Article publié initialement le 06/09/2010 sur Numericity.fr


 

Il attend et regarde avec cette patience qui le caractérise, sous la brume électrique des écrans bariolés de Mute City, qu'enfin les lumières rouges se mettent à vibrer pour laisser la place au vert. Cela fait sept années que Captain Falcon sillonne les pistes du championnat GX. Habillé dans sa combinaison bleue moulante boursouflée par sa musculature, Captain Falcon est autant un pilote qu'un justicier, descendant cyberpunk d'autres capitaines : Captain America ou Captain Universe. Comme eux, il sait se draper de mystère, loin de l'exubérant couple Arrow autoproclamé super héros et qui participe lui aussi aux courses. Captain Falcon se présente comme un chasseur de primes mystérieux venu du concentrateur industriel galactique Port Town. Son super pouvoir ? Un talent inné et hors-norme du pilotage à bord de son véhicule attitré, le bien nommé Blue Falcon, bardé de son célèbre chiffre 07. En parallèle du championnat, Captain Falcon a du déjouer le traquenard du vindicatif Samurai Goroh dans un Canyon, slalomant dangereusement entre des rochers en chute, ou démembrer totalement du gang à coup d'attaques tournantes - désormais autorisées au sein des courses mêmes - nommé Bloody Chain, sans oublier le galant sauvetage de Jody Summer, ancienne Miss Fédération Galactique, avec une bombe fixée sur le Blue Falcon. Tous ces exploits, bien sûr, afin de déjouer le complot apparemment orchestré par Black Shadow, le roi du mal, seul pilote contre lequel Captain Falcon ose se dresser.

Cela fait sept années que Captain Falcon mêle ses activités de justicier qui font jusqu'à craquer les coutures de son costume et celles où il affronte la trentaine de concurrents sur les circuits vicieux du championnat, où toutes les jalousies s'expriment en course et en font un lieu crucial. Les feux passent au vert et les concurrents s'élancent dans un choc les propulsant de 0 à 1100 km/h. Le premier tour interdit l'utilisation du booster, permettant ainsi aux pilotes de se jauger et de se faufiler en bonne place dans le peloton. C'est aussi pour la Fédération le seul et unique moyen d'éviter la catastrophe. La rage de vaincre, inscrite au plus profond de chaque pilote n'aurait pour effet que de produire une vague de destruction... en plein bang supersonique.
Puis la libération au deuxième tour, l'autorisation de pousser les machines dans leurs retranchements, immédiatement suivie par le fracas sonore de la décharge et l'air se rider en cercles concentriques, comme lorsqu'on jette une pierre dans une marre. Les éclairs épars sont vomis des réacteurs et se collent instantanément aux parois et au sol avec panique : une secousse propulse le frêle engin en acier d'à peine 1260kg de 1100 à près de 1800km/h, jusqu'à lécher puis exploser le Mach 2 dans une combinaison réussie entre plaques de passage et utilisation intelligente du booster. Les mains de Captain Falcon sont crispées sur ses contrôles, mais il n'a pas le droit de trembler. A cette vitesse, la moindre oscillation de son âme se traduirait pas la perte du contrôle du véhicule et fatalement, à une embardée en dehors des rambardes pour aller s'écraser en contrebas, sur la mégalopole. Comme ces fameux pilotes d'escadrons rapprochés qui réalisent des acrobaties à quelques mètres les uns des autres, Captain Falcon leur emprunte la même technique, acquise à force d'expérience : parvenir à intégrer, à absorber les circuits dans son subconscient pour le traduire par des réflexes musculaires. Il faut aller jusqu'à dissoudre son âme, ne faire qu'un avec sa machine, sortir de la course, entrer dans un pilote automatique fulgurant, pour ne laisser que sur la piste qu'un bleu métal fondu se glisser dans les virages, accomplir les meilleures courbes et les meilleurs enchainements. Le doute est inhibé et les doigts du Captain jouent tout en subtilité avec les aérofreins analogiques, en plein flow state.

Fini la cosmopolite et décadente Mute City, Captain Falcon est en plein vol dans le ciel incandescent de Port Town. Ce moment suspendu et la beauté du panorama sortent Captain de sa « rêverie ». Sur le ciel orangé, se dessinent le balai des imposants cargos galactiques. Le Blue Falcon se courbe et file en pointe à plus de 2300 km/h avant de violemment percuter la piste et faire retomber le véhicule en moins d'une seconde à 1700km/h. l'impact absorbé, il faut se re-concentrer sur la course, ou plutôt, s'abandonner à elle, à nouveau.
Et pour cause, les différentes coupes proposent des circuits ou le vice et l'ingéniosité se sont acoquinés des environnements aussi extraordinaires qu'improbables : l'azur du mythique Big Blue côtoie l'enfer du Fire Field. La cité si blanche et éclatante d'Aeropolis se télescope aux orages magnétiques de la nocturne Lightning. L'épure et la transparence de Green Plant contraste avec la roche et le sable de Sand Ocean, sans oublier, bien sûr, l'épileptique Phantom Road, la si délicieusement hypnotisante course dans le Cosmo Terminal ou encore, la beauté spatiale d'un circuit dans le vide intersidéral, placé sous une pluie de météorites, Outer Space.
De ces lieux sont nés un entrelacs de courbes extravagantes qui se gaussent toujours, sept ans après leur apparition, des affres du temps, où les pilotes sont confrontés à la totalité des difficultés qu'ils pourraient rencontrer : tremplins, sauts, circulation dans des tubes, entre des tubes, sur des tubes, loopings, bosses, glissades, spirales... tout y est pour procurer au pilote des poussées régulières d'adrénaline. Drôle d'ambivalence, celle de voir dans ces circuits infernaux un paradis pour pilote.

Captain Falcon circule à nouveau à Mute City, dans un tour d'honneur signifiant sa première place à la Coupe. Après avoir défié et remporté la Coupe AX et ses nouveaux pilotes dans un crossover permis par la Fédération, qui pourrait contester sa maîtrise légendaire ? Devant les caméras qui médiatisent sa nouvelle victoire, Captain Falcon donne, comme à son accoutumée, une réponse bien laconique au présentateur allumé de la chaîne F-Zero, et se demande, dans le même temps, s'il pourrait y avoir un jour, après sept années aussi insolentes de perfection, un championnat plus réussi pour F-Zero que le GX.

Numerimaniac (Alexis)