Final Fantasy IX est une belle expérience. Peut-être n'ai-je pas dépensé autant de temps sur cet ultime épisode PlayStation que sur son prédécesseur, l'ambitieux Final Fantasy VIII, mais le retour aux sources de cet épisode lui confère un enchantement tout particulier, une fois abandonné les courbes, les couleurs et les proportions réalistes, pour se laisser à un monde plus médiéval fantastique, avec chevaliers, dragons, châteaux et princesses, le tout réapproprié et réinterprété par l'esprit japonais.

 

Mais nous n'allons pas ici traiter du jeu en lui-même ou par exemple, de mon affection toute particulière - et c'est le cas pour beaucoup de joueurs - pour le si attachant personnage de Bibi, l'innocent mage noir, mais plutôt pour vous raconter mon anecdote d'un moment ô combien particulier, puisqu'il s'agit du combat contre le Boss final, celui qui, une fois occis, libère le joueur de son aventure dans un bouquet final en images de synthèse, le récompensant de sa longue épopée réalisée sur des dizaines et des dizaines d'heures, dans la tradition du RPG cinématique. La fin d'un Final Fantasy est toujours un instant toujours particulier pour le joueur, pris entre le regret de quitter l'aventure et la joie d'être venu à bout d'un monument du jeu.
Pourtant, le combat final, généralement âpre, reste pour moi une drôle d'expérience. Comme souvent dans la série, le vilain du jeu, par qui le malheur arrive, celui qui précipite l'épopée de tout l'équipée des personnages que nous contrôlons, laisse place à un ennemi encore plus puissant. Plus abstrait aussi : ici, c'est l'apparition soudaine de Darkness, créature venue d'une autre dimension dont sa seule mission est de faire retourner toute chose au néant. Il s'oppose au cristal de cet épisode, celui par lequel l'univers s'est crée.

 

Avant de l'affronter, le jeu vous propose de choisir parmi votre équipe composée de huit membres, quatre combattants pour l'ultime combat. Je choisis Djidane, le héros, voleur sacripant, comédien amateur et Don Juan à ses heures, le mage noir Bibi, ce pantin de guerre ayant comme défaut de fabrication d'être doté d'une âme, la princesse Grenat, requise pour ses pouvoirs de guérisons et sa possibilité d'invoquer des chimères aux puissants pouvoirs. Pour mon dernier personnage, j'avoue avoir mal choisi. J'aurais dû prendre le solide Steiner, le chevalier loyal jusqu'au ridicule ou le bandit Tarask, mystérieux personnage se battant avec trois longues griffes montées sur chacune de ses mains voire la courageuse chevalière dragon, Freyja. Mais je leur préfère Eiko, la petite orpheline capricieuse et malicieuse, ayant des capacités similaires à la princesse. Un mauvais choix, parce que les deux personnages font doublon et que ne connaissant pas la nature de la créature que j'allais affronter, il aurait été plus judicieux diversifier mon équipe...
Le combat commence et Darkness montre sa puissance aussitôt. Il amoche sévèrement mon équipe. Bibi tombe au sol dès le début du combat. Je tente de le ramener à la vie pour qu'il puisse poursuivre la lutte. Mais le temps ne m'en est pas donné. La botte secrète de Darkness, c'est l'emploi d'un sort nommé Crucifix qui cause ce qu'on appelle des altérations d'état. Le reste du groupe se fait toucher par ce sort. Les soigneuses sont pétrifiées (littéralement transformées en pierre), donc hors jeu. Djidane, lui, est touché par l'altération nommée furie, qui rend le personnage fou furieux et s'acharne à attaquer l'ennemi, sans que le joueur, derrière sa manette, ne puisse avoir d'emprise. Voilà ce qu'on appelle un combat mal engagé !

 

Je pose ma manette et commence déjà à réfléchir à la manière dont je pourrais agencer mon équipe, régler les objets et les compétences de chacun pour contrer le sort de Darkness, en attendant patiemment que mon écran affiche l'inéluctable Game Over. Mais petit à petit, je me rends compte que Djidane est peu décidé à mourir. S'il est dans un état second avec le sort furie, je l'ai doté de la compétence AutoRécup, qui permet à un personnage de récupérer ses points de vie automatiquement (le nombre de points de vie récupérés dépendant de facteurs divers). Un drôle de cycle se met en place. Darkness, contrôlé par une intelligence artificielle limitée, lance ses sortilèges avec une précision métronomique, sans jamais les changer d'ordre. Ainsi, tant bien même le personnage se fait-il attaquer, parfois avec un sort séparant Djidane de la mort d'un seul et unique point de vie, l'intervalle entre chaque attaque lui permet de récupérer la totalité de ses points de vie. Je me rappelle être resté incrédule plusieurs minutes devant mon écran. Le combat n'étant pas perdu, je reprends la manette... avant de la reposer. Dans la panoplie des sorts envoyés par Darkness, Crucifx m'empêche toujours de reprendre le contrôle de mon personnage. Vous l'avez compris. Il ne me reste plus qu'à regarder le combat final se dérouler sous mes yeux, Djidane ne pouvant que frapper son adversaire...
De longues minutes s'écoulent et je regarde fébrilement le combat, pris entre l'espoir de remporter le combat et la peur de voir Darkness changer de stratégie. Mais rien ne change jusqu'au dernier souffle de la créature venue de l'au-delà, renvoyée de là où elle venait : le néant. Et moi, bientôt de me vanter, d'avoir remporté l'ultime combat... sans les mains !

Aujourd'hui encore, je me demande si j'ai été le seul à avoir eu cette chance (car c'est bien de chance qu'il s'agit) ou si c'est un véritable « défaut » du jeu.

 

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