Du jeu à la télévision

Le jeu vidéo est le sport entretiennent des relations étroites, ce qui est assez attendu quand on peut observer que le jeu vidéo remplit aussi un rôle d'émulation. Mais comme le fait remarquer Martin Lefebvre sur le site Planetjeux, le sport n'est pas représenté en tant que tel. Il prend l'exemple du football : « Mais elles [les deux séries PES et FIFA] partagent un certain nombre de conceptions sur le football en tant que sport-spectacle: PES et FIFA sont tous deux des représentations de représentations. Ce n'est pas le football en tant que réalité vécue par le footballeur qui est retranscrite, mais bien le football tel qu'il est reproduit sur l'écran de télévision. Il y a quelque chose de troublant dans cette démarche, comme si les développeurs voulaient nous leurrer et nous forcer à nous demander ce qu'il y a sur l'écran: jeu vidéo ou match retransmis ? »

 

Cette problématique, qui est assez nette dans les jeux de football, existe également dans d'autres jeux de sport, dans les jeux de tennis par exemple. C'est le cas de Virtua Tennis 2 auquel j'ai joué, mais aussi de bien d'autres. Chaque terrain est introduit par une petite cinématique avec un « Live » placé dans le coin droit de l'écran, comme pour nous laisser croire à une retransmission télévisée. Nous n'échappons pas, bien entendu, au replay d'une belle action gagnante, ou la possibilité de voir les deux joueurs aller vers le banc à la fin d'un set. Et bien sûr, le point le plus important, c'est la disposition de la caméra, au dessus des joueurs, encadrant le cour dans sa longueur, exactement comme à la télévision.

Virtua Tennis 2, si je l'avais acquis à l'époque, ce n'était pas tellement parce que c'était un jeu de tennis, sport auquel je me sentais particulièrement proche, que pour ses qualités en tant que jeu vidéo : fluide, maniable, beau et un mode world tour qui pourrait même faire vibrer la corde sensible de nos amis les joueurs de RPG, avec son système de progression similaire à un jeu de rôle (avec niveaux, compétences, équipement et même un boss de fin !).

Ce qui est étonnant, c'est que c'est grâce à un jeu vidéo que j'ai pu me mettre à regarder un véritable match de tennis à la télévision. Jusqu'alors, pour moi, le tennis, c'était un envoi et un renvoi de balle assez peu passionnant entre deux joueurs, filmés avec une caméra statique, match fait d'échanges interminables et soporifiques, rythmés par des petits cris tantôt féminins, tantôt masculins. Et bien que je me doutais que ce sport était éminemment plus complexe, rien à faire, dès que France Télévision diffusait Roland Garros, je changeais de chaîne, ou finissais par éteindre le poste.
Mais en m'intéressant au gameplay de Virtua Tennis 2 comme n'importe quel joueur console le ferait, je ne réalisais pas que par la même occasion, je comprenais le tennis avec. Les trois types de frappes d'abord : le slice, le lift et le lob. Puis l'apprentissage d'un service efficace, pour réussir l'ace. La position du personnage qui détermine la puissance de la frappe. La réactivité pour tenter un smash. L'amorti pour absorber les attaques de l'adversaire. Toutes ces techniques sont nécessaires pour avoir un bon jeu et espérer monter dans le classement mondial virtuel dujeu.

A l'époque, c'est-à-dire fin 2001, Virtua Tennis 2 était la référence des jeux de tennis. Pourtant, à la vue d'autres jeux, comme la série Top Spin par exemple, Virtua Tennis est une saga tournée vers l'arcade (technique). Et il existe évidemment des gestes irréalisables dans la réalité, comme pouvoir contenir plusieurs smashes de suite en amortissant la balle, se jeter de tout son corps d'un côté puis se relever pour se rejeter de l'autre tout aussi vite, ou encore, jouer à la volée sur une trentaine d'échanges...
Mais, il y a cela deux ou trois ans, quand je suis retombé par hasard sur une nouvelle diffusion de Roland Garros, je suis à nouveau rentré dans le jeu. Je suis resté scotché sur mon écran des heures et des heures durant, à trouver soudain, un fol intérêt à ces matches que je trouvais endiablés. J'avais même cette petite forme de prescience où, par la même position de la caméra dans le jeu et à la télévision, je pouvais devinais l'endroit où la balle allait être frappée. Je savais désormais pourquoi un joueur ratait souvent son premier service, car je ratais souvent le mien dans le jeu, en cherchant l'ace. Je comprenais pourquoi un joueur n'arrivait pas à renvoyer la balle où il le souhaitait, puisque la puissance de la frappe adverse et la position du joueur empêchent certains angles.

 

Voilà un exemple où, l'intrusion de la représentation télévisée dans le jeu vidéo peut avoir du bon, car familier avec ce type de caméra dans le jeu, j'ai pu regarder de manière tout à fait aisée les matches retransmis à la télévision. J'arrivais à les lire, donc à les apprécier. Et puis, j'avais cette sensation d'avoir accompli le chemin inverse. On imagine souvent que c'est en amateur de tennis qu'on achète un jeu de tennis, comme un amateur de football irait acheter un jeu de football. Ce fut tout le contraire pour moi, puisque c'est avant tout en m'intéressant au jeu vidéo que je me suis mis à m'intéresser au tennis, ou du moins, à sa retransmission télévisuelle. La prochaine étape, une raquette en main ?

 

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