aussi un enfant qui refuse de grandir (d'où ma taille
culminant difficilement au mètre soixante dix, mais qui est tout à fait
volontaire), qui lit des bandes dessinées, joue aux jeux video et traine
régulièrement ses guêtres sur un certain site internet.


C'est dans ce cadre que je suis un des vilains violets qui fait panpan cucul aux vilains boulays. Et
contrairement à ce qu'on pourrait croire de prime abord, ça n'a rien de facile
ni même de valorisant. 
Mais il m'a paru
intéressant d'expliquer aussi pourquoi la justice violette, qui parait souvent
inique (mais toutes les décisions font des malheureux), est un mal nécessaire. Que
dis-je, vital et indispensable pour un site accueillant des forums de
discussion.

 

Je tiens en
outre à rajouter que les modérateurs sont indéniablement des personnes
excessivement belles. Et pas qu'à l'intérieur.



Oui,
c'est vrai ça, pourquoi les modos sont-ils si méchants?

Mais encore ?

Avant de commencer, il faut en
revenir aux fondamentaux. Nous sommes en France, pays du fromage et des beaux
gosses (si), et accessoirement démocratie vivace (si), qui garantit à chacun le
respect de la sacro-sainte Liberté d'Expression. C'est pas moi qui le dit, mais
l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen depuis 1789
(qui a un caractère constitutionnel puisque la Constitution renvoie
à cette déclaration fameuse), et accessoirement la Convention européenne des
droits de l'homme.

Bref, et en très gros, je peux
dire tout ce que je veux et je t'emmerde. Enfin, sauf que pas tout à fait.

Comme toute liberté, celle d'expression
connaît des limites, qui sont en général elles mêmes d'autres libertés. La liberté de chacun s'arrête où commence
celle des autres...
Bref, pour rester dans le caricatural, on dira que ces
limites sont constituées par la diffamation, l'injure ou l'incitation à la
haine.

On saisit assez vite que
finalement, on est loin de pouvoir tout dire, mais que finalement c'est pas
plus mal parce que v'là bordel sinon (oui, j'ai fait des études littéraires).

Ceci étant rappelé, qu'en est
t-il sur les forums de discussion ?


Un violet qui se la pète sur le
forum...

Historiquement, le forum, c'est
le lieu sur lequel on se retrouve pour échanger. Si, je le sais, je l'ai vu
dans la série Rome. Donc bon.

Et finalement, sur les forums de
discussion de l'interoueb, c'est un peu la vie qui se recréé. Il y a toutes les
opinions, ceux qui ont de l'humour, d'autres moins. Les agressifs, les naïfs,
les malins, les fous, les faux et que sais-je encore.

C'est sacré bordel sur lequel le
législateur répugne visiblement à se pencher, de sorte que finalement, on a
décidé d'y appliquer les principes du droits que l'on connaît IRL (c'est pas
dit comme ça, mais c'est l'idée).

Et comme toujours quand c'est
flou, et ben on y voit pas très clair...

Les juges ont donc tâtonné, avec
les outils qu'ils avaient. Les Tribunaux (de Lyon et de Toulouse en 2002, puis
Paris en 2003) ont appliqué une loi du 1er août 2000 et ont assimilé le
responsable d'un forum à un hébergeur, en édictant qu'il est responsable du
contenu des services si, ayant été informé d'une difficulté par une autorité officielle, il n'a pas agi
promptement pour empêcher l'accès à ce contenu.

La tristement loi HADOPI vient
désormais de rendre caduque le débat qui s'était instauré à la suite de ces
décisions, qui ont condamnés alternativement ou cumulativement l'éditeur, l'hébergeur
ou l'auteur du message litigieux.

Désormais, le principe est simple :
« Lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message adressé par un
internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce
service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles
identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas
voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi
qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne
ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour
retirer ce message
».

Le Tribunal de grande instance de
Paris vient d'appliquer cette solution le 9 octobre 2009.

Les choses sont donc claires :
le site qui met à disposition des forums de discussion est responsable
civilement et pénalement de leur contenu, dès lors qu'il a été informé d'une
difficulté et n'a pas pris les mesures pour la régler.

Il a été antérieurement jugé qu'un
délai de réaction de 24 heures était raisonnable, mais la question reste à la
libre appréciation du juge.

 

Revenons-en donc aux violets, ça
fait longtemps qu'on n'a pas parlé d'eux

Effectivement, on en revient
alors à la question de la modération.

Parce qu'en pratique, ce sont les
modérateurs, ces beaux gosses, qui reçoivent précisément l'information quant à
un contenu illicite sur les forums.

Je le rappelle, un contenu
illicite, c'est évidemment une violation des droits d'auteur (par exemple un
plagiat), une mise à disposition d'images pornographiques ou illicites quand
les forums sont ouverts à tous, mais aussi une insulte ou une diffamation.

A ce titre, le Forum des droits
de l'Internet, dans sa recommandation du 8 juillet 2003, évoque la
responsabilité du modérateur...

En réalité, le modérateur,
surtout s'il est bénévole, ne risque rien sur un plan juridique, réfugié
derrière la responsabilité désormais légale des responsables du forum, c'est-à-dire
les propriétaires du site, les patrons, les mecs en rouge, les éditeurs.

 

Tout ça pour dire quoi ?

Tout ça pour dire que finalement
Gameblog est responsable du contenu de tous ses forums. Pour tous les noms d'oiseaux
qui sont lancés entre membres, les photos diffusées sans autorisation de leur
auteur, ltus les textes pompés sur un autre site, tout se passe comme si
c'était Gameblog lui-même qui se livrait à ces basses activités.

Et Gameblog a dès lors une
obligation essentielle : faire cesser dans les meilleurs délais toutes les
situations illicites qui lui sont dénoncées (ou dont il a connaissance d'une façon ou d'une autre). Ou plus précisément qui sont
dénoncées à ses modérateurs.

Et tout à coup, je sens sur mes
épaules délicieusement musclées tout le poids d'une responsabilité que je n'avais
pas imaginé lors de ma violétisation...

Modérer, ce n'est pas seulement
essayer de faire appliquer des règles de bon sens, de politesse et de vie en
société. Les forums doivent rester des lieux courtois et passionnés, mais ça,
la plupart d'entre nous le saisit vite.

Modérer, c'est aussi veiller,
transmettre les informations, voire agir vite et son propre chef pour éviter
une difficulté plus grande. Nous sommes des guetteurs, la première ligne, celle
qui tombe, celle qui encaisse et celle qu'on oublie. Nos noms ne seront jamais
gravés dans le marbre de la gloire. Nos larmes coulent en silence. Nous sommes
les mal aimés, le bras armé mais nécessaire. Quelles que soient nos décisions,
elles sont contestées, et pourtant, nous sommes toujours debout. Toujours là,
encore et encore.

Bon, c'est vrai, j'exagère grave.

Mais tout ça pour expliquer que
finalement, les mots s'envolent sur les forums, et maintenant, on sait sur qui
ils retombent.

C'est pour ça que parfois, on est si méchants...